Dendrochronologue
à 3 ans, je devais déjà expliquer à mes maîtresses ce qu’est un dendrochronologue puisque c’était le métier de mon père», s’amuse l’archéologue vaudoise Natacha Buthey qui a repris le flambeau familial en 1996 et dirige le Laboratoire romand de dendrochronologie. De quoi s’agit-il? De la datation du bois. Non seulement on peut savoir l’âge d’un morceau de bois, mais surtout quand il a été abattu, à l’année près, ce qui permet de dater des bâtiments et des objets.
«On peut remonter jusqu’à 8000 ans avant J.-C. pour du chêne, précise la copropriétaire du laboratoire. Les champs d’application sont très vastes. On date des éboulements grâce aux arbres morts sur le site, des informations utiles aux géologues lors de la construction de nouveaux quartiers. On analyse également des tableaux peints sur bois, des sculptures, des violons, cela avec des scanners, les mêmes qu’en médecine. On date aussi des sites lacustres, comme ce sera peut-être le cas pour l’ancien port romain découvert à Vidy sur le terrain du CIO.» Le laboratoire, qui a déménagé de Moudon à Cudrefin en 2016, conserve, en attente dans des piscines, 1200 bois du site du CIO. Si un financement est trouvé, il permettra d’identifier précisément un des rares ports de l’époque romaine en Suisse.
Les chantiers du Plongeon, puis de La Grange à Genève ou encore celui de Rail 2000 à Concise font partie des mandats de longue haleine du laboratoire de dendrochronologie, qui travaille comme une PME, sans subvention aucune. «Près de 80% de notre chiffre d’affaires vient des demandes des services des bâtiments, lors d’extensions d’immeubles. A cela s’ajoutent, de manière très aléatoire, des requêtes des archéologues cantonaux et de privés. Nous agissons aussi comme experts pour les assurances lors d’éboulements, détaille Natacha Buthey. Oui, on peut vivre de la dendrochronologie, mais il y a de grosses différences de chiffre d’affaires d’une année à l’autre. Nous ne sommes que quatre aujourd’hui, mais cherchons à engager. Le problème, c’est que la formation est très longue et se fait sur le terrain. Nous ne pouvons recruter que lorsque nous avons un gros mandat comme celui du Plongeon qui nous a assuré du travail pour deux à trois ans.»
En 2017, l’équipe a analysé plus de 2000 rondelles de bois humides, passant au microscope ou au scanner chaque cerne de bois pour y déceler les années de sécheresse et de forte croissance, des paramètres qui permettent ensuite, par référencement, de donner l’année d’abattage d’un arbre et donc de dater des sites entiers.
Clown
Clown d’hôpital aux HUG pendant quatorze ans, Luis a monté une compagnie en parallèle. Aujourd’hui, il crée des spectacles, dirige l’école Corps et Masque qu’il a cofondée à Lausanne et donne des formations de clown. Avec sa femme, psychiatre, il a également mis en place un atelier de développement personnel qui partira en tournée en 2019 en Colombie, auprès de populations victimes de déplacements.
Visiblement, travailler comme clown implique un tourbillon d’émotions. «En tant qu’artiste, on rêve toujours que quelqu’un arrive, vous dise que vous êtes génial et qu’il va faire votre promotion, confie le clown Luis. Mais dans la vraie vie, il faut prendre son rêve en main. J’ai mis du temps à savoir quelle était ma particularité. J’aime travailler sur le côté humain du clown, sur l’ADN de chacun. Pour être drôle, il ne faut pas faire des gags mais être connecté avec soi-même. Ce n’est pas comme en théâtre où on se glisse dans un personnage. Pour un clown, le personnage, c’est soi-même. C’est une démarche très personnelle.» D’où le développement d’une proposition thérapeutique entamée par le clown Luis.
Cet outil de ressourcement, de gestion de ses vulnérabilités, commence à être employé par les entreprises, notamment en France. Cela reste très confidentiel en Suisse. «J’ai des employés en burn-out qui viennent à mes formations chercher des clés, observe-t-il. Le rire a une force de communication et de détente énorme, notamment dans la gestion des conflits ou alors lorsqu’un projet ne se réalise pas. Les émotions sont une richesse, mais il faut apprendre à les utiliser, sans blesser l’autre. Travailler son propre clown, c’est se nourrir, c’est trouver sa force intérieure.»
Quant à savoir si on vit bien du métier de clown, la question semble à peine effleurer le masque. «En décembre et en été, je fais deux représentations par jour, il faut ça pour vivre, admet le clown. Quant au reste, il faut être inventif. J’ai toujours deux ans d’avance et lorsque je joue un spectacle, j’écris en même temps le suivant. C’est un métier tellement instable. Certains jours, on se croit en haut de l’affiche et ensuite on est dans le creux. Il est bon d’avoir une réserve financière et d’idées pour rebondir.» Le propre de l’entrepreneur.
Télépathe pour animaux
Longtemps, Valérie Lebon a pratiqué la communication animale à côté de son travail. Mais la demande est devenue trop grande et la passion aussi. Formée aux Etats-Unis et en Zambie, notamment par Amelia Kinkade, la papesse de la discipline qui parle aux chevaux du prince Charles, la Lausannoise s’est mise à son compte il y a six ans. «On ne fait pas ça pour le business, je gagne d’ailleurs moins qu’en étant assistante médicale au CHUV, précise-t-elle. Mais je fais mon métier de cœur et j’arrive à en vivre. J’ai en moyenne une consultation par jour, en plus des formations que j’organise en Suisse romande. Au final, je travaille plus de huit heures quotidiennement, car je continue à me former. J’ai également mis en place un stage de nage avec les dauphins cet été. Ce sont des êtres complètement télépathes.»
Dans sa clientèle, composée principalement de citadins de Lausanne et Genève, elle compte aussi le milieu équestre, très à l’écoute. Certains cavaliers la consultent régulièrement pour savoir comment leur cheval se sent avant un concours ou pourquoi il ne saute plus la rivière.
«Pouvoir communiquer avec les animaux par télépathie n’est pas un don. C’est quelque chose qui s’apprend et tout le monde a cette capacité. Mais attention, il y a aussi beaucoup de communicateurs animaliers sans éthique, estime l’auteure de Les animaux nous parlent. Apprenez à communiquer avec eux, paru aux Editions Favre. Il faut être curieux, se renseigner sur la formation de la personne à qui vous confiez la photo de votre animal et demander des validations. Au moins 70% des retours doivent être vérifiables par le client seul, car liés à son histoire personnelle avec l’animal.»
Valérie Lebon sait que sa profession suscite la controverse. Imaginer un couloir lumineux dans lequel un humain échange des pensées avec un animal, de la fourmi à l’éléphant, cela dans un champ d’ondes alpha, n’est pas à la portée des plus cartésiens. Elle en rit elle-même volontiers et partage, sur son site, une parodie du duo de 120 secondes sur la télépathie animale. «J’assume complètement, c’est drôle et on me taquine beaucoup, déclare-t-elle. Mais c’est pourtant sérieux et quand les retours tiennent la route, les gens rient alors moins. J’ai d’ailleurs quelques vétérinaires qui m’envoient des clients lorsque la médecine traditionnelle bloque.» La SPA travaille par ailleurs avec ces techniques pour comprendre le passé des animaux perdus.
Gardien de cabane
De juin à octobre, Yann Roulet vit à 2650 mètres d’altitude dans la cabane du Bietschhorn, avec deux aides. Il sert les petits-déjeuners, avant l’aube, à ceux qui vont gravir le sommet à 3934 mètres, reçoit les marcheurs en journée et veille au coucher des derniers arrivants. «Ce sont quatre mois sept jours sur sept, qui représentent huit mois de travail effectif, observe le gardien de cabane depuis neuf ans. Je sors un salaire pour sept mois. En hiver, je travaille comme assistant de vol à Air Zermatt. Mais toute l’année, le soir, je gère les réservations de la cabane.»
En été, le Valaisan de 30 ans ne redescend quasi jamais en plaine; tout est livré par hélicoptère une fois par semaine, soit près de 800 kilos de nourriture hebdomadaire. Chaque héliportage avoisine les 600 francs. «On fonctionne comme une petite entreprise, note-t-il. En Valais, les gardiens de cabane doivent avoir la patente, comme tout restaurateur. Il y a aussi beaucoup d’administratif et pour cela, ma formation d’employé de commerce est très utile. Mais malgré un bon CV, ça n’a pas été facile de trouver une cabane à garder. C’est un milieu plutôt fermé où on se remet les refuges de génération en génération. Il y a aussi les sites qui ne sont pas gardiennés professionnellement, mais seulement le week-end par des bénévoles. J’ai mis quatre ans à trouver ma première cabane.»
Réputée difficile, la cabane du Bietschhorn a trouvé un nouvel élan depuis l’arrivée de Yann Roulet. «On y venait seulement pour faire l’ascension, alors cela dépendait beaucoup de la météo, explique-t-il. Mais j’ai décidé d’ouvrir à midi et de proposer une offre de balades. Aujourd’hui, cette clientèle représente 50 à 60% du chiffre d’affaires et les nuitées 30%, avec 900 nuitées pour 2017.»
Alors, métier de rêve? «On me le dit en effet et je remarque un attrait certain. D’une part, ça devient à la mode d’aller dormir une nuit en cabane même pour les non-montagnards. D’autre part, je rencontre aussi de plus en plus de clients imaginant que c’est le job idéal pour faire une pause dans une carrière professionnelle. A mon avis, c’est une fausse idée, car on est soumis à beaucoup de contraintes météorologiques et à des horaires difficiles. Il faut avoir les nerfs solides. On ne peut plus gérer une cabane comme dans les années 1980. Il faut créer des activités autour et avoir une véritable présence sur les réseaux sociaux, sans compter le gros souci des réservations en ligne annulées à la dernière minute. Ce sont là les deux enjeux actuels de notre métier.»