Au cours du 1er semestre, le principal indice boursier suisse SMI a perdu 8% après quelques mois intéressants sur les marchés. Comme chaque année, l’été ne marque pas de pause dans l’activité des actions, mais la période est propice à la réflexion et surtout à l’anticipation.

Entre deux matchs de Coupe du monde, plusieurs experts nous ont donné leur opinion sur la situation actuelle des marchés ainsi que sur les potentiels mouvements à venir ces prochains mois. Point de théories à la Nostradamus, mais de profondes analyses macroéconomiques qui ne peuvent qu’être utiles aux investisseurs toujours à l’écoute des professionnels.

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François Meylan, directeur de Meylan Finance à Lausanne, fait le point de la situation estivale en termes politico-économiques: «L’euphorie du début d’année s’est évaporée avec l’augmentation des températures… Les incertitudes se sont accumulées: le bras de fer commercial américain, la progression des populismes «anti-système» en Europe (Hongrie, Pologne, Italie et dans l’autonomie catalane) est attisée par la crise des migrants. Les indicateurs sont mitigés sur la croissance économique mondiale. Par ailleurs, l’environnement global au fil des mois a clairement changé et il serait imprudent de ne pas en tenir compte.»

Quand l’émotionnel prend le dessus

Avant de préciser: «L’Europe semble être, à nouveau, testée sur ses fondements. Dans ce contexte, avec des leaders politiques déjà bien fatigués, entre autres par l’intempestif Trump, l’euro va encore faiblir. Le dollar américain est à garder en guise de couverture.» L’expert rappelle que le groupe stratégique Exane Derivatives a relevé une fébrilité accrue des investisseurs, confirmée par les montants record de sorties des fonds actions. Le tout étant exacerbé par la saisonnalité (début de l’été) et une mise à l’abri habituelle, avant les grandes vacances.

«Côté bonnes nouvelles, on retrouve les feuilles de route à 18 mois des banques centrales américaines comme européennes qui se veulent bienveillantes à l’égard des marchés. Sans oublier toutefois qu’il s’agit beaucoup de communication. Nous sommes dans une époque où l’émotionnel prend (trop) souvent le dessus sur le rationnel. Dans cet environnement, mieux vaut s’abstenir. Vu ce qui précède, nous ne renouvellerons pas systématiquement les échéances de l’été. Nous privilégions le cash. Sans pour autant anticiper un krach ces prochains mois», prédit enfin François Meylan.

Pour sa part, Cédric Ozazman de la banque Reyl estime que l’économie mondiale reste bien orientée en 2018-2019. «Malgré le matraquage médiatique constant focalisant sur une inflexion à la baisse des indicateurs économiques, la croissance mondiale reste pour le moment bien orientée et est attendue en 2018 à 3,9% par le FMI, une progression annuelle modeste de 0,1%. En outre, la poursuite du cycle de resserrement monétaire aux Etats-Unis et la fin de l’assouplissement quantitatif en zone euro devraient avoir des conséquences multiples, parfois imprévisibles, sur toutes les classes d’actifs.»

Retour à la réalité des chiffres

L’analyste rappelle que 2017 avait été marquée par des révisions haussières de la croissance mondiale, mais force est de constater que 2018 n’est pas du même acabit. «L’optimisme béat du début d’année a laissé place à un retour à la réalité des chiffres, brutal dans certaines régions comme en Eurozone, au Japon et dans les pays émergents. Ainsi, les indicateurs cycliques en zone euro ont décéléré depuis le pic atteint au quatrième trimestre 2017 et ont surpris négativement les attentes des économistes depuis le début de l’année.»

Cédric Ozazman avance alors ses prévisions boursières: «Nous ne pensons ainsi pas que le scénario d’une inflation globale galopante et incontrôlée soit plausible, étant donné que les facteurs structurellement déflationnistes tels que l’avènement des nouvelles technologies, la baisse de la productivité mondiale ou encore le vieillissement de la population restent bien ancrés dans l’économie actuelle. Une approche prudente et opportuniste est de mise à court terme sur les actions. Les analystes attendent une croissance des bénéfices des compagnies américaines pour l’année en cours de 22%, un taux largement supérieur à celui attendu en Eurozone (10%) et dans les pays émergents (10%). Le revers de la médaille est que le risque de déception de ces attentes élevées n’est pas négligeable et ce chiffre pourrait être revu à la baisse. Quant aux pays émergents, les attentes de croissance des bénéfices ont été revues à la baisse récemment et convergent désormais avec celles des pays développés en dépit d’une croissance économique.»

Nous sommes entrés dans un environnement de faibles rentabilités.

Christophe Donay, Recherche macroéconomique, Pictet

Christophe Donay, responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique à la banque Pictet, nous offre une réflexion à plus long terme en ce qui concerne les actions. Un horizon de dix ans a été adopté par la banque car les profils d’investissement de ses clients sont généralement axés sur le long terme, mais aussi parce que ce laps de temps couvre des cycles économiques et de marché traditionnels complets. Sa principale conclusion est la suivante: «Nous sommes entrés dans un environnement de faibles rentabilités, appelant une modification de notre approche en matière d’allocation d’actifs. Tirées par la croissance des bénéfices, les actions continueront d’afficher des rentabilités robustes, mais inférieures aux niveaux enregistrés au cours des dernières décennies. Les actions des marchés développés se traitent actuellement à des multiples à peine inférieurs à leurs pics historiques, mais les valorisations et les perspectives économiques offrent peu de soutien, à ce stade, dans une optique de rentabilité à long terme.»

Le private equity sort du lot

Les experts de Pictet donnent néanmoins leur coup de cœur: «Les classes d’actifs alternatives, et en particulier les hedge funds et le private equity, présentent des caractéristiques exceptionnelles au sein de notre analyse des rentabilités attendues. Avec une rentabilité attendue de 10,2% pour une volatilité de 17%, le private equity sort clairement du lot.»

Enfin, Marc Brütsch, chef économiste chez Swiss Life Asset Managers, insiste lui sur l’importance de l’équilibre politique à venir. «Le principal risque pour nos projections est d’ordre politique. Notre scénario de base suppose que le pic d’incertitude soit passé, tant pour les relations sino-américaines que pour la politique européenne. Les litiges commerciaux et la politique italienne resteront certes problématiques et devraient resurgir périodiquement au cours des prochains trimestres, mais nous doutons que les mauvaises surprises persistent pour les marchés financiers au rythme de ces derniers mois et semaines. C’est pourquoi notre scénario de base estime que le maximum de l’incertitude politique est à présent derrière nous.» Voilà qui est donc rassurant!