La Confédération réaffirmait l'an dernier son engagement en faveur de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) grâce au plan d’action RSE 2020-2023. Berne souhaite créer des cercles vertueux forts dans lesquels une structure respecte non seulement les clés de la durabilité, mais également ses fournisseurs, ses partenaires, cela jusqu’aux clients et aux collaborateurs.
Une démarche qui se veut positivement contagieuse. Elle englobe les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance d’une entreprise. Très proche, le sigle ESG (environnement, social, gouvernance), plutôt utilisé par les acteurs de la finance et les multinationales, permet d’établir la performance RSE d’une société.
>> Lire aussi: Finance durable, la guerre des mots
Mais attention, la RSE reste encore trop souvent un concept. «La RSE signale qu’une entreprise est attentive au développement durable. Il n’y a toutefois aucune protection de la terminologie et aucune contrainte. C’est un mot libre de droit», souligne Leila Pamingle, directrice d’Ecoparc, une association œuvrant pour le développement durable. Elle a par ailleurs publié l’automne dernier un rapport comparant les différentes certifications liées à la RSE.
La Confédération recense à ce jour 288 labels en Suisse, toutes catégories confondues, un chiffre en augmentation d’année en année! Or, pour Leila Pamingle, le premier élément à déterminer pour une PME est de comprendre ce qui différencie un label d’une certification. «Le label est une marque, un timbre comme quoi une structure respecte un cahier des charges spécifique, explique-t-elle. La certification est une démarche de qualité dans le temps, plus poussée et qui implique une réflexion d’amélioration continue.» En général, il s’agit de cycles de trois ans.
Labels vs certifications
Volontairement ou non, le flou subsiste entre les deux approches. «Labels et certifications sont devenus un marché où personne n’y voit clair, ni les entreprises, ni les clients, poursuit celle qui travaillait auparavant au développement international de Nestlé. Cela a entraîné une perte de crédibilité, alors que c’est exactement le but inverse qui était recherché.» A noter que certains labels sont presque devenus obligatoires, selon l’activité d’une société, à l’instar du charpentier qui utilisera du bois labellisé FSC, promouvant une gestion viable des forêts.
Vaut-il la peine d’entamer une démarche de certification? Qu’est-ce que cela apporte? Et surtout, comment choisir l’option qui correspond le mieux à ma PME? «Les certifications donnent un bilan, une analyse approfondie qui est remise à jour régulièrement. C’est aussi une source d’information», appuie Leila Pamingle. Aujourd’hui, les notions d’économie circulaire et de protection des données digitales ont fait leur entrée dans les critères d’évaluation, notamment.
En 60 questions, vous avez un diagnostic évaluant où votre société se situe en termes de durabilité.
Alain Guye, Globalité Management
Par ailleurs, cette démarche responsable ouvre la porte aux marchés publics et à des réseaux d’entreprises. Cela devient même de plus en plus une exigence, à en juger par la «grille d’évaluation de la contribution du soumissionnaire au développement durable», publiée en mai 2020 par le «Guide romand pour les marchés publics». Ce n’est pas nouveau, mais la tendance s’est renforcée et le cercle des partenaires est également évalué.
Outils de diagnostic
Le gain en efficacité et en visibilité découlant de ces normalisations n’est pas anodin. «Lorsqu’on sait que 10 à 15% du temps des collaborateurs est perdu à rechercher des informations déjà traitées, on comprend la valeur de mettre en place des procédures, signale Yvan Kohli, fondateur de Mayday et consultant préparant les entreprises à diverses certifications. Il y a aussi un phénomène de mode et certaines certifications facilitent notamment le recrutement ou la revente d’une société. En général, les démarches ISO ou EcoEntreprise sont entamées car une structure en a besoin pour répondre à la demande d’un client, tandis qu’avec B Corp l’entreprise sera motivée par l’envie d’afficher sa préoccupation vis-à-vis des enjeux RSE.»
La première réflexion à avoir est de se demander ce qu’on souhaite mettre en valeur pour son entreprise. Face aux multiples possibilités qui existent, Leila Pamingle mentionne trois catégories importantes: les certifications globalisantes (EcoEntreprise, B Corp, Entreprise citoyenne, Engagé RSE d’Afnor), les partielles (ISO 9001, ISO 14001, ISO 45001) et les sectorielles (les normalisations en lien avec l’alimentation, la santé, l’informatique).
Afin de se faire une première idée, la plateforme Benchmark for the Future est une version allégée du questionnaire utilisé dans les normes ISO et EcoEntreprise. «En 60 questions, vous avez un diagnostic évaluant où votre société se situe en matière de développement durable par rapport à la moyenne des entreprises», souligne Alain Guye, directeur de Globalité Management, structure gérant le secrétariat du programme EcoEntreprise. D’autres outils similaires, également gratuits et fournis par les plateformes de certifications, sont disponibles en ligne, mais ne vous livrent pas nécessairement de comparatif.
A noter que les questions sont relativement semblables d’un organisme à l’autre. Concernant les coûts, ils dépendent de la taille de l’entreprise ou du chiffre d’affaires. Ce n’est pas tant la certification qui est chère, mais l’audit et la préparation. La charge est généralement répartie sur trois ans. Enfin, les labels simples sont souvent bien moins onéreux.
Huit certifications sous la loupe
Pour y voir plus clair, voici une liste non exhaustive de certifications et labels disponibles en Suisse romande.
EcoEntreprise
Cette norme rencontre un grand succès en Suisse, car elle est historiquement liée aux marchés publics. Beaucoup de PME dans la construction ou les services la choisissent. «EcoEntreprise s’intéresse non pas aux systèmes, ce qui est fait par ISO, mais aux résultats, cela dans une optique de durabilité, observe Alain Guye. L’autre aspect est que nous tendons à rendre les candidats le plus autonomes possible dans cette démarche pour qu’ils prennent en main eux-mêmes les questionnaires. Un audit est ensuite assuré par une personne indépendante.»
Le prix dépend de la taille de l’entreprise et du nombre de check-lists utilisées. Les tarifs de certifications pour une société dans le service de 20 emplois plein-temps (EPT) démarrent à 7500 francs. La possibilité existe de réaliser une «Auto-déclaration EcoEntreprise», le stade avant la certification de base. A l’inverse, la certification «EcoEntreprise Excellence» demande un score de 80% et non plus de 60% pour atteindre ce statut.
Entreprise citoyenne
Nouvelle certification devenue une marque déposée en 2016, son référentiel est celui d’ISO 9001, ISO 14001 et ISO 26000, auquel s’ajoutent sept critères impliquant davantage les collaborateurs, les fournisseurs et la communauté locale. Elle connaît un grand intérêt en Valais. Elle est utile dans l’agroalimentaire, la construction, l’ingénierie, la santé, les services et les transports.
Les normes ISO
Les certifications sont nombreuses. Les plus connues sont ISO 9001 (qualité et processus), ISO 14001 (environnement), ISO 45001 (santé-sécurité), ISO 50001 (énergie) et ISO 26000 (développement durable). Cette dernière n’est pas certifiante, mais elle permet de suivre les évolutions de la RSE. Une norme ISO économie circulaire est en réflexion. «D’une manière générale, la norme ISO dit quoi mais pas comment, résume Yvan Kohli. L’idée est de décrire les processus d’une entreprise et de créer un modèle qui permette de travailler plus efficacement et de faciliter l’intégration de nouveaux éléments, personnes ou problématiques.»
Une deuxième phase passe par l’analyse SWOT, de l’anglais strengths (forces), weaknesses (faiblesses), opportunities (opportunités) et threats (menaces). Pour chaque étape, on déterminera ce qu’on fait, avec qui et qui contrôle. Pour 10 à 15 collaborateurs, compter 10 000 francs sur trois ans pour la certification ISO 9001 et 2500 francs de plus pour la 14001. Cela n’inclut pas le logiciel d’évaluation, ni le travail de préparation pour arriver à la certification.
B Corp
Certification très engagée, B Corp demande aux entreprises d’adhérer, jusque dans ses statuts, à une philosophie commune qui est de créer un nouveau monde durable. Des notions comme l’économie circulaire, les enjeux sociétaux et l’accélération du changement sont un fil rouge. Elle séduit les start-up grâce à un prix de départ attractif – basé sur le chiffre d’affaires –, tout comme de grandes marques parfois décriées ou des multinationales telles que Danone. A noter que les résultats détaillés de l’audit sont publiés en toute transparence.
>> Lire aussi: B Corp, le label qui séduit aussi les PME romandes
EcoVadis
Cette certification vise à faciliter la gestion responsable des fournisseurs et partenaires en amont et en aval, cela afin de créer une chaîne de valeur. Les grandes multinationales font appel à EcoVadis pour favoriser la durabilité dans les chaînes d’approvisionnement globales. Les scores obtenus offrent l’accès à une évaluation sous forme de médailles. Des fiches avec des plans d’amélioration y sont jointes pour soi-même et ses partenaires commerciaux.
Afnor
Anciennement AFAQ 26000 d’Afnor International, c’est une association de normalisation RSE à large échelle. Elle est bien présente dans les multinationales et s’est notamment spécialisée dans la question des achats responsables. Elle est, par exemple, à la base de la normalisation des masques à la norme Afnor, validée par la Société française d’hygiène hospitalière. Elle s’appuie sur des référentiels internationaux tels que la norme volontaire ISO 26000.
EcoCook
Cette certification globalisante prisée des restaurants aborde autant les aspects environnementaux que de gouvernance, de qualité, de sécurité ou de soin aux collaborateurs. Elle est le fer de lance de toute une déclinaison de labels produits tels que Bourgeon Bio, Demeter, ASC, IP Suisse, Naturland… La plateforme Labelinfo.ch a recensé une dizaine de labels détaillant les critères et les exigences de chacun, pour que les producteurs autant que les consommateurs y voient plus clair.
Labels cantonaux
Les labels régionaux se développent, avec la plupart du temps le soutien des chambres de commerce. Ces normes ont l’avantage d’être plus rapides et moins coûteuses qu’une certification, mais le but recherché n’est pas toujours le même, on l’a vu. Parmi celles-ci, on compte Carbon Fri, lancée en 2018. Cette démarche implique une dynamique qui encourage les PME locales à réduire leur impact CO2, poursuivant ainsi l’Agenda 2030. Pour un montant de 200 francs, les sociétés fribourgeoises s’engagent à verser 10 francs par tonne de CO2 produit à un fonds de solidarité régionale qui permettra de financer des projets durables.
Valais Excellence (Aevex) est plus ancien et table sur un management durable pour toutes les organisations. En marge d’Aevex, le Living Lab promeut l’économie positive, dont le but est de développer des collaborations au service d’innovations responsables. Vaud+ vise à réunir les entreprises d’excellence du canton. Cette marque territoriale lancée il y a deux ans n’intègre pas spécifiquement la notion de durabilité dans ses 24 critères d’attribution. Ce qui n’est pas le cas de Best for Geneva, un programme de développement durable qui valorise les entreprises engagées dans cette direction. A noter que rien de tel n’existe dans les cantons de Neuchâtel et du Jura. Des réflexions sont en cours.