Les rentes de la prévoyance professionnelle sont sous pression à cause de l'augmentation de l'espérance de vie et de la faiblesse des taux d'intérêt. Après le rejet de la réforme de la prévoyance vieillesse par le peuple en 2017, une réforme du 2e pilier reste indispensable. Elle passera inévitablement par une baisse du taux de conversion pour garantir durablement le financement des rentes.

Le Conseil fédéral a concocté un projet avec les partenaires sociaux (Union patronale suisse, Union syndicale suisse et Travail.Suisse). Son modèle prévoit une baisse du taux de conversion minimal de 6,8 à 6% dès l'entrée en vigueur de la réforme. Ce point n'est pas contesté.

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Le capital constitué par le rentier lors de son activité professionnelle aboutira ainsi à une rente plus petite. Un capital de 100'000 francs donnera droit à une rente de 6000 francs au lieu de 6800 francs.

Bataille sur la compensation

La réduction de la rente sera compensée. Le modèle proposé par le Conseil fédéral prévoit que toutes les personnes qui partent en retraite durant les cinq premières années suivant l'entrée en vigueur toucheront un supplément de 2400 francs par an. Le coup de pouce sera réduit à 1800 francs pour les cinq années suivantes et à 1200 francs pour les cinq années d'après.

La commission de la sécurité sociale du National ne veut pas de ce modèle "arrosoir". Elle propose à sa Chambre de tenir compte des prestations surobligatoires de la caisse de pension: si la rente prévue selon le règlement de la caisse de pension est plus élevée que le montant minimal légal, le supplément sera réduit. Les suppléments maximaux proposés par la commission restent identiques à ceux du projet du gouvernement.

Contrairement au projet du gouvernement, tous les rentiers ne toucheront pas un supplément. Seuls 35 à 40% d'entre eux en bénéficieraient. Cette version coûterait ainsi 800 millions de francs par an, contre 1,7 milliard pour le projet gouvernemental.

La bataille s'annonce rude sur ce point central du projet. Une partie des employeurs rejette le modèle du gouvernement. Pour ce dernier, le compromis des partenaires sociaux représente au contraire le seul modèle de réforme qui pourra être approuvé à la fois par les salariés et les employeurs. La suppression ou l'adaptation du supplément de rente risquerait de compromettre ce soutien.

Le projet du gouvernement prévoit une baisse du taux de conversion, et les Suisses ne devraient pas toucher une rente moins élevée. Ce point n'est pas contesté.

Le modèle proposé par le Conseil fédéral prévoit que la réduction de la rente sera compensée de manière échelonnée pour toutes les personnes qui partent en retraite durant les quinze premières années suivant l'entrée en vigueur. Il est le fruit d'un compromis entre les syndicats et l'Union patronale suisse.

Non à l'arrosoir

Mais la majorité de droite de la commission de la sécurité sociale veut un autre modèle. Celui-ci tiendrait compte des prestations surobligatoires de la caisse de pension: si la rente prévue selon le règlement de la caisse de pension est plus élevée que le montant minimal légal de 4700 francs, le supplément sera réduit.

Tous les rentiers ne toucheraient donc pas un supplément. La majorité des caisses de pension vont déjà au-delà du minimum légal de 4700 francs. Il faut donc éviter un modèle "arrosoir", a lancé Benjamin Roduit (Centre/VS), au nom de la commission.

Au final, seuls 35 à 40% des rentiers en bénéficieraient: les travailleurs du domaine de la construction, de la restauration, les personnes à temps partiel, les femmes, a-t-il précisé.

Mépris

"Mesdames et Messieurs des partis bourgeois, vous allez trop loin. Vous voulez faire reculer les prestations, vous n'êtes pas à la hauteur de l'Histoire et de vos prédécesseurs", a rugi Pierre-Yves Maillard (PS/VD).

Le critère choisi par la commission pour les compensations est totalement arbitraire. C'est un mépris pour les partenaires sociaux, y compris pour l'Union patronale suisse, assise à la table avec les syndicats. Il ne fait que reprendre les revendications des assureurs, a poursuivi le président de l'Union syndicale suisse.

Long chemin

Différents modèles sont sur la table. Il ne s'agit pas ici, au premier débat, au premier Conseil, d'annoncer le torpillage de la réforme et un référendum, lui a rétorqué Albert Rösti (UDC/BE). Et parler d'un compromis entre partenaires sociaux est discutable: plusieurs organisations patronales importantes, comme l'Union suisse des arts et métiers, n'y sont pas favorables.

Si quelqu'un pense pouvoir avoir une réforme sans les partenaires sociaux, "bonne chance!", lui a lancé le ministre de l'intérieur Alain Berset. Historiquement, les réformes de ce genre, complexes, n'ont aucune chance en votation s'ils ne sont pas à bord. "Cela ne veut pas dire que l'on ne peut rien toucher à ce modèle, le chemin est encore long".

La Chambre du peuple débute l'examen du projet.