Marc Maurer, 51 ans
Co-CEO On, Zurich
Ce fut une entrée en matière spectaculaire que réalisa le fabricant de chaussures de sport On, mi-septembre, à la bourse de New York: l’action a été négociée à près de 50% de plus que le prix d’émission déjà ambitieux visé. Depuis, elle a encore grimpé et l’entreprise zurichoise est désormais valorisée à 14 milliards de dollars. Au cœur des opérations se trouve Marc Maurer, qui partage la fonction de CEO avec Martin Hoffmann. Ce dernier s’occupe des finances, Marc Maurer des activités quotidiennes. Ils prennent leurs décisions avec les trois autres cofondateurs d’On, David Allemann, Caspar Coppetti et Olivier Bernhard, qui siègent au conseil d’administration. En cas de besoin, ils discutent jusqu’à ce que l’unanimité se fasse entre eux. «Pendant toutes ces années, il n’y a jamais eu un sujet sur lequel il a fallu voter», souligne Marc Maurer.
Le quinquagénaire a travaillé cinq ans pour McKinsey, puis il fut directeur marketing chez Valora et débarqua chez On en 2013 comme COO. Une démarche rentable puisque son paquet d’actions vaut désormais plus de 200 millions de francs. Mais dans l’immédiat, il s’agit de maîtriser les séquelles de la crise sanitaire: certaines fabriques – On produit notamment au Vietnam – ont dû être fermées en raison de la pandémie et il y a eu des pannes dans les livraisons. Pour justifier sa valorisation boursière, On doit continuer de croître à long terme. Aux Etats-Unis mais surtout sur l’énorme marché chinois. On reste un petit poisson dans un océan et la marque est encore peu connue. Il y a aussi encore beaucoup de potentiel en Amérique latine. Dans des mégapoles comme Tokyo, Londres, Berlin ou Los Angeles, les points de vente dédiés devraient augmenter la notoriété de l’entreprise.
On entend atteindre l’année prochaine des ventes de 1 milliard, ce qui paraît réaliste vu les taux de croissance actuels. «Ce qui nous limite jusqu’ici, ce n’est pas la demande, c’est notre offre», admet Marc Maurer. Avec les 500 employés zurichois d’On, il déménagera au printemps dans un immeuble de 16 étages dans le quartier de Zurich Ouest.
Björn Rosengren, 62 ans
CEO ABB, Zurich
Toute sa vie, le Suédois Björn Rosengren aura appliqué la même recette: revitaliser des groupes industriels en taillant sévèrement dans les effectifs des sièges centraux, en supprimant des niveaux hiérarchiques, en délocalisant le pouvoir dans les départements et en conférant une plus grande liberté entrepreneuriale aux chefs de division. Et bien sûr aussi en mesurant leurs progrès, mois après mois, à l’aune de 15 indicateurs. Il l’a fait chez le constructeur de machines et d’outillage suédois Sandvik, chez le constructeur de centrales électriques et de moteurs de bateaux finnois Wärtsilä. Et il le fait au sein d’un des fleurons de l’industrie suisse, ABB. Avec pour résultat que le cours de l’action, resté plat pendant des années, s’est enfin mis en mouvement: il a gagné 50% en bourse depuis l’arrivée de Björn Rosengren en mars 2020.
Avec ses manières réservées, il a gagné petit à petit la confiance des investisseurs et du personnel. L’homme réalise plus qu’il ne promet. Notamment en introduisant chez ABB une culture de la performance sans conditions. Ceux qui sont bons sont promus, ceux qui ne le sont pas sont priés de s’en aller. Une demi-douzaine de responsables de département ont dû quitter leur poste depuis son arrivée, certains simplement parce qu’ils étaient là depuis trop longtemps. «Je crois fermement qu’il n’est pas bon de rester trop longtemps au même poste», affirme Björn Rosengren, pour qui une rotation est nécessaire tous les cinq à sept ans. «Quand on reste plus durablement, on a tout balisé soi-même. Alors quelqu’un d’autre doit vérifier ce qui se cache.»
Chez ABB, Björn Rosengren s’est séparé des divisions qui ne sont pas numéros 1 ou 2 sur le marché mondial. Notamment les départements des transmissions ou de l’activité alimentation électrique pour les prestataires de téléphonie. Et, au désespoir des tenants de la tradition chez ABB, l’activité vieille de 96 ans dans les turbocompresseurs à Baden. Quant à l’activité chargeurs pour voitures électriques, un domaine porteur pour le groupe avec ses taux de croissance élevés, elle devrait être mise en bourse. Et il faut s’attendre à ce que les grands actionnaires demandent d’autres assainissements, tandis que des acquisitions sont prévues pour renforcer le groupe. «Il y a encore beaucoup à faire avant que nous puissions nous considérer comme grandioses», conclut le CEO.
Mark Schneider, 56 ans
CEO Nestlé, Vevey
Nestlé impressionne de nouveau par ses pics en bourse. Ils sont largement dus à Mark Schneider, arrivé du groupe médical Fresenius en 2017. Lors de son entrée en fonction, le titre Nestlé se situait vers 70 francs. Début novembre, il dépassait les 120 francs. Pendant les premières années de son mandat, Nestlé souffrait d’une croissance anémique, se débattait dans les controverses sur les prélèvements d’eau pour ses diverses marques d’eau en bouteille et travaillait sur une stratégie visant à colmater la brèche entre l’alimentaire pur et dur et de nouveaux domaines d’activité, comme les soins de la peau, les protections solaires et divers produits dédié à l’esthétique, un cheval de bataille de l’ex-patron Peter Brabeck.
Mais Mark Schneider s’est montré peu intéressé et a vendu en mai 2019 l’activité nommée Skin Health pour un prix faramineux dépassant les 10 milliards de francs. Parallèlement, il a concentré le groupe sur ses activités classiques: denrées alimentaires, nourriture pour animaux de compagnie, café et compléments alimentaires. Cela dit, le qualificatif «classique» ne signifie pas traditionnel. Mark Schneider a insufflé une agilité accrue à ce groupe qui avait toujours agi sur ses divers marchés avec une certaine lenteur. Des petites et très petites entreprises ont complété le portefeuille, notamment dans le café et les denrées alimentaires plus saines et plus proches de la nature.
Et dernièrement, Nestlé a repris pour près de 6 milliards le fabricant américain de vitamines Bountiful. Les durées de développement de nouveaux produits ont été drastiquement raccourcies, une production plus respectueuse de l’environnement (emballages compris) a été mise en place, des secteurs problématiques, telles des activités américaines dans les sucreries et les eaux, ont été vendues. On a vu naître peu à peu de nouveaux produits tendance. Le management a été sérieusement revu, comme le montre la nouvelle répartition des zones de marché, avec pour résultat des taux de croissance supérieurs aux attentes à l’interne comme aux prévisions des analystes. Sans conteste, Mark Schneider, qui fêtera début 2022 ses 5 ans à la tête du groupe, a mis le géant Nestlé en mouvement.
Gilles Andrier, 60 ans
CEO Givaudan, Vernier GE
Il est certes le CEO de Givaudan depuis 2005, mais Gilles Andrier aime dire: «Je suis le Chief Culture Officer de Givaudan.» Pour ce Français, une bonne culture d’entreprise est une valeur essentielle et la clé du succès. Depuis son arrivée, le géant des arômes et des parfums connaît une croissance moyenne de 5% l’an. L’homme est très apprécié non seulement par ses employés mais aussi par les actionnaires. La capitalisation boursière du titre Givaudan a plus que décuplé depuis 2005, passant de 4 à plus de 40 milliards de francs.
Avec une part de marché de 17%, Givaudan est le leader incontesté de la branche des arômes et parfums. Afin que cette tendance se poursuive, le groupe genevois investit chaque année 10% de son chiffre d’affaires dans la R&D. Outre l’amélioration des produits existants, les chercheurs travaillent aussi sur des produits tendance tels que les substituts à la viande ou les aliments sans lipides ni sucres. Gilles Andrier se dit très satisfait des excellents résultats: «Ils montrent que nous gagnons des parts de marché.» Ce diplômé de la Toulouse Tech était arrivé chez Givaudan en 1993 en qualité d’assistant du CEO.
Barbara Frei, 51 ans
Cheffe de l’automation industrielle Schneider Electric, administratrice Swisscom et Swiss Prime Site, Horgen ZH
Si sa voie était toute tracée, elle fut à l’époque inhabituelle. Comme son père, Barbara Frei a étudié la mécanique à l’EPFZ, où elle fut la seule femme dans l’auditoire. Elle est aujourd’hui la Suissesse la plus puissante dans l’industrie, dirigeante de la division automation industrielle du groupe français Schneider Electric (130 000 collaborateurs), 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires dépendent d’elle. Mais rares sont ceux qui la connaissent. «En fait, ça m’arrange de ne pas faire les titres des journaux. Cela facilite souvent mon travail au jour le jour», dit-elle. Barbara Frei a d’abord longtemps travaillé chez ABB, puis elle est passée chez Schneider comme responsable pour l’Allemagne, puis responsable pour les pays germanophones et, finalement, cheffe pour l’Europe et membre de la direction générale du groupe. Son travail n’est pas inspiré par la centrale de Paris ou par Hongkong, où habite le CEO, mais bien davantage par sa commune de résidence, Horgen. «Pour réussir sur les marchés locaux, il faut y montrer sa présence», professe-t-elle. Elue Administratrice de l’année, elle siège chez Swisscom et au sein de la société immobilière Swiss Prime Site.
Jan Jenisch, 55 ans
CEO Holcim, Zoug
2021 aura été une année agitée pour Holcim. Mais à vrai dire, c’est le cas chaque année depuis que Jan Jenisch y est devenu CEO, en 2017, car il en demande beaucoup au plus grand cimentier de la planète. Cette année, il y a eu la vente des importantes activités au Brésil et l’acquisition du fabricant américain de toitures plates Firestone. Auparavant, Jan Jenisch a supprimé chez Holcim des niveaux hiérarchiques entiers, changé la direction du groupe et fait subir une cure d’amaigrissement à la centrale pour transférer le pouvoir aux filiales nationales. Il a également fermé le second siège de Paris et de multiples filiales et, enfin, rebaptisé LafargeHolcim en Holcim. Le dernier objectif du patron allemand est de réduire l’activité de base au profit d’une nouvelle division «enveloppes de bâtiments» – d’où le rachat de Firestone – et de rendre le groupe climatiquement neutre d’ici à 2050. Vu les énormes émissions de CO2 qu’exige la production de ciment, c’est un gigantesque défi. C’est avec le même activisme que Jan Jenisch avait précédemment stimulé le groupe de chimie de la construction Sika et en a fait augmenter le cours en bourse. Selon les rumeurs, Jan Jenisch voudrait succéder en 2023 à Beat Hess à la présidence, quitte à assumer un double mandat. Ce qui suscite une certaine résistance au sein du groupe.
Frédéric Lalanne, 58 ans
Futur CEO Sulzer, Winterthour
Frédéric Lalanne va devenir, si l’on peut dire, CEO de Sulzer par hasard. Greg Poux-Guillaume, l’actuel titulaire du poste – qui n’a pas démérité – n’étant pas sur la même longueur d’onde que Suzanne Thomas, la future présidente du conseil d’administration, il quittera son poste mi-février. Frédéric Lalanne, jusqu’ici chef de la division Flow Equipment (en clair, les pompes), le remplacera. Un Français succédera donc à un Français à la tête du groupe de Winterthour. Ce n’est pas un hasard. Frédéric Lalanne et Greg Poux-Guillaume sont des compagnons de route, ils ont travaillé ensemble chez Alstom et GE. En 2016, le second a fait venir le premier chez Sulzer en tant que responsable du marketing. C’est toutefois en tant que chef de division que Frédéric Lalanne a gagné ses galons, en ramenant l’activité «pompes» dans les chiffres noirs, alors qu’elle était déficitaire quand il en a pris les rênes. En tant que CEO, la tâche principale de ce diplômé en sciences politiques et en ingénierie sera de réduire la dépendance du groupe vis-à-vis des activités pétrolières et gazières. Elles représentent encore un quart du chiffre d’affaires de 3,3 milliards de francs.
Thomas Oetterli, 51 ans
CEO Schindler, président désigné SFS Group, Ebikon LU
Chez Schindler, il fait partie des meubles. Voilà vingt-sept ans que Thomas Oetterli travaille pour le constructeur d’ascenseurs et d’escaliers roulants, dont il est le CEO depuis 2016. Il n’a jamais eu d’autre employeur que ce groupe fondé il y a cent cinquante ans. Le constructeur est lui aussi confronté à des goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement, au manque de puces et aux coûts croissants du matériel et de la logistique. L’an dernier, Thomas Oetterli a annoncé la réduction de 2000 emplois sur les 60 000 que compte le groupe dans le monde. Et aujourd’hui l’objectif du programme Top Speed 23 est la numérisation et les innovations dans les produits. Thomas Oetterli deviendra en outre au printemps président du SFS Group, qui construit des systèmes de fixation mécaniques et des composants de précision. Une entreprise qu’il connaît également depuis belle lurette: il siège au conseil d’administration depuis plus de dix ans.
Matthias Rebellius, 57 ans
CEO Suisse, chef de division Smart Infrastructure, membre de la direction générale Siemens, Zurich/Zoug/Munich
Il est le patron d’industrie le plus puissant de Suisse: Matthias Rebellius siège au sein de la direction générale de Siemens et y dirige les activités mondiales de Smart Infrastructures et ses 70 000 salariés. Au siège international de Zoug, 1700 personnes travaillent dans la recherche, le développement, la production et la gestion. L’activité a subi un ralentissement dû à la pandémie: «Quelle entreprise aurait voulu investir dans de nouvelles surfaces? se demande Matthias Rebellius. Les gens reviennent toutefois dans les bureaux. Et nous constatons qu’ils sont désormais mieux équipés en outils digitaux.» Le plus grand facteur de croissance est évidemment aujourd’hui l’activité dans les bornes de recharge pour voitures électriques. Par ailleurs, Matthias Rebellius dirige les affaires dans plusieurs pays, notamment en Suisse comme président du conseil d’administration, à la tête de 5900 salariés et 2,13 milliards de francs de chiffre d’affaires. Mais ce sportif amateur de course à pied, de natation et de vélo se tient à l’écart de l’opérationnel dans ce pays. D’autant qu’il est également administrateur de Siemens Energy, cotée en bourse. Et faire passer ce groupe du pétrole et du gaz vers les énergies renouvelables ressemble à un des dix travaux d’Hercule.
Peter Spuhler, 62 ans
CEO et président Stadler Rail, président Aebi-Schmidt, administrateur chez Rieter et Bosch, Bussnang TG
Depuis mai 2020, Peter Spuhler assume le double mandat de président et de CEO de Stadler Rail, alors même qu’il s’était retiré de l’opérationnel. Mais quand il a perdu son CEO, il a repris le poste. Son entreprise Stadler Rail, dont il possède encore au moins 40% après l’entrée en bourse, s’est en tout cas bien tirée de la crise sanitaire et arbore un carnet de commandes record de 18 milliards de francs, ce qui devrait réjouir les 13 000 salariés. Cela dit, ses autres participations chez Rieter et Autoneum se remettent bien de la pandémie, alors que chez Swiss Steel, ses intérêts ne lui procurent qu’une satisfaction limitée. Peter Spuhler, qui siégeait naguère aux conseils d’UBS, de Kühne + Nagel et de Walo Bertschinger, se concentre désormais sur un secteur plus restreint. Même chez Autoneum, il a quitté le conseil d’administration. En plus de sa présidence de Stadler Rail et d’Aebi-Schmidt, qu’il possède, il siège encore aux conseils de Rieter et de la multinationale Robert Bosch.