Issues de l’EPFL ou du Biopôle, les entreprises innovantes de la région lausannoise suivent de près diverses grandes tendances dans les domaines de la technologie, des cleantechs et de la santé. On peut mentionner l’explosion des besoins en matière de protection des données, les innovations dans la lutte contre le cancer ou la maladie d’Alzheimer, la forte demande internationale pour des véhicules autonomes ou le développement du secteur des soins médicaux personnalisés.
D’autres sociétés ont trouvé leur voie dans des branches plus inattendues, qu’il s’agisse de restauration, de service de pressing ou de marketing. Quel que soit leur domaine d’activité, toutes ces entreprises présentent un point commun: elles doivent constamment adapter leur modèle d’affaires aux évolutions de leur marché de niche.
Royal Fish
- Importation et distribution de produits de la mer frais et congelés
- Aspect prometteur: signature d’un contrat avec le groupe Eldora
- Fondation: 2012
- Direction: Lorenzo Wiskerke et Lois Vitry-Trapman
- Lieu: Aclens
- Nombre d’employés: 8
Lors de leurs études respectives à l’Ecole hôtelière de Lausanne et à la Business School Lausanne, Lois Vitry-Trapman et Lorenzo Wiskerke identifient un manque dans la restauration helvétique: du poisson frais de qualité à prix abordable. Ils décident par conséquent de lancer, en 2012, la société Royal Fish en se fournissant notamment auprès de pêcheurs établis en Hollande. «A l’époque, je m’occupais seul des achats, de la prospection et de la livraison, alors que ma femme se chargeait des relations avec la clientèle, des tâches administratives et directives, ainsi que de la gestion du personnel dans le local que nous avions trouvé à Aclens», souligne Lorenzo Wiskerke.
Très vite, ils commencent à livrer les principaux grands hôtels et tables gastronomiques de la région romande. Leur particularité: ils travaillent en flux tendu grâce à six arrivages par semaine du lundi au samedi, un rythme qui permet à la clientèle de commander jusqu’à 17h pour une livraison le lendemain. «Une grande partie de nos poissons sont pêchés le matin et se retrouvent sur les assiettes le jour suivant», se réjouit Lorenzo Wiskerke, que le gouvernement néerlandais a nommé en 2014 «meilleur entrepreneur hollandais de Suisse». Après la Belgique et la Hollande, la société travaille aujourd’hui avec des pêcheurs en France, en Ecosse, en Irlande, en Norvège, en Italie et en Espagne, tous spécialisés dans un type de poisson, qu’il s’agisse de sole, de saumon, de dorade, ou de fruits de mer.
La PME travaille aussi avec des écoles, des hôpitaux et des EMS. Elle collabore également avec des entreprises, notamment par le biais du groupe vaudois Eldora, spécialiste de la restauration de collectivités, avec lequel elle a signé un contrat de fournisseur référencé fin 2017. Ce partenariat lui permet de renforcer sa position régionale et de bénéficier d’un réseau de plus de 250 restaurants d’entreprise en Suisse. L’année dernière, la société, qui disposera bientôt de six camions, a enregistré une croissance de 30%. Elle prévoit pour 2018 un chiffre d’affaires de 5 millions de francs.
BrainServe
- Data center
- Aspect prometteur: explosion des besoins des entreprises en matière de protection des données
- Fondation: 2007
- Direction: Claude Gentile
- Lieu: Crissier
- Nombre d’employés: 20
Etablie à Crissier, BrainServe héberge des équipements informatiques sur une surface de près de 2000 m2 utiles (6000 m2 avec les surfaces techniques), ce qui en fait le principal data center du canton de Vaud. La société compte parmi ses clients des banques, des entreprises horlogères, des opérateurs télécoms et des prestataires informatiques, pour l’essentiel établis en Suisse. «Notre métier ne consiste pas à faire de l’informatique, mais à mettre à disposition de nos clients 24 h sur 24 et 365 jours par année un environnement leur permettant d’entreposer leurs serveurs en toute sécurité», résume le directeur Claude Gentile.
Pour ce faire, les cofondateurs Patrick Segu et Gabriel Boissonnard – deux ingénieurs de l’EPFL toujours actifs et actionnaires au sein de la société – ont dû trouver un terrain à l’abri des risques d’inondation, d’explosion ou encore de fuite de produits toxiques. Il leur a ensuite fallu dénicher 50 millions de francs auprès de deux investisseurs basés à Genève et de deux banques cantonales pour construire un bâtiment garantissant notamment un accès sécurisé et une autonomie d’électricité adéquate.
La société envisage de renouveler ce processus dans l’optique d’un futur agrandissement. «Nous avons acheté des terrains adjacents et bloqué une réserve de puissance auprès des services industriels», souligne Claude Gentile. Car il faut savoir qu’en termes de puissance, un data center de taille moyenne comme BrainServe est comme une ville dans la ville. La parcelle en question pourrait permettre à l’entreprise de doubler, voire de tripler sa surface.
Pour l’heure, cette dernière évalue le marché et attend d’enregistrer un taux de préréservation suffisant avant de lancer les travaux. BrainServe, dont le taux d’occupation actuel est de 65%, a enregistré une croissance de 12% l’année passée. C’est le seul data center en Suisse romande certifié par l’Uptime Institute, une référence mondiale en matière de certification de centres de données.
On My Way
- Service de pressing 2.0
- Aspect prometteur: digitalisation et simplification du service de pressing
- Fondation: 2014
- Direction: Carlos Serrano et Cédric Rimella
- Lieu: Lausanne
- Nombre d’employés: 12
Lancé en 2014, le service On My Way permet d’enregistrer en ligne ses vêtements à nettoyer puis, après paiement de la commande, de les déposer dans l’un des 56 points de collecte de la société en Suisse (shops Migros, stations-services Eni, magasins Bongénie). Afin d’assurer la traçabilité des habits, chaque client dispose d’une housse personnelle avec carte d’identification. Le client est ensuite averti et peut récupérer ses vêtements dans le point de collecte de son choix.
La société s’adresse aussi aux entreprises et travaille notamment pour Philip Morris, la BCV, l’EHL, Migros et Ferring. Rachetée en juin 2016 par le groupe français Elis – leader européen de la location-entretien de linge et habillement professionnel –, la société lausannoise a signé en janvier son premier partenariat à l’étranger avec le groupe hôtelier français AccorHotels. «Nous sommes en train de monter un réseau de points de collecte dans des hôtels du groupe à Paris destiné non seulement aux clients, mais également aux Parisiens», souligne le cofondateur Carlos Serrano.
ADC Therapeutics
- R&D de produits pharmaceutiques
- Aspect prometteur:innovation importante dans la lutte contre le cancer
- Fondation: 2012
- Direction: Chris Martin
- Lieu: Epalinges, Biopôle
- Nombre de collaborateurs: 16 en Suisse, 82 au niveau mondial
Fondée en 2012, cette société spécialisée dans le développement de médicaments contre le cancer a levé 200 millions de francs en octobre 2017, après 80 millions en 2015 et 105 millions en 2016. Sa valorisation dépasse désormais le milliard de francs, ce qui en fait la deuxième licorne de l’arc lémanique après MindMaze.
Concrètement, ADC Therapeutics développe des produits pharmaceutiques innovateurs appelés «antibody-drug conjugates» (ADC) pour le traitement de cancers hématologiques et de tumeurs solides. Etablie au Biopôle d’Epalinges, la société dispose de bureaux à Londres, où est localisée la recherche. Ses équipes de développement clinique se trouvent dans le New Jersey et les équipes responsables de la production et de la qualité à San Mateo, en Californie. La société conduit actuellement divers essais cliniques aux Etats-Unis et en Europe. «Nous prévoyons un total de huit programmes en recherche clinique dans les dix-huit prochains mois avant de passer à la commercialisation de nos produits», indique le directeur Chris Martin.
Bestmile
- Entreprise de logiciel
- Aspect prometteur: forte demande internationale pour des véhicules autonomes
- Fondation: 2014
- Direction: Raphaël Gindrat
- Lieu: Lausanne
- Nombre d’employés: 45 entre Lausanne et San Francisco
Etablie dans l’Innovation Park de l’EPFL, cette jeune entreprise élabore des systèmes de coordination cloud permettant de gérer des services de transport incluant des véhicules autonomes. «Nous ne fournissons ni le véhicule ni la technologie de conduite embarquée dans ce dernier, mais la plateforme de gestion et d’optimisation à laquelle sont connectés les véhicules, explique le CEO Raphaël Gindrat. Cette plateforme envoie en temps réel la bonne mission au bon véhicule, au bon moment.»
La société, qui a levé une vingtaine de millions de francs en 2017, est active en Europe, aux Etats-Unis et prochainement en Asie. Elle compte parmi ses clients CarPostal, les CFF, les TPG, mais aussi GoMentum Station en Californie, l’un des plus grands sites de tests du monde pour véhicules autonomes. Ce marché est en pleine accélération. Des villes comme Sion s’y intéressent, tout comme les grands constructeurs automobiles et des géants tels que Google, qui ambitionne de déployer les premiers «robotaxis» (des véhicules 100% autonomes) d’ici à 2020.
Green Motion
- Cleantechs
- Aspect prometteur:perspectives de croissance dans le domaine de l’électromobilité
- Fondation: 2009
- Direction: François Randin
- Lieu: Le Mont-sur-Lausanne
- Nombre d’employés: 27
En près de dix ans, Green Motion est devenue l’un des principaux acteurs de fabrication et d’installation de bornes de recharge en Europe et le leader en Suisse. «Notre modèle d’affaires est passé de la simple production à la gestion complète et au financement de réseaux entiers d’infrastructures», souligne le directeur François Randin. A ce jour, la société a posé 713 bornes publiques, plus de 2000 privées en Suisse.
Sachant que les immatriculations de véhicules électriques devraient atteindre 5% du parc total en 2020, les perspectives s’annoncent bonnes pour l’entreprise, qui compte parmi ses clients des collectivités publiques, ainsi que des distributeurs d’énergie, des parkings et des entreprises comme Migros, Nestlé ou McDonald’s. Dans les mois à venir, elle prévoit de développer ses activités internationales, notamment en Inde, après une première grande opération en Chine en 2016. D’ici à 2020, elle souhaite investir plus de 30 millions de francs dans les infrastructures en Suisse et atteindre ainsi un total de 3000 bornes publiques.
Sensimed
- Equipement médical
- Aspect prometteur: développement du secteur des soins médicaux personnalisés
- Année de fondation: 2003
- Direction: David Bailey
- Lieu: Lausanne
- Nombre d’employés: 14
Issue de l’EPFL, Sensimed a développé une lentille de contact permettant la collecte de données de manière non invasive avec une technologie qui analyse le comportement dynamique de l’œil. Concrètement, le produit phare de la société (Triggerfish) mesure les changements du volume oculaire, ce qui permet d’améliorer la gestion du diagnostic et du traitement du glaucome. En 2016, une étape importante est franchie avec l’approbation de ce produit aux Etats-Unis, ainsi qu’avec l’octroi d’un financement additionnel de 10 millions de francs.
«Nous sommes actifs à l’international avec une attention particulière sur les Etats-Unis et le Japon», souligne le directeur David Bailey. La société, dont la clientèle se compose de médecins, de cabinets médicaux et d’hôpitaux, se concentre aujourd’hui sur la valorisation des données individuelles récoltées grâce à sa technologie et la façon dont elles peuvent être utilisées afin de permettre, dans un cadre clinique, la personnalisation du traitement.
Images3
- Publicité
- Aspect prometteur: importance croissante des R&D dans l’exécution marketing
- Fondation: 1993
- Direction: Jacques Mégroz et Denis Hauswirth
- Lieu: Renens
- Nombre d’employés: 19
Cette agence de production marketing a fait évoluer son modèle d’affaires, passant d’un simple fournisseur de services de photolithographie (retouche d’image) à un prestataire de services global. «Suite à un repositionnement stratégique il y a trois ans, nous avons identifié le besoin de nous transformer en une entreprise plus agile, à même de faire face aux changements technologiques très courants dans notre métier», souligne le fondateur Jacques Mégroz. Nestlé, Nespresso, Audemars Piguet ou TAG Heuer recourent désormais à ses services. Les activités de l’agence touchent à l’image, à l’exécution de campagnes internationales, à la réalisation de publications et au consulting dans le secteur des médias.
«En bref, nous sommes capables d’après une identité visuelle établie de gérer la production et la diffusion du marketing d’une entreprise», poursuit le directeur. Actuellement, deux ingénieurs travaillent au sein de son département R&D. Ils aident notamment la société – qui prévoit un chiffre d’affaires de 2,4 millions de francs en 2018 (contre 2,2 en 2017) – à faire face aux défis liés à la digitalisation.
AC Immune
- Biopharmaceutique
- Aspect prometteur: traitement de pointe contre la maladie d’Alzheimer
- Direction: Andrea Pfeifer
- Fondation: 2003
- Lieu: Ecublens
- Nombre d’employés: 90
Depuis 2003, AC Immune se spécialise dans le développement de thérapies et de diagnostics innovants contre la maladie d’Alzheimer, ainsi que d’autres pathologies telles que la maladie de Parkinson et le syndrome de Down. «La maladie d’Alzheimer est le plus grand problème de santé publique de notre siècle, souligne la directrice Andrea Pfeifer. En 2015, 46,8 millions de personnes dans le monde ont été atteintes de démence. D’ici 2050, cette maladie devrait concerner 131,5 millions de personnes.»
Le défi est de taille: on ne connaît pour l’heure pas ses causes, la recherche est sous-financée et aucun traitement n’a été approuvé à l’échelle mondiale. Pour y remédier, la société mise sur quatre pistes: les protéines biologiques (anticorps), les vaccins, les petites molécules et les diagnostics. Dernièrement, la Fondation Michael J. Fox, l’un des plus importants acteurs mondiaux dans ce domaine, a reconduit son financement pour l’un des programmes prioritaires de développement d’AC Immune. En 2016, la société a réalisé un chiffre d’affaires de 23,2 millions de francs.
Attolight
- Equipements de métrologie
- Aspect prometteur: perspectives de développement dans le secteur industriel
- Fondation: 2008
- Direction: Samuel Sonderegger
- Lieu: Lausanne
- Nombre d’employés: 12
Spécialisée dans la conception d’appareils à base de cathodoluminescence, ce spin-off de l’EPFL livrera bientôt son premier client industriel. Ses machines automatisées permettent de réaliser des contrôles qualité sur les matériaux des cellules photovoltaïques, des puces électroniques et des LED. Les clients visés sont les fabricants de semi-conducteurs utilisés dans les microprocesseurs, les écrans LED ou les téléphones.
«Les évaluations en cours par nos premiers clients industriels peuvent positionner notre technologie comme nouveau standard d’inspection en ligne de fabrication pour l’industrie des semi-conducteurs», se réjouit le cofondateur Samuel Sonderegger. L’année dernière, la société a signé un partenariat mondial avec la société américaine de services scientifiques EAG Laboratories. Elle effectue cette année ses premières livraisons de stations industrielles pour des fabricants de LED et d’écrans plats en Europe et aux Etats-Unis. Des offres sont également en cours en Asie.