En Pologne, les forces de sécurité présentes dans le village de Kuznica (Est) ont tiré des gaz lacrymogènes sur des migrants lançant des pierres le long de la frontière avec le Bélarus, a indiqué mardi le ministère polonais de la Défense. "Des migrants ont attaqué nos soldats et officiers avec des pierres et tentent de détruire la clôture et de passer en Pologne", a tweeté le ministère.
Après une semaine de frictions, Bruxelles et Washington ont annoncé lundi vouloir élargir dans les prochains jours les mesures punitives contre Minsk, déjà sanctionné pour l'implacable répression de l'opposition depuis 2020.
Le régime bélarusse, que l'UE accuse d'avoir organisé depuis l'été l'afflux de milliers de migrants aux frontières de la Pologne et de la Lituanie pour se venger de ces sanctions, a cependant donné de premiers gestes d'apaisement.
"L'essentiel, aujourd'hui, est de défendre notre pays, notre peuple et d'éviter les heurts", a affirmé mardi l'imprévisible M. Loukachenko, cité par l'agence de presse étatique Belta. "Il ne faut pas que ce problème devienne une confrontation ardente".
Ces déclarations interviennent au lendemain d'un entretien avec la chancelière allemande Angela Merkel, un succès pour le dirigeant bélarusse auquel les Occidentaux refusaient de parler depuis sa réélection décriée en août 2020.
En dessous de zéro degré
A la frontière entre la Pologne et le Bélarus, plus de 2000 migrants massés devant le poste-frontière de Brouzgui (à une dizaine de kilomètres de Kuznica) souvent originaires du Proche-Orient, ont passé une nouvelle nuit dehors par des températures négatives.
Agglutinés autour de feux de camp ou emmitouflés dans des couvertures, ils attendaient devant la clôture surmontée de barbelés que la Pologne a érigée pour empêcher les intrusions, entre résignation et espoir. Face à eux, les forces polonaises protégeaient la frontière en nombre.
"Nous sommes fatigués et à bout", a confié un ex-chauffeur routier kurde irakien, joint au téléphone par l'AFP. Il est bloqué depuis plusieurs jours à la frontière avec sa femme et trois enfants, dont un nourrisson.
"Désescalade"?
Cette crise migratoire s'inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre les puissances occidentales et la Russie de Vladimir Poutine en Europe orientale, notamment autour de l'Ukraine et du Bélarus.
Pour enrayer l'afflux d'exilés, qui a réveillé à Bruxelles le souvenir de la crise migratoire de 2015, les dirigeants européens ont multiplié les consultations.
En parallèle de l'entretien entre Mme Merkel et M. Loukachenko, le président français Emmanuel Macron s'est entretenu lundi avec M. Poutine, parrain du régime bélarusse, les deux dirigeants disant souhaiter une "désescalade". Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune a dit mardi en voir "les premiers signaux", tout en appelant à être "très prudent".
Aide humanitaire
Il faut dire que M. Loukachenko est habitué à souffler le chaud et le froid. La semaine dernière, il avait menacé de couper le transit du gaz russe vers l'Europe en cas de nouvelles sanctions européennes.
"Ils nous menacent de nouvelles sanctions, de bâtir un mur de cinq mètres de haut", a lancé mardi M. Loukachenko. "S'ils n'ont rien d'autre à faire, qu'ils le fassent", a-t-il ironisé. Il a une fois de plus nié que son pays ait favorisé la venue des migrants. La veille, il promettait de travailler à leur retour tout en soulignant la réticence des intéressés.
Lundi, la compagnie aérienne bélarusse Belavia a déclaré que Syriens, Irakiens, Afghans et Yéménites étaient désormais interdits de vol de Dubaï vers le Bélarus. La Turquie a imposé les mêmes restrictions la semaine passée.
Bagdad a par ailleurs annoncé l'organisation jeudi d'un premier vol de rapatriement de migrants irakiens "sur la base du volontariat". Environ 200 personnes, parmi lesquelles des femmes et des enfants, qui se trouvent actuellement au Bélarus, ont contacté la mission diplomatique irakienne à Moscou en demandant à être rapatriées.
Sur le terrain, nombre de migrants, qui se sont souvent endettés pour payer le voyage, se disent déterminés à rester, malgré l'accès limité à des vivres et produits de première nécessité. La Croix-Rouge bélarusse a indiqué avoir livré trois tonnes d'aide mardi.