On la surnomme le Davos de la voile de compétition. La dernière édition du Yacht Racing Forum s’est déroulée à Aahrus au Danemark en novembre 2017 et a réuni 270 délégués de toute la planète. Un succès qui réjouit MaxComm, propriétaire et organisatrice de l’événement depuis trois ans. A la tête de la petite agence installée à quelques pas du lac aux Eaux-Vives, Bernard Schopfer – que ses amis appellent aussi Max, son deuxième prénom. Et si la société genevoise est très présente dans le milieu nautique depuis ses débuts, en 2006, c’est bien parce que son fondateur en connaît un rayon dans le domaine.

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Fan de régate et windsurfer, Bernard Schopfer, politologue et ancien journaliste, a été impliqué dans à peu près tous les projets internationaux de voile de compétition. Pigiste à La Suisse durant ses études, il a travaillé à la rédaction du Matin, participé au développement du Nouveau Quotidien, avant de rejoindre le département des Sports de la RTS au milieu des années 90, où il couvre les grands rendez-vous océaniques.

Le déclic avec Bertarelli

C’est à l’occasion d’un reportage lors d’une régate dans le nord de l’Europe en 2000 que Bernard Schopfer rencontre Ernesto Bertarelli, qui le recrute pour s’occuper de la communication de sa nouvelle équipe. Il part alors pour la Nouvelle-Zélande où il s’installe avec femme et enfants, et gère la communication d’Alinghi jusqu’à la mythique victoire de 2003. De retour sur les bords du Léman, et après un voyage en voilier en famille de plusieurs mois, c’est le team Ericsson, en lice sur la Volvo Ocean Race (tour du monde en équipage avec escales) qui le contacte. Le Genevois fait ses valises pour suivre l’épreuve sur cinq continents tout en gardant sa base en Suisse où sa famille a repris ses quartiers. S’ensuit un an d’allers-retours entre les escales, et de brefs retours à la maison. Une année qu’il qualifie encore «d’éprouvante».

À son retour, Russell Coutts lui propose de se charger de la communication de son nouveau voilier de régate, le RC44. Il saute sur l’occasion et crée son agence pour prendre le mandat. «J’ai eu la chance d’avoir immédiatement trois ou quatre assez gros clients, commente-t-il en évoquant ses débuts. C’était une bénédiction au moment de me lancer, j’ai pu démarrer dans de très bonnes conditions.» PlanetSolar, le Bol d’Or Mirabaud ou encore la classe de catamaran lémanique des D35 font partie de son nouveau portefeuille. Le bureau, d’abord installé dans sa cave, prend le chemin d’un petit open space au quai Gustave-Ador. Deux stagiaires le rejoignent, l’aventure MaxComm est sur les rails.

En 2008, MaxComm est approchée par Informa, un groupe basé à Dubaï spécialisé dans l’organisation d’événement. Un projet de conférence internationale sur la voile de compétition est en gestation, et il faut se charger de la communication et des relations médias. Un contrat est signé, et l’agence collabore au succès de la première édition du World Yacht Racing Forum, qui se déroule à Monaco. Le projet est reconduit, et Bernard Schopfer passe de chef de communication à véritable partenaire, en participant à la création du contenu et l’organisation. Il use de son excellent réseau pour faire venir des stars. Un de ses coups d’éclat est d’avoir réussi à réunir Russell Coutts et Brad Butterworth en plein conflit Alinghi/Oracle. Les deux compères, qui ne se parlaient plus depuis deux ans, se sont retrouvés et réconciliés au Forum.

La passion comme moteur 

Après deux éditions à Monaco, Estoril, puis Göteborg et Barcelone accueillent la conférence qui s’essouffle un peu. L’organisateur, qui gère près de 10 000 événements ne s’y intéresse plus vraiment. Trop petit, pas assez rentable, la fin semble proche. Non content de cette tournure et trop passionné par le projet, MaxComm cherche à reprendre le tout à son compte. Informa ne s’accroche pas et cède le concept sans contrepartie financière. «Ça n’a pas été simple, mais comme ils ne disposaient pas des compétences nécessaires pour l’organiser à l’interne, ils ont fini par me le laisser.» Afin de se protéger de toute mauvaise surprise, le nouveau propriétaire décide un changement de nom et son bébé est rebaptisé Yacht Racing Forum, un détail qui passe presque inaperçu. Il organise un premier rendez-vous à Genève en 2015.

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"L'objectif du bénéfice financier n'est pas tout. Il faut aussi une certaine flamme". Bernard Schopfer, Fondateur MaxComm

«J’ai pris un risque financier et garanti la mise de base pour que la manifestation se déroule dans les meilleures conditions, confie l’intéressé. Il y avait certes de l’incertitude, mais mesurée, car je connaissais l’intérêt que les gens portaient au projet, et surtout le besoin d’une telle rencontre. Je suis rentré dans mes frais, si je ne compte pas trop le temps consacré à la préparation. Il faut dire que nous ne sommes pas partis d’une feuille blanche, et l’expérience acquise lors de sept éditions précédentes nous a permis de démarrer en connaissant parfaitement le produit.»

Mais la communication n’est pas la vente, et Bernard Schopfer doit passer au marketing pour trouver des partenaires; un défi qu’il apprécie. «Quand on est passionné par quelque chose, on est motivé à le vendre», raconte-t-il volontiers. Les faits démontrent clairement qu’il réussit assez bien l’exercice, puisqu’il signe des contrats de partenariat avec World Sailing (la fédération mondiale), Volvo, l’accastilleur Spinlock ou la voilerie North. Il fait toujours en sorte d’obtenir des engagements sur trois ans afin d’avoir de la visibilité sur la durée. Bernard Schopfer consacre l’essentiel de son temps à l’organisation du Forum, avec comme tâche notoire celle de trouver des villes hôtes. Car si Genève s’est profilée assez naturellement lors la première édition, aucun partenariat n’avait pu être conclu avec la ville ou le canton.

Ce qui n’a pas été le cas de Malte et Aahrus, qui ont investi pour recevoir le Forum. Aujourd’hui, les villes qui souhaitent accueillir la conférence doivent fournir un ensemble de prestations, en liquide et en nature, qui sont stipulées dans un contrat-cadre. «J’ai beaucoup appris en travaillant aux côtés de Michel Hodara, qui était directeur marketing et communication du team Alinghi à Auckland. J’ai vu comment il développait les partenariats commerciaux, en établissant des contrats très précis qui faisaient office de colonnes vertébrales.» L’ancien journaliste semble aujourd’hui aguerri dans la vente et la négociation, ceci tant avec des interlocuteurs commerciaux que des représentants des collectivités publiques. Lorient, capitale de la course au large, a signé pour 2018. Plusieurs contacts sont en cours, avec une visibilité jusqu’en 2020.

25% du chiffre d’affaires

Parallèlement à cette organisation assez lourde, l’agence doit continuer à gérer les mandats courants. Team Tilt, La Fédération Suisse de Voile, la fondation Suisse pour le Climat ou encore Team Genève occupent l’équipe en place. Sophia Urban et Emily Morard opèrent comme cheffes de projet, alors que Lory Blanc manage le graphisme et le webdesign. Un ou deux stagiaires complètent toujours cette dreamteam, en fonction des besoins. «Si j’analyse la situation par rapport à mes débuts, je fais le constat qu’il y a de moins en moins de projets de taille significative, et beaucoup de petits. Nous avons une bonne vingtaine de clients actifs et aussi très fidèles. Mais le bilan est qu’il y a plus de travail qu’avant, sans véritables répercussions sur le chiffre d’affaires.» Un montant que Bernard Schopfer ne tient pas à donner. «J’arrive à payer tout le monde et mes charges, mais il ne reste pas grand-chose à la fin de l’année. Mon objectif est de pouvoir améliorer le traitement de mes collaborateurs, car toute l’équipe est très engagée.»

Il dévoile quand même que le Forum représente 25% de son chiffre, et estime que cette part devrait monter à 35%, confirmant l’importance du projet pour son entreprise. «Le Yacht Racing Forum est devenu une opération rentable», précise-t-il encore. Mais il se garde d’avoir une approche purement commerciale et conclut: «Notre motivation est guidée par la passion et ce projet demande énormément de travail. Nous avons reçu quelques propositions pour organiser d’autres événements comparables, sur d’autres sujets. L’expérience que nous avons développée nous permettrait de nous lancer, mais nous ne le ferons que si le sujet nous intéresse. Car pour offrir le niveau de qualité auquel nous sommes attachés, il faut avoir une certaine flamme; le seul objectif d’un bénéfice financier ne nous intéresse pas.»