La technologie du clinchage est peu connue du grand public. Pourtant, elle se développe dans de nombreux secteurs industriels, de l’automobile à l’électroménager en passant par les panneaux solaires. Il s’agit d’un procédé d’assemblage de tôles métalliques ne nécessitant ni soudure, ni pièces de fixation. Un point d’accroche est simplement réalisé par déformation à froid du matériau, «selon le même principe qu’une agrafeuse, mais sans agrafe», image Jacques Kowalczuk, directeur général de l’entreprise Bollhoff Attexor.
Cette PME, basée dans le canton de Vaud, fait partie des leaders mondiaux de cette technologie. Elle développe et fabrique des composants et machines servant au clinchage. Fin novembre 2018, elle a inauguré ses nouveaux locaux dans la zone industrielle de Préverenges, dans l’Ouest lausannois. S’étalant sur près de 900 m2, ils comprennent bureaux et ateliers de fabrication. De quoi lui permettre d’assumer ses ambitions de croissance.
Désormais propriété du groupe familial allemand Böllhoff, fabricant de composants et systèmes d’assemblage, la PME reste fière de ses valeurs et de ses racines romandes. Inventée dans les années 1970, la technologie du clinchage a été développée dans les Montagnes neuchâteloises par Homax, l’un des pionniers du secteur. Parmi ses clients d’alors se trouve notamment Citroën. Le succès de l’entreprise est cependant mitigé. En 1994, elle est rachetée par la société Attexor Equipements, dont émane quelques années plus tard Attexor Clinch Systems. En 2013, l’entité est à son tour cédée à l’un de ses principaux partenaires, le groupe Böllhoff, qui emploie à ce jour quelque 3500 personnes dans le monde.
Un procédé écologique
Depuis cinq ans, le succès est au rendez-vous. A tel point que la société est devenue le centre de compétence mondial de la maison mère dans le domaine du clinchage. «A effectif égal (20 personnes) et malgré le franc fort, notre chiffre d’affaires a progressé de 50% en quatre ans», assure Jacques Kowalczuk. La PME a atteint cette croissance grâce à une approche de production «plus industrielle». Elle est aujourd’hui bien implantée dans quatre segments de niche de l’industrie de la sous-traitance des bâtiments: les ascenseurs, le petit et gros électroménager (machines à laver, four, etc.), les filtres à poches et les conduits d’aération.
Dans le domaine des ascenseurs, elle se taille déjà la part du lion. «Six des plus gros fournisseurs mondiaux utilisent nos machines», confirme Jacques Kowalczuk. Cela permet à la PME de couvrir 70% de ce marché à l’international.
L’entreprise de Préverenges se tourne maintenant aussi vers l’automobile, secteur dans lequel elle souhaite investir massivement dans les années à venir. En raison de sa simplicité de mise en œuvre, le clinchage connaît un développement fulgurant sur ce marché. Le procédé d’assemblage peut en effet être utilisé pour fixer l’airbag, le capot, le coffre, le pot d’échappement ou le système électrique d’un véhicule motorisé. Des synergies sont ici possibles avec le groupe Böllhoff, dont le gros de la production se concentre dans ce domaine. «Le marché automobile est actuellement en pleine restructuration, avec le développement des voitures électriques et autonomes. Pour nous, il s’agit d’un secteur stratégique, principalement en Europe mais également aux Etats-Unis et en Chine», note Jacques Kowalczuk.
Le clinchage permet d'économiser environ 20% d'électricité.
Aujourd’hui, les machines produites chaque année en Suisse sont presque exclusivement destinées à l’exportation. Elles se retrouvent sur des chaînes de production aux Etats-Unis, en Europe, en Amérique du Sud et en Chine. Il faut dire que le marché du clinchage est en plein boom, en raison de la multiplication des nouveaux logements et des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Utilisant des connecteurs électriques, batteries portatives, etc., ces innovations nécessitent l’utilisation de méthodes d’assemblage plus souples. Une croissance de 70% est aussi attendue pour le clinchage dans le secteur de la construction à l’horizon 2025, en particulier en Chine, en Inde et aux Etats-Unis. Rien que dans ce dernier pays, 20 millions de nouveaux logements devraient être construits dans les sept prochaines années. Pour les mêmes raisons, la Russie devrait également devenir un marché intéressant.
Si la technologie du clinchage se développe de la sorte, c’est qu’elle présente d’importants avantages par rapport à la soudure classique. Au niveau technique, elle n’a besoin d’aucun apport de matière et permet d’assembler des tôles d’épaisseurs différentes et de matériaux divers, déjà peintes ou traitées. La méthode consomme également moins d’électricité (environ 20% d’économie), ne requiert l’usage d’aucun solvant chimique, et ne produit ni fumée, ni étincelles, ni chaleur indue. Contrairement à la soudure, aucune formation particulière n’est nécessaire pour clincher, ce qui contribue à réduire le coût de la main-d’œuvre. Pour toutes ces raisons, et parce qu’elle ne nécessite qu’une faible maintenance, cette méthode est avantageuse d’un point de vue économique. Un point de clinchage est en revanche une ou deux fois moins résistant qu’une soudure classique. «Mais ce problème est relatif. Il peut être résolu en faisant un ou deux points supplémentaires sur les tôles, et ce, sans dépenses additionnelles», remarque le directeur.
Au sous-sol de ses nouveaux locaux de Préverenges, Bollhoff Attexor bénéficie d’une collaboration avec l’Organisation romande pour l’intégration et la formation professionnelle (ORIF), qui dispose d’ateliers dans le même bâtiment ainsi que de son centre logistique. Il s’agit d’un partage d’infrastructures et de compétences. La PME profite ainsi de l’espace pour stocker ses machines automatiques lourdes et encombrantes, servant notamment à clincher les filtres à poches. Elle collabore aussi activement avec le département logistique pour mutualiser des tâches d’expédition et/ou de réception de colis. Elle envisage en outre un nouveau partenariat avec l’ORIF. Son objectif serait d’intégrer le clinchage à la formation en soudure proposée par l’organisation.
Objectif: doubler les ventes
Aujourd’hui, beaucoup de niches restent encore à exploiter. C’est le cas de l’aéronautique, par exemple. Mais il est encore un peu tôt pour se lancer dans ce secteur. «Le marché de l’aviation n’est pas encore prêt à adopter le clinchage», confirme Jacques Kowalczuk. Pour l’heure, le directeur souhaite «se concentrer sur quelques marchés de niche et dérouler une démarche systématique pour continuer à grandir sur des bases solides, en prenant des parts de marché significatives». L’objectif est de développer l’offre de solutions industrielles en intégrant l’automatisation avant ou après l’opération d’assemblage. Pour ce faire, Jacques Kowalczuk prévoit de recruter du personnel qualifié. «Je compte engager une dizaine de personnes ces trois prochaines années pour développer des machines spécifiques et surtout pour assurer la maîtrise totale du point de clinchage.» En 2018, des investissements supplémentaires ont été consentis pour doter les clients et collaborateurs d’un centre d’expertise à la hauteur des ambitions de développement de la société, qui espère encore doubler son chiffre d’affaires d’ici à cinq ans.
Le clinchage, c'est quoi?
Procédé d’assemblage au cours duquel les tôles sont déformées localement pour être solidarisées, sans un élément additionnel tel que colle ou connecteur mécanique. C’est une méthode d’assemblage intéressante car elle permet d’assembler des tôles de matériaux et d’épaisseurs différents. Un autre avantage est que l’assemblage est réalisé sans source de chaleur et demande donc moins d’énergie.