Depuis des mois, la Suisse est sous pression de dizaines d'Etats, d'organisations internationales, de syndicats ou d'ONG qui demandent une suspension provisoire des brevets pour les technologies contre le coronavirus. Jeudi encore, plusieurs acteurs suisses, dont Alliance Sud, ont demandé à nouveau au Conseil fédéral de cesser de se mettre du côté des entreprises pharmaceutiques qui devraient, selon elles, partager leur savoir-faire.
Aux côtés de l'UE, de la Grande-Bretagne et de la Norvège, Berne ne veut pas d'une levée des brevets. "La Suisse n'est évidemment pas prête à l'accepter", a réaffirmé jeudi à la presse l'ambassadeur suisse auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) Didier Chambovey, à quelques jours du début de la ministérielle des 164 Etats membres à Genève.
Depuis le début des discussions, elle préfère la solution de licences volontaires. Une suspension des brevets "serait contreproductive", selon l'ambassadeur. Elle ne permettrait pas "d'être plus innovant pour les prochaines pandémies" ni "d'augmenter la production de vaccins au moyen de partenariats industriels".
La pression est énorme sur la Suisse pour cette ministérielle. D'autant plus que le Conseil fédéral veut que le commerce mondial facilite l'acheminement des vaccins et des autres médicaments. "La réponse que peut apporter l’OMC ne se résume pas à protection de la propriété intellectuelle", insiste M. Chambovey. Selon lui, elle doit porter sur la limitation des restrictions aux exportations ou encore la facilitation du commerce des produits intermédiaires.
Situation difficile pour Berne
De plus, la Suisse a toujours affirmé qu'une levée des brevets ne permettrait pas de fabriquer une dose de vaccin supplémentaire dans les pays en développement. De même, celles prévues l'année prochaine par la branche devraient largement suffisantes pour alimenter tous les Etats. "Nous ne pouvons pas blâmer la propriété intellectuelle pour d'autres problèmes comme celui du financement et de la distribution", a ajouté M. Chambovey.
Mais la Suisse "a fait un pas" vers les partisans de la levée des brevets. Elle pourrait être favorable à des licences obligatoires qui pourraient permettre des exportations facilitées dans un ou plusieurs pays à la fois.
Ce compromis est important pour elle parce qu'elle pourrait se retrouver dans un scénario difficile pour elle à la ministérielle. Si certains pays conditionnent un accord sur le commerce et la santé à la levée des brevets, elle devrait, pour la première fois, briser le consensus obligatoire à l'OMC.
Pas encore d'accord
Une situation à laquelle elle s'est toujours refusée parce qu'elle soutient ardemment le système commercial multilatéral. "Nous espérons que nous pourrons trouver une solution sur les licences obligatoires", se contente de dire M. Chambovey.
En cas d'échec sur tout le paquet, il faudra continuer à discuter de ce que peut faire l'OMC. "Clairement, des personnes décèdent. Clairement, nous devons innover. Clairement, nous devons produire davantage", admet l'ambassadeur.
Et au-delà de la pandémie, il ajoute qu'aucun accord n'a encore été trouvé sur les questions les plus importantes attendues à la ministérielle, "même si des avancées ont eu lieu". Notamment sur la question des subventions à la pêche où des divergences sont toujours observées entre certains Etats.