Sous l'impulsion des consommateurs et des réglementations plus contraignantes pour le secteur textile, le marché de la seconde main devrait fortement se développer ces prochaines années.
Manor, en collaboration avec la société française Tilt Vintage, a ouvert notamment à Genève et Bâle une boutique où les clientes peuvent acheter des habits et des accessoires déjà portés dont certains datent des années 1960 à 1990.
"Nous sommes convaincus que la protection de l'environnement passe entre autres par ce genre d'initiative. La transformation de l'industrie de la mode étant amorcée, il y aura davantage d'articles de meilleure qualité et de seconde main à l'avenir", déclare à AWP la responsable de la mode femme chez Manor, Delphine Perruche.
Deux sortes de clientèles s'intéressent en particulier à ce genre d'articles: des jeunes qui cherchent des marques plutôt sportives dites "streetwear" et des amatrices de mode plus âgées cherchant des pièces spéciales. "Elles ont 15 à 60 ans et l'écologie est un thème important pour elles", relate Mme Perruche. Les prix des produits proposés varient entre 25 et 150 francs et les tee-shirts et habits en cuir figurent parmi les articles les plus populaires.
"Nous aimerions bien étendre cette offre à d'autres grands magasins de Manor, mais nous cherchons encore des surfaces", poursuit la responsable avant de préciser qu'actuellement Manor compte 500 références d'occasion réparties entre Genève et Bâle sur 45 m2.
La dirigeante fait cependant remarquer que les marges moins importantes dans le secteur de la seconde main par rapport aux habits neufs peuvent être un frein à l'expansion de cette catégorie de produits.
Forte croissance malgré la pandémie
Les grands magasins Jelmoli à Zurich et Loeb à Berne ont pour leur part décidé de travailler notamment avec Reawake, boutique zurichoise spécialisée dans le segment de la mode de luxe de seconde main.
"Même si nous avons débuté notre collaboration avec Jelmoli en pleine pandémie en mars 2020, Reawake se développe très bien", déclare Rea Bill, la fondatrice de l'enseigne.
"Avant ce partenariat avec Jelmoli, j'avais une boutique où j'étais seule avec deux collaborateurs tandis que maintenant nous sommes une équipe de plus de 15 personnes", détaille celle qui occupe aussi le rôle de directrice générale. Nombre de personnes découvrent aussi la boutique par hasard en flânant dans le grand magasin se trouvant dans la très fréquentée Bahnhofstrasse de Zurich.
Sur les étagères du magasin, on trouve entres autres des sacs à main de grandes marques comme Hermès, des chaussures Christian Dior ou des vestes Chanel. "Le panier moyen par achat est supérieur à 500 francs", confie à AWP l'enseignante de formation ayant débuté sa carrière en tant que mannequin.
La société travaille avec deux catégories de clientes, en majorité des femmes: celles qui vendent leurs "trésors" et celles qui veulent acquérir la perle rare qu'on ne trouve parfois plus dans les rayons de la marque.
Reawake génère des recettes via les commissions encaissées: 50% pour les produits vendus jusqu'à 2000 francs, 40% jusqu'à 4000 francs et 30% à partir de 4001 francs. Par mois, la firme traite maintenant 1000 à 2000 articles. Quelque 3000 personnes ont jusqu'ici confiés leurs biens à la jeune pousse.
Face au succès avec Jelmoli à Zurich, Reawake vient ainsi de s'établir dans les enceintes de Loeb à Berne. "Nous avons aussi reçu des demandes de la Suisse romande et peut-être que dans les prochaines années nous y serons aussi", espère l'entrepreneure qui fait aussi remarquer que de plus en plus de gens sont sensibles à l'aspect environnementale des produits d'occasion.
Secteur en croissance
Selon les experts du gestionnaire d'actifs américain Columbia Threadneedle, le marché mondial de la seconde main devrait doubler au cours des cinq prochaines années pour atteindre 77 milliards de dollars et être deux fois plus important que celui de la "fast fashion", sous l'impulsion des consommateurs, en particulier les plus jeunes.
Dans le segment du luxe, l'importance des produits d'occasion est également appelée à croître que ce soit au niveau de la mode ou de l'horlogerie par exemple.
Actuellement, une très faible proportion des vêtements fabriqués est recyclée et réutilisée, la plupart terminant au rebut ou incinérés l'année suivant leur fabrication. L'industrie de la mode est ainsi l'une des plus polluantes au monde: elle émet plus de CO2 que ceux du transport aérien et maritime réunis.
Face à cette situation, l'Union européenne cherche à sortir de l'économie du jetable et du gaspillage en fixant des objectifs contraignants pour l'industrie textile d'ici 2030 et 2050, rapporte Columbia Threadneedle.