PME Magazine est le «fruit du mariage peu courant d’un éditeur romand et d’un groupe zurichois» expliquaient Jean-Jacques Manz et Ralph Büchi dans l’éditorial qui ouvrait le premier numéro. Les deux responsables de la nouvelle publication soulignaient qu’ils avaient notamment pour but de «donner les clés du succès et d’une performance optimale» mais aussi «des tuyaux indispensables sur les différentes façons de dépenser agréablement ce que nous vous avons aidé à gagner!»
Quelques pages plus loin, on pouvait lire: «Un jour, on fera La Chaux-de-Fonds-New York non-stop.» Une appréciation fort optimiste venant de Pierre-Alain Blum, alors à la tête d’un groupe réalisant 300 millions de francs de chiffre d’affaires dans des secteurs aussi divers que l’horlogerie, les médias et le ski. L’entrepreneur, figurant en couverture, dirigeait notamment Montres Ebel, numéro 3 du secteur derrière SMH (futur Swatch Group) et Rolex. Sa recette gagnante? «En affaires, c’est mon ventre qui décide.»
La parole était aussi donnée à Nicolas G. Hayek, dans un article d’une page où la figure emblématique de l’industrie horlogère partageait son approche du management: «Quand j’arrive dans une entreprise où l’organisation est mauvaise mais le personnel doué, je n’ai pas de souci quant à son avenir. Il en va autrement dans le cas inverse.» L’entrepreneur portait un regard sévère sur les jeunes diplômés: «Trop d’entre eux n’ont pas d’expérience et se surestiment démesurément. Il ne suffit pas de sortir d’une université célèbre ou d’une école supérieure prestigieuse pour être quelqu’un de capable. Seules la pratique, l’expérience difficilement acquise et la confrontation à la réalité […] en font des collaborateurs valables.»
Un dossier économique voyait s’affronter «l’endroit où l’on fabrique les plus grandes musiques à bouche du monde» et «le village que l’on traverse en allant à Zurich», comprendre Genève et Lausanne. L’article se concluait sur un appel à la coopération entre les deux villes: «Une plus intense collaboration entre les deux métropoles lémaniques semble donc s’imposer de plus en plus, l’une disposant de ce qui manque à l’autre… et réciproquement!»
En page 26, une publicité pour «le micro-ordinateur le plus rapide et le plus puissant du monde»: le processeur Intel 80386 doté d’une fréquence de 25 mhz, 16 mo de mémoire vive et un disque dur de 60 mo, excusez du peu! A titre de comparaison, un smartphone moyen actuel embarque environ 1000 fois plus de mémoire.
Un article de trois pages intitulé «A quand le coup d’envoi?» faisait le point sur le projet Y-Parc à Yverdon-les-Bains. «Une question peut d’emblée être posée: la multiplication des parcs scientifiques et technologiques à l’échelle helvétique ne va-t-elle pas rapidement poser un problème ’d’absorption’ pour tous les milieux concernés?» Et le journaliste de poursuivre: «L’avenir du projet n’est guère définitivement assuré.» Finalement inauguré en 1991, l’Y-Parc compte à l’heure actuelle plus de 120 entreprises et start-up. Pari réussi, donc.
30 ans d’horlogerie: un redressement spectaculaire
Chamboulée par l’arrivée des montres à quartz, la branche, qui avait perdu deux tiers de ses emplois dans les années 1980, s’est reconstruite grâce à quatre changements majeurs.
Ces trois dernières décennies, le montant des exportations horlogères suisses a plus que triplé, passant de 6 milliards de francs en 1989 à près de 21,2 milliards l’an dernier. Une progression qui n’avait pourtant rien d’une évidence à l’époque: chamboulée par l’arrivée des montres à quartz sur le marché, la branche avait perdu deux tiers de ses emplois durant les années 1980. Pour se reconstruire, l’horlogerie suisse est passée par un quadruple changement, explique l’historien Pierre-Yves Donzé: «On a assisté au développement des grands groupes, à l’émergence du marché chinois, à une montée en gamme des montres vendues et à un discours marketing mettant l’accent sur la tradition.» Retour sur l’une des périodes les plus dynamiques du secteur.
1. Une industrie consolidée
Les années 1990 et 2000 sont marquées par le renforcement des groupes aujourd’hui leaders du marché. Après avoir relancé l’industrie horlogère suisse en 1983 avec la Swatch, la Société de microélectronique et d’horlogerie (SMH), renommé Swatch Group en 1998, fait en sorte d’occuper tous les créneaux du marché en rachetant des marques au passé prestigieux comme Blancpain ou Jaquet Droz.
A l’opposé des racines industrielles de la SMH, le groupe Richemont est fondé à Genève en 1988 par Johann Rupert, un milliardaire sud-africain. Ce dernier constitue au fil des ans un véritable empire du luxe et de la haute horlogerie. L’entreprise fait l’acquisition de la marque Vacheron Constantin en 1996, et plus tard de Van Cleef & Arpels, Jaeger-LeCoultre, IWC ou encore A. Lange & Söhne. «Les grands acteurs du marché ont acheté des marques pour compléter leur portefeuille, mais ont aussi acquis des sous-traitants pour assurer l’approvisionnement en composants et la maîtrise des technologies, précise Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH). Il faut d’ailleurs relever que des entreprises indépendantes ont également intégré des opérations qu’elles sous-traitaient auparavant.»
A cette consolidation s’est ajoutée une verticalisation de la distribution, avec le développement des magasins en propre de nombreuses marques.
2. Nouveaux clients
La décennie 2000 voit l’ouverture progressive de la Chine au reste du monde. «Economiquement parlant, c’est le fait le plus important de la période, souligne Serge Maillard, éditeur de la revue spécialisée Europa Star. L’horlogerie suisse n’aurait pas pu doubler de taille ces quinze dernières années sans les consommateurs chinois.»
Le président de la FH, Jean-Daniel Pasche, relève pour sa part le développement du marché des montres pour femmes: «On a vu l’apparition de collections féminines à part entière, et pas juste des montres plus petites. Les femmes sont devenues une clientèle qui choisit et achète des montres de manière indépendante.»
3. Montée en gamme
Les horlogers suisses vendent toujours davantage de modèles onéreux. L’an dernier, la valeur des exportations de montres-bracelets a progressé de 6,1%, atteignant 19,9 milliards de francs, alors que leur volume a baissé de 570 000 pièces, pour un total de 23,7 millions de montres. «L’excellence horlogère est une conséquence logique de la renaissance de l’horlogerie mécanique qui a suivi la crise du quartz», dit Grégory Gardinetti, historien à la Fondation de la haute horlogerie.
C’est ainsi la montre mécanique qui a le plus assuré le développement du chiffre d’affaires horloger, en misant sur les complications toujours plus sophistiquées. «Elles étaient présentes en montre de poche, mais elles n’existaient alors peu ou pas en montre-bracelet. Ce choix permettra à l’horlogerie mécanique de tradition de revenir sur le devant de la scène face à un quartz qui est froid et n’offre pas d’émotions; soit une pièce d’art au poignet et non un objet électronique purement fonctionnel.»
4. Miser sur la tradition
Des marques dormantes ou disparues sont remises au goût du jour. Il en va de même pour les montres sportives des années 1960 ou 1970 qui continuent de faire le bonheur des collectionneurs comme des nouveaux passionnés. «La Royal Oak d’Audemars Piguet, la Speedmaster d’Omega ou la Rolex Daytona sont indépassables», estime Serge Maillard.
Miser sur ces modèles emblématiques est aussi une manière de répondre à la culture horlogère naissante de la clientèle asiatique. «Les consommateurs chinois ne connaissant pas les marques jusque-là, il est plus facile de communiquer avec des produits iconiques», relève Pierre-Yves Donzé. Preuve que malgré tous les changements qui ont marqué l’industrie horlogère, ce sont souvent les bonnes vieilles recettes qui marchent le mieux.
Neuchâtel, un canton où l’économie s’est réinventée
Tout en restant fidèle à son héritage horloger et à sa tradition industrielle, le canton mise aujourd’hui sur la haute valeur ajoutée et la technologie de pointe.
Berceau de l’horlogerie, le canton de Neuchâtel a, en trois décennies, été le terrain de constants et profonds renouvellements. Après la grande crise horlogère des années 1980, le canton, 180 000 habitants, a diversifié son tissu économique. En restant fidèle à son héritage horloger et à sa tradition de terre industrielle (l’industrie représente 40% de son PIB), il a joué la carte du haut de gamme, en se tournant résolument vers l’export. «Le canton contribue à hauteur de plus de 20% à l’excédent de la balance commerciale du pays», souligne Jean-Kley Tullii, chef du Service de l’économie du canton.
«Nous nous sommes concentrés sur les produits de niche, à haute valeur ajoutée, et la technologie de pointe», renchérit Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat neuchâtelois chargé de l’économie. Dans le secteur de l’horlogerie (18% du PIB), les règles ont changé, avec des produits alliant les nouvelles technologies à un savoir-faire traditionnel et artisanal. Aux côtés de l’horlogerie, d’autres secteurs se sont beaucoup développés, dans un environnement marqué par la centralisation des compétences en matière de recherche appliquée, autour de Microcity (antenne de l’EPFL), du CSEM (Centre suisse d’électronique et de microtechnique), de l’Université de Neuchâtel ou de la Haute Ecole Arc.
La pharma surpasse l’horlogerie
Parmi les branches gagnantes: la pharmacie (le niveau des exportations dans ce secteur dépasse désormais celui de l’horlogerie), les medtechs, la microtechnique, la microélectronique, le photovoltaïque de pointe, et plus récemment la blockchain et la fintech. Jean-Nathanaël Karakash souligne que l’emploi industriel a progressé ces dernières années et que le taux de chômage (4,4%), qui était l’un des plus élevés de la Suisse, a baissé. Avoir une économie qui se réinvente en permanence rend toutefois plus sensible aux aléas conjoncturels. «Quand la conjoncture économique est favorable, nous en profitons davantage.»
L’industrie 4.0 constitue la prochaine étape pour ce canton qui a vu partir certains grands groupes internationaux. Il a désormais fait le choix de cibler ses efforts sur les entreprises déjà présentes sur son territoire. «Notre écosystème industriel va se renforcer, des secteurs d’activités différents vont collaborer», assure Nicolas Babey, professeur et doyen de l’Institut du management des villes et du territoire à la Haute Ecole Arc.
Reste un paradoxe à résoudre: «Neuchâtel est un modèle de vertu, avec une grande concentration de savoir-faire, mais il n’arrive pas à garder sa substance financière», déplore Nicolas Babey. L’an dernier, la population du canton a diminué de 1142 personnes, principalement au profit de communes bernoises et fribourgeoises aux conditions fiscales plus avantageuses. «Nous aimerions essayer de tirer un peu mieux parti du potentiel généré ici», admet Jean-Nathanël Karakash.
«Dès 1983, tous les enfants portaient une Swatch»
Jean-Claude Biver fait partie de ceux qui ont permis à l’horlogerie suisse de surmonter la crise du quartz. A 69 ans, le plus suisse des Luxembourgeois livre son regard aiguisé sur cette industrie qu’il a contribué à transformer.
En relançant des marques prestigieuses telles que Blancpain, Omega ou Zenith, Jean-Claude Biver a donné un nouveau souffle à la haute horlogerie suisse. Il figurait d’ailleurs en couverture de l’un des premiers numéros de "PME Magazine" il y a 30 ans. L’occasion de revenir sur cette période décisive de l’histoire horlogère.
Il y a trente ans vous étiez à la tête de Blancpain depuis quelques années. Le secteur horloger commençait à se remettre de la crise du quartz. On parlait alors du «retour du tic-tac». Un souvenir marquant de cette période?
Un jour j’étais dans la boutique Fiumi de via Manzoni à Milan, le temple de l’horlogerie traditionnelle de l’époque, lorsque j’ai entendu un client se plaindre du retard de sa montre mécanique. Le quartz avait habitué les consommateurs à une précision inconnue auparavant, pour un prix bien inférieur. La réponse de Monsieur Fiumi fut extraordinaire: «Vous êtes un seigneur, et en tant que tel, vous n’est pas tenu de respecter des horaires précis, vous faites ce que vous avez envie de faire. Votre montre est parfaite pour vous. C’est un objet de prestige, un œuvre d’art, c’est pour cela qu’un seigneur comme vous la porte.» Cet échange m’a inspiré jusqu’à ma période chez Hublot: prestige, luxe, art, statut, symbole et exclusivité sont les arguments de vente qui ont caractérisé le retour en force du «tic-tac».
Vous êtes «l’homme qui a sauvé la montre mécanique». C’était une conviction ou une intuition?
Une conviction sur le fond, et une intuition sur la forme. A la fin des années 1970, les ex-hippies étaient devenus des consommateurs sensibles aux thèmes environnementaux. Alimentation bio, végétarisme, retour à la nature et aux traditions étaient ancrés dans cette culture, dont j’avais fait partie. Or, les batteries sont polluantes et je pensais que produire des montres mécaniques était juste. J’avais aussi l’intuition que l’horlogerie traditionnelle aurait pu être mon gagne-pain, mais je n’aurais jamais imaginé le succès que nous avons eu avec les différentes marques que j’ai dirigées.
Vous avez fait partie des premiers à investir le marché chinois en misant sur les modèles haut de gamme. Était-ce un pari?
Nous savions que la Chine allait se développer mais nous avons eu le courage d’être les premiers. Ma certitude venait de ce que j’appelle le «syndrome Ferrari». Tous les enfants rêvent de ces voitures, et lorsqu’ils deviennent des hommes et peuvent se permettre un achat de luxe, la question ne se pose même pas: ils achèteront une Ferrari. Je voulais être le premier à frapper l’imagination sur ce marché prometteur.
Une autre phase importante de ces trente dernières années: les consolidations et regroupements autour des «Big Four». Une étape essentielle pour préserver le savoir-faire helvétique?
En 1980, lors de la crise, seule une union industrielle pouvait permettre à la Suisse de rattraper son retard technologique dans le quartz. Ce regroupement a été encouragé (par les banques et la Confédération, selon les conseils de Nicolas G. Hayek, ndlr) pour créer une grande industrie pouvant faire face à la concurrence japonaise. Aujourd’hui, avec les montres mécaniques ce phénomène de consolidation se poursuit, mais pas pour des raisons de survie. Il s’agit à mon sens d’une tendance du marché global.
Pouvez-vous citer trois modèles emblématiques de ces trente dernières années?
La Rolex Daytona, l’Omega Speedmaster et l’Audemars Piguet Royal Oak. Si je dois citer une montre qui a caractérisé les années 1990, je dirais la Blancpain Phases de Lune car elle a marqué la fin des années 1980 par la réintroduction d’une complication qui avait complètement disparu. Même si vous ne voudrez pas l’écrire (rires), je pense que la montre qui a marqué les années 2000 est la Hublot All Black, parce que c’est le premier modèle qui a affiché ouvertement le fait d’être un objet de prestige: on n’achetait pas cette pièce pour lire l’heure, c’était une marque de prestige. Évidemment, en ce qui concerne cette décennie, l’Apple Watch est la seule à avoir su bouleverser tout un marché au niveau mondial, quoique moins en Suisse.
A l’orée des années 1990, l’industrie horlogère suisse employait 30 000 personnes, contre 55 000 actuellement. Qu’en sera-t-il ces prochaines années?
Je vois sûrement une croissance du chiffre d’affaires de l’horlogerie, ainsi que de l’emploi dans le domaine, notamment grâce à l’Apple Watch. Ceci pour les mêmes raisons qui ont fait de la Swatch un moteur pour toute l’industrie. A partir de 1983, tous les enfants portaient une Swatch: ça n’existait pas auparavant. L’Apple Watch déclenche d’une certaine manière le «syndrome Ferrari». Le jeune qui l’achète aujourd’hui a plus de chances de rêver d’une «vraie montre suisse de prestige» par la suite, puis de l’acquérir lors de grandes étapes de sa vie.
Apple est le premier producteur de montres au monde, cela représente-t-il un danger pour l’horlogerie suisse? Quelle importance auront les montres connectées à l’avenir?
La Suisse n’est pas un pays leader dans le secteur des télécommunications. Pour cette raison, il n’y a pas de vraie concurrence entre Apple et une quelconque manufacture du pays, un peu comme entre Coca-Cola et un bon vin de Bordeaux. La Chine, le Japon et les Etats-Unis ont un vrai leadership dans les TIC, alors que la Suisse est plutôt bien positionnée en ce qui concerne les machines, la pharma, les biotechs, la finance et bien sûr l’horlogerie. L’existence de l’horlogerie suisse n’est pas liée au destin de la montre connectée, car très peu de marques sont intéressées par ce marché soumis à l’obsolescence, parfois programmée. La montre mécanique est éternelle, et l’éternel n’a pas de concurrence.
Quel sera le visage de l’industrie horlogère suisse dans 30 ans?
Les montres mécaniques ont une âme, qui leur est donnée par le travail manuel des artisans. Si elles devaient commencer à être construites par des robots, elles auront perdu ce qu’elles ont de plus précieux. Je pense que la montre du futur sera sûrement plus précise, plus résistante, elle n’aura pas besoin d’entretien pendant des périodes très longues et elle aura une réserve de marche de plusieurs années. Avec ces innovations, la Suisse continuera d’être leader du marché horloger de prestige.
Osez-vous une prédiction pour les marchés dominants à l’avenir?
La Chine, où la classe moyenne commence tout juste de se développer. Imaginez-vous: sur le long terme on estime qu’il y aura 600 millions de personnes dans ce pays qui pourront s’acheter par exemple une VW Golf, c’est énorme! Les Etats-Unis vont sûrement rester importants, mais l’Amérique du Sud, l’Inde et l’Indonésie sont des marchés à suivre attentivement.
Le marché des montres d’occasion est en pleine croissance. Comment les marques doivent-elles se positionner sur ce segment?
Les marques ont beaucoup d’intérêt à maîtriser ce marché. Cela devrait se faire par la création de certificats, car le consommateur qui achète une montre «pre-owned» attend une qualité très proche du neuf. Évidemment, il sera prêt à payer jusqu’à 25% plus cher pour une pièce certifiée et garantie par la marque.
Quel est selon vous votre plus grand échec professionnel?
Suite à mon divorce, mon plus grand échec personnel, j’ai décidé de vendre Blancpain. C’est ce que je regrette le plus au niveau professionnel.
Votre plus belle réussite?
Ce sont sans doute les hommes qui se sont développés et formés à mes côtés: Ricardo Guadalupe, l’actuel CEO d’Hublot, qui n’était pas forcément destiné pour arriver là où il est aujourd’hui. Il gère la marque comme si j’y étais. Je suis aussi très fier d’avoir inspiré le CEO de Rolex, Jean-Frédéric Dufour. Il en est de même de l’actuel patron de Zénith, mon ami Julien Tornare qui possède un très grand potentiel. Je lui prédis un bel avenir. Pour un dirigeant, il est «in fine» plus important de former des gens que «seulement» de gagner des millions.
Quelle est selon vous la clé du succès pour être un bon entrepreneur?
Oser se tromper, corriger très vite et avoir le courage de faire faux et de l’avouer à son équipe. Toujours chercher avec obstination et obsession à être premier, différent et unique. Et ne jamais penser qu’on est arrivé au sommet de la montagne car si on le pense, c’est qu’on est déjà dans la descente.
Vous avez souvent déclaré ne dormir que quelques heures par nuit. Est-ce un choix Avec quels bénéfices sur votre activité professionnelle?
Ce n’est pas un choix, c’est devenu une règle qui m’a été inculquée par Jean-Pascal Delamuraz (ancien conseiller fédéral, ndlr). Il m’a donné un jour rendez-vous à 5h du matin en me disant: «Je veux t’apprendre que si tu travailles 2 heures de plus que tes concurrents pendant 300 jours par année, cela fait 600 heures, et si tes concurrents travaillent 40 heures par semaine cela fait donc 15 semaines, autrement dit 4 mois d’avance sur les autres.» Je l’ai fait, et cela a marché!
Combien de Patek Philippe possédez-vous? Quels sont vos critères pour acquérir une nouvelle montre?
J’ai une collection d’environ 60 pièces. Au tout début je choisissais au feeling et à l’esthétique, ce qui m’a fait acquérir des montres qui me plaisent mais qui n’ont pas toujours une valeur historique. Dernièrement, grâce aux conseils d’un ami, je me suis attelé à l’achat de montres plus pointues, qui ont marqué l’histoire de l’horlogerie, dont des pièces uniques de chez Patek Philippe. Mais je possède aussi des pièces des autres grandes marques horlogère tels que Rolex, Audemars Piguet et bien entendu aussi Hublot.
L’horlogerie suisse en 2049...
L’industrie horlogère suisse semble avoir su résister jusqu’ici à la montre connectée. «C’est un produit concurrent à l’entrée de gamme, qui a moins d’influence sur les autres segments, souligne Jean-Daniel Pasche, président de la FH. Il faut dire que la montre est devenue un bijou que l’on a plaisir à porter pour lui-même, à l’instar de vêtements ou de maroquinerie.» Les montres suisses de demain seront-elles assemblées par des armées d’automates? «Non, car elles perdraient ce qu’elles ont de plus précieux», répond sans hésitation Jean-Claude Biver. Reste une question plus terre à terre: le cadre géopolitique et les conditions d’exportation. «Est-ce que le Brésil ou l’Inde vont baisser leurs droits de douane et leurs consommateurs développer une passion pour l’horlogerie aussi forte qu’en Chine?» se demande Serge Maillard, éditeur de la revue Europa Star. Réponse dans trente ans.
Top& Flop de l’industrie horlogère
Quelles sont les marques horlogères qui ont marqué ces trois dernières décennies? Celles qui nous ont quittés? Florilège.
Top
Rolex, Patek Philippe, Audemars Piguet, Richard Mille, Omega, Longines, Blancpain, IWC Schaffhausen, Breitling, TAG Heuer, Hublot, Franck Muller, Jaeger-LeCoultre…
Flop
Universal Genève, DeLaneau, Montres Villemont, Voltime, Wyler, Revue Thommen, Vincent Bérard, BNB Concept, Leonard, Slyde…