La bourse suisse n’avait pas connu une telle effervescence depuis 2006. En mars dernier, en à peine quatre jours ouvrables, trois sociétés ont franchi avec succès les étapes pour démarrer une cotation sur SIX, l’opérateur de la bourse helvétique. La plateforme sociale élitiste Asmallworld lançait le mouvement, suivie par le producteur de capteurs Sensirion et le fabricant de matériel chirurgical Medartis. Le nombre d’introductions dépasse celui enregistré l’an dernier où, à ce stade de l’année, seule une société avait démarré une cotation. Et la suite de l’année s’annonce faste.

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«Ce développement positif était déjà perceptible en 2017, avec un total de six introductions, indique Julian Chan, porte-parole de SIX. Cette année, nous en avons enregistré cinq jusqu’au milieu du mois de mai. Les sociétés concernées varient grandement en termes de tailles et de secteurs d’activité.» Le printemps est traditionnellement une période favorable aux entrées en bourse: c’est à ce moment que les entreprises publient leurs chiffres et font leurs prévisions annuelles. «Nous voyons plus d’introductions actuellement car les marchés financiers se sont développés positivement depuis le début de l’année: la volatilité est faible et la confiance des investisseurs élevée.»

Opportunités de croissance

De bonnes conditions que confirme Paul Dembinski, directeur de l’Observatoire de la finance à Genève: «C’est le bon moment pour se lancer. Les taux d’intérêt continuent à être bas et les caisses de pension sont assises sur des liquidités dont elles ne savent pas quoi faire. Quant aux bourses, elles devaient dévisser, mais cela ne s’est pas produit. Enfin, il y a une importante effervescence autour de tout ce qui touche à l’innovation actuellement en Suisse.»

Les IPO sont lancées quand les valorisations sont élevées.

Panagiotis Spiliopoulos, Recherche, Vontobel

Du côté des néo-entrants, les facteurs invoqués se ressemblent. «Notre objectif est d’élargir nos options stratégiques, souligne Jan Luescher, CEO de Asmallworld, dont le siège est à Zurich. Notre cotation en bourse nous placera en meilleure position pour nous développer grâce à des acquisitions.» Du côté de la société bâloise Medartis, le porte-parole Patrick Christ explique que la décision a été prise en raison de la forte croissance du groupe: «La poursuite de cette progression nécessite désormais des investissements appropriés. Nous voulions également mieux faire connaître l’entreprise au public et donner aux investisseurs la possibilité de participer à notre croissance. De plus, nous obtenons ainsi une plus grande flexibilité pour étendre nos marchés et notre gamme de produits.»

Même son de cloche chez Sensirion, dont le siège se trouve à Stäfa (ZH): «Notre introduction en bourse nous permettra de tirer parti d’opportunités de croissance supplémentaires, relève le responsable de la communication, Andreas Meile. Nous augmentons ainsi la flexibilité financière de l’entreprise, en particulier pour d’éventuelles acquisitions stratégiques, si de telles occasions venaient à se présenter.»

Environnement favorable

Cette tendance marquée du début de l’année est restée soutenue au cours des mois suivants. Basé à Baar (ZG), l’opérateur global de gestion de la chaîne logistique Ceva Logistics a fait son entrée en bourse début mai. «Depuis quatre ans, notre entreprise a traversé des développements importants, relève le porte-parole David Urbach. Nous avons pu renforcer notre position sur le marché, ainsi que notre profitabilité. Le moment était propice pour ouvrir un nouveau chapitre dans notre histoire en réduisant notre dette. Cette étape laisse présager de nouveaux débouchés avec notre clientèle existante et de nouveaux clients.» Enfin, à la mi-mai, la société pharmaceutique bâloise Polyphor, qui compte une septantaine d’employés et développe notamment un traitement prometteur contre la pneumonie nosocomiale, démarrait elle aussi une cotation sur SIX.

Parmi les autres entreprises qui pourraient franchir le cap, on peut mentionner le fabricant d’emballages aseptisés schaffhousois SIG Combibloc. Ce dernier étudie actuellement, avec ses propriétaires canadiens, différentes alternatives stratégiques afin de soutenir le développement du groupe, y compris la possibilité d’une introduction en bourse.

Qu’en est-il de la Suisse romande? Des entrées en bourse sont-elles envisageables dans le courant de l’année de ce côté-ci de la Sarine? Responsable de la recherche chez Vontobel, Panagiotis Spiliopoulos estime possible le développement de trajectoires identiques, à condition qu’aucune perturbation du marché ne se produise dans les mois à venir.

Concernant les sociétés mentionnées plus haut, il précise que Asmallworld a simplement coté ses actions sous le régime simple d’une inscription (comme le spécialiste de la sécurité informatique Wisekey l’année dernière), ces deux sociétés n’étant pas destinées aux investisseurs professionnels (lire encadré). «Les introductions en bourse sont généralement lancées lorsque les valorisations sont élevées. Pour être réussies, elles ont besoin d’un bon sentiment général des investisseurs.» 
 


IPO et listing, quelle différence?

Une entrée en bourse ou IPO (Initial Public Offering) se distingue d’une inscription (listing). Lorsqu’une société émet ses actions au public pour la première fois, le processus est appelé IPO. Une société privée dont les actions étaient auparavant détenues exclusivement par un cercle restreint d’individus devient une société publique lorsque ses actions sont cotées en bourse. La plupart du temps, une telle introduction est traitée par un syndicat de souscription composé d’une ou de plusieurs banques d’investissement. Cela demande une préparation plus importante, mais l’impact sur les prix est positif. Les attentes sont généralement plus grandes.

L’inscription d’une société ou de ses titres est moins coûteuse et peut donc davantage convenir à de petites sociétés ou à des start-up. Aucune nouvelle action n’est émise. Les investisseurs existants ou les employés détenant des actions de l’entreprise peuvent les vendre directement au public. Suite à son inscription, l’émetteur se voit obligé de publier des rapports financiers périodiques et de suivre diverses normes comptables. Les valeurs négociées à la bourse suisse ne sont pas toutes cotées: par exemple, certaines obligations internationales cotées sur une autre bourse reconnue par SIX sont simplement admises à la négociation.