Le tourisme suisse comptera dès le mois de juillet un nouvel acteur. Dans six villes (Zurich, Berne, Bâle, Zoug, Lucerne et Genève), plusieurs centaines de locations de courte et moyenne durée seront dorénavant gérées par un poids lourd du secteur: GuestReady. Cette société, dont le siège est à Trogen (AR), renforce ainsi sa position de leader européen des services de conciergerie pour les logements de courte durée.

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«Nous intervenons dans les relations entre les hôtes et les invités, précise le Genevois Sinan Abdel Sattar, Global Marketing Manager de la PME. Les premiers nous délèguent un certain nombre de services, de la gestion des réservations à la remise des clés, en passant par le ménage, les petits travaux urgents, etc. Les attentes de la clientèle évoluent rapidement dans ce domaine et il faut savoir y répondre. Par exemple, un accès à Netflix ou au wifi représentait un plus il y a quelques années. Maintenant, c’est une évidence.»

GuestReady s’insère ainsi dans un écosystème plus large. Sa croissance va de pair avec celle des géants de la location d’appartements pour le tourisme d’affaires ou de loisir comme Airbnb, Booking.com et HomeAway (plateforme d’Expedia). Le modèle d’affaires de la start-up helvétique est prometteur selon Roland Schegg, coauteur du «Monitoring des locations à court terme en Suisse» à l’Observatoire valaisan du tourisme: «Airbnb favorise justement l’émergence de sociétés qui fluidifient le parcours client et professionnalisent les services.»

Une start-up globale

C’est loin de la Suisse que démarre, en 2016, l’aventure de GuestReady. Le Zurichois Alexander Limpert, directeur général de l’entreprise de livraison alimentaire Foodpanda, à Taïwan, loue régulièrement son logement sur Airbnb durant ses déplacements. Il repère alors un manque de services pour l’aider dans cette tâche. «En observant les tendances sur le marché asiatique, Alexander a remarqué que les appartements étaient rarement bien équipés, les informations mises à disposition en ligne peu transparentes et la communication avec les invités peu efficace, se souvient Patrick Degen, cofondateur de GuestReady. En faisant des recherches, nous avons vu qu’il existait en Australie une start-up active dans la conciergerie pour la location de courte durée.» Alexander Limpert s’inspire de ce modèle d’affaires pour créer GuestReady avec deux autres entrepreneurs et anciens diplômés de l’Université de Saint-Gall, Christian Mischler et Patrick Degen.

Airbnb favorise justement l’émergence de sociétés qui fluidifient le parcours client et professionnalisent les services.

Roland Schegg, professeur à l'Observatoire du tourisme (VS)

Les ambitions du trio sont, dès le départ, mondiales. «Multiplier les marchés était le seul moyen d’atteindre la rentabilité. Nous avons donc voulu construire une start-up globale avec une équipe de management répartie sur plusieurs pays. Alexander travaille depuis Londres en tant que CEO, moi depuis la Suisse comme CFO et Christian comme Executive Chairman entre Hongkong et Kuala Lumpur.» L’entreprise teste alors plusieurs villes, doit fermer certains bureaux, en ouvrir d’autres. Aujourd’hui, elle est active dans sept pays (France, Royaume-Uni, Portugal, Emirats arabes unis, Malaisie, Hongkong, Suisse) pour un total de 2500 propriétés.

Avantage technologique

L’armada de concierges et de prestataires de services n’est pas l’avantage comparatif de GuestReady. «Au départ, nous avons commencé simplement, par la gestion physique des biens, mais après la première levée de fonds – 750 000 francs reçus au bout de quelques mois d’existence –, nous avons également misé sur le développement technologique, relève Sinan Abdel Sattar. Il existe en effet un grand nombre de tâches répétitives dans cette industrie qu’il est possible d’automatiser.» Concrètement, ces avancées prennent la forme d’un système informatique. Une première interface liste les tâches à confier pour les différentes propriétés sous gestion (linge ou appartement à nettoyer, petits travaux à effectuer, check-in à organiser, etc.). Les travailleurs et sociétés indépendants dans le réseau de GuestReady prennent connaissance de ces tâches, puis sélectionnent celles dont ils peuvent s’occuper.

Une seconde interface est destinée aux hôtes. Elle prend la forme d’un calendrier qui centralise les informations d’une dizaine de plateformes de réservation. «Un maximum d’informations sont ainsi digitalisées, mais chaque hôte a également un gestionnaire de compte qui lui est attribué et qu’il peut contacter, ajoute Sinan Abdel Sattar. Tout comme pour les invités qui ont accès à un service de communication actif 24 heures sur 24.» Les prix sont également régis par des modèles fonctionnant à l’aide d’algorithmes. «Les prix par nuitée évoluent en fonction de la demande, souligne le responsable du marketing. A Paris par exemple, notre système proposera des tarifs différents pendant le pic de la Fashion Week.»

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De g. à dr.: Christian Michler, Alexandre Limpert et Patrick Degen, les cofondateurs de GuestReady.
© DR

Il en va de même pour les commissions prélevées par GuestReady, de 15 à 25% des revenus générés. «Les commissions varient d’un marché à l’autre et d’un profil d’appartement à un autre. Plus un logement est loué souvent, plus elles seront faibles.» Une des perspectives de développement de la start-up consiste justement à commercialiser sa plateforme à de petites entreprises de conciergerie, dans des pays où elle n’est pas active, sur le modèle SaaS (Software as a service).

Un des principaux défis à relever pour la société concerne sa croissance rapide. «Les revenus bruts générés (soit avant le reversement de 75 à 85% de la nuitée à l’hôte) ont atteint 35 millions de francs en 2019, note le CFO. Ils ont plus que doublé en un an.» Après le rachat de sa concurrente française BnbLord en avril 2019, GuestReady a vu son personnel passer de 80 à 140 collaborateurs en un an et le nombre d’hôtes dépasser la barre des 2000.

L’évolution du cadre légal constitue un autre défi pour GuestReady. «Paris a par exemple décidé de fixer la limite à 120 jours maximum par an pour les locations de courte durée, Londres à 90 jours», détaille Sinan Abdel Sattar. La start-up doit donc se montrer agile et adapter son offre. «Le cadre légal était devenu si restrictif à Singapour, par exemple, qu’il n’était plus intéressant pour nous d’y rester.»

Roland Schegg, professeur à l’Observatoire valaisan du tourisme, y voit également le principal risque pour les entreprises de conciergerie: «Un changement de régime de la part du législateur, comme la suppression récente des appartements touristiques dans le centre historique de Palma de Majorque, peut affecter tout cet écosystème.»

Anticiper le marché

La direction de la société doit également bien anticiper les évolutions du marché. «Nous assistons à une consolidation au travers de diverses fusions et acquisitions, précise Sinan Abdel Sattar. D’ici cinq ans, il ne devrait rester plus que quelques grandes plateformes de réservation de logements de courte durée et de conciergerie comme la nôtre.»

Alors que GuestReady a elle-même acheté Easy Rental Services (octobre 2017), Oporto City Flats (décembre 2018) et BnbLord (avril 2019), Airbnb a pour sa part racheté en décembre 2018 l’entreprise française Luckey Homes. Un moyen pour le géant californien de renforcer sa présence dans l’Hexagone, deuxième marché après les Etats-Unis, et de suivre une stratégie d’intégration verticale.


«Le Covid-19 nous a poussés à nous diversifier»

Solide financièrement, grâce à une levée de fonds totale de 9,8 millions de dollars en capital-risque, la société GuestReady résiste bien à la pandémie. Elle a recouru aux mesures de chômage technique dans les différents pays où elle est présente et a adapté son offre. «Nous avons diversifié notre portfolio en proposant durant cette période davantage de locations de plus longue durée, avec une diminution des loyers payés par les locataires ainsi qu’une réduction des commissions que nous facturons aux propriétaires», souligne Sinan Abdel Sattar, Global Marketing Manager.

GuestReady tire plusieurs enseignements de la pandémie et modifie son offre. Elle proposera par exemple davantage de systèmes de dépôt de clé. «Nous pensions que ce ne serait qu’une mesure sanitaire passagère, mais nous avons remarqué que les clients préféraient en fait la flexibilité du dépôt de clé par rapport au check-in en personne, sur rendez-vous.» L’entreprise devait aussi augmenter sa part de logements de moyenne durée. «De manière générale, nous souhaitons continuer à diminuer notre dépendance à Airbnb et proposer davantage de locations directement sur notre propre plateforme et sur d’autres sites.»