Tout rappelle chez lui l’île de Beauté. D’abord le sanglier corse qu’Hugo Pozzo di Borgo porte en écusson sur son pull, puis le caractère affable, mais obstiné, et l’ADN. Celui d’Alata, ce village du sud de la Corse dont il est originaire par son père. Alata, c’est d’ailleurs le nom de son vermouth, dont il peaufine la recette depuis 2016 dans la fraîcheur de son atelier montheysan. A 30 ans, le jeune artisan est une tête chercheuse qui dévore les livres d’herboristes à la recherche des plantes qui sublimeront ses prochaines recettes de vermouth.

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Un parcours alambiqué

Passionné, fonceur, touche-à-tout, Hugo Pozzo di Borgo a eu un véritable coup de cœur pour ce vin muté, fortifié à l’alcool de raisin et à l’absinthe, aux possibilités infinies. Une liberté qui sied bien au trentenaire qui, malgré son âge, a déjà vécu plusieurs vies. Le jeune producteur ne cache pas un parcours alambiqué, qui fait toute sa richesse. Il quitte la France en 2001 pour l’internat de Saint-Maurice. Hugo Pozzo di Borgo ne terminera pas le collège, préférant une prépa en arts à l’école Ceruleum de Lausanne. Il finit par entrer à l’ECAL sans matu, mais sur dossier.

En parallèle à ses études en communication visuelle, le jeune homme gère une galerie d’art à Vevey et décide d’entamer un CFC de caviste lorsqu’il rentre de vendanges chez Gilles Jayer, grande figure du vignoble bourguignon, décédé en début d’année. De retour sur les terres valaisannes de celle qui deviendra sa femme, Hugo Pozzo di Borgo fait son chemin dans les caves de Jean-René Germanier (Vétroz) et de Christophe Abbet (Martigny). Celui-ci lui fait découvrir les subtilités et les possibilités infinies du vermouth. C’est la révélation.

Hugo Pozzo di Borgo adore le vin mais abhorre les cadres trop rigides. «La fabrication du vin est beaucoup trop codifiée, souligne le producteur d’Alata, qui ne vient pas d’ailleurs d’une famille viticole. J’avais besoin d’un support plus créatif. Le vermouth me donne la permission d’élaborer des recettes plus barrées.» Le vermouth, cet «alcool de vieux» disparu à l’aube des années 1960, devient pour lui une matière d’expression et d’expérimentations. Car le jeune producteur n’est pas dans la réhabilitation, mais dans la réinterprétation.

Alors il se documente. Beaucoup. Sur l’art de la distillation, les plantes et leurs élixirs. Nous sommes en décembre 2016. Hugo Pozzo di Borgo se mue en alchimiste. Il goûte les plantes une à une, et les note selon leur goût, leur couleur, l’amertume et le soutien. Sa liste évolutive comprend 160 entrées. Tel un parfumeur, le producteur d’Alata aborde ses vermouths avec une approche itérative et par arborescence, en testant des mélanges de plantes et d’agrumes qui macèrent dans des bocaux. Il affine ensuite la recette par «tâtonnements» jusqu’à la formule parfaite. Ainsi, les plantes infusent et macèrent à froid dans un mélange d’alcool et de vin pour en extraire l’arôme de la manière la plus douce possible.

Tous les jours, le producteur brasse ce mélange de plantes et de racines, mais ne filtre pas. Puis il ajoute une pincée de caramel et ajuste le taux d’alcool. L’alchimiste mise sur la proximité. Ses plantes bios poussent en Suisse. De même que les baies, racines, feuilles, fruits et écorces. Seules les écorces d’orange et de citron sont produites en Italie. Le résultat se déguste dans un Alata blanc très expressif et un Alata rouge beaucoup plus rond, sublimés dans des bouteilles au graphisme contemporain.

Le producteur ne court pas après les mondanités. Il préfère l’ombre de son atelier au soleil des terrasses branchées de Lausanne ou de Genève qu’il fréquente de temps à autre. Ses vermouths s’y dégustent depuis l’été dernier et se posent comme une alternative au spritz. Avec 4500 bouteilles écoulées en moins d’un an, l’engouement est là. Entre art, artisanat et terroir, le vermouth Alata résume à lui seul son producteur. Comme quoi il y a de la cohérence dans le patchwork de vies  d’Hugo Pozzo di Borgo.