B Corp. Cette abréviation anglo-saxonne, qui pourrait faire penser à une féroce multinationale américaine, cache bien son jeu. Car B Corp est une certification internationale (aussi connue sous les appellations B Lab ou B Corporation) octroyée aux sociétés du monde entier répondant à des exigences environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG) ainsi que de transparence envers le public (lire l’encadré). Elle mesure notamment la façon dont les entreprises gèrent leurs employés, leur empreinte écologique, la fabrication de leurs produits, leurs fournisseurs et leurs interactions avec les communautés. Un label exigeant – environ 60% des entreprises ne l’obtiennent pas du premier coup –, qui compte déjà plus de 3000 sociétés titulaires de ce sésame ESG dans le monde.

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En Suisse, la certification prend peu à peu de l’envergure avec plus d’une vingtaine de sociétés, qui seront rejointes par de nombreuses autres en cours de processus de labellisation. Fait intéressant: le certificat B Corp se base sur une attitude volontariste et les frais qui en découlent varient en fonction du chiffre d’affaires de la société, soit entre 500 francs et 50 000 francs. Avec cette large fourchette, les entreprises de toutes tailles sont concernées et peuvent potentiellement se porter candidates.

Une gestation de neuf mois chez Lombard Odier

En Suisse romande, quatre d’entre elles, très différentes de par leur importance et leur activité, ont fait le grand pas et nous ont expliqué leurs motivations ainsi que les efforts consentis. Le premier établissement interrogé donne une idée précise du volontarisme nécessaire à l’exercice. Au sein du groupe bancaire Lombard Odier, c’est Bertrand Gacon qui a mené le processus de certification, obtenue en 2019.

Aujourd’hui, l’homme se consacre à son entreprise Impaakt, une plateforme collaborative qui analyse et mesure tous les impacts environnementaux et sociaux des entreprises cotées. «La certification B Corp est une nouvelle preuve que la durabilité est au cœur de la philosophie d’investissement de Lombard Odier. La banque a été le premier établissement bancaire international à être certifié et elle espère que de nombreuses entreprises de services financiers vont rejoindre la communauté B Corp.»

En ce qui concerne le processus lui-même, Bertrand Gacon se souvient de demandes exigeantes mais légitimes. «Il faut répondre à 200 questions qui demandent surtout des efforts de recensements internes. Ce travail a pris neuf mois en tout, les vérifications de B Corp comprises. A l’interne, cela a été une bonne surprise, beaucoup d’employés ont proposé leur participation spontanément. Et des clients et des collaborateurs ont explicitement cité la certification comme une des raisons de rejoindre la banque.»

La société romande Loyco et son leader, Christophe Barman, ont aussi été précurseurs en Suisse romande. Celui-ci livre un témoignage sans fard: «La première certification a eu lieu en 2015, puis nous avons passé par un processus de «recertification» en 2017. Les intervalles étant passés à trois ans, nous travaillons actuellement à celle de 2020.» Un exercice relativement rapide si l’on en croit notre interlocuteur. «Le processus de certification a duré environ trois mois entre nos premières réponses au questionnaire et l’audit mené par la fondation. Nous avons travaillé directement avec la Fondation B Lab Suisse et son fondateur, Jonathan Normand (B Lab est une association à but non lucratif qui aide les entreprises dans leurs démarches B Corp, ndlr). A part ses conseils, nous n’avons pas fait appel à une aide extérieure.»

Cotisation en fonction du chiffre d’affaires

Reste que certaines étapes semblent relativement difficiles, le questionnaire étant dense et pas facile à appréhender de prime abord, relève Christophe Barman. Concrètement, Loyco dispose d’une équipe dédiée au développement durable formée d’un membre par équipe opérationnelle (soit environ 10 personnes). En ce qui concerne le budget, seules les entreprises certifiées paient un membership annuel basé sur leur chiffre d’affaires. Pour Loyco, qui enregistre 14,5 millions de chiffre d’affaires, le coût est de 6000 dollars cette année.

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Bertrand Girod
© S.Liphardt/PME Magazine

Nous n’en sommes qu’au début mais nous croyons au potentiel bénéfique de cette communauté.

A Genève, le groupe de recyclage Serbeco a, pour sa part, lancé le processus en mars 2018. «Nous avons débuté avec une certification orientée sur l’entreprise Serbeco. Après plusieurs mois et suite à la constitution du Groupe Serbeco fin 2018, nous avons décidé d’appliquer cette certification à l’ensemble des trois entités le composant, à savoir les entreprises Serbeco, ProP et Energie Durable. Cela a évidemment retardé le processus qui s’est terminé aux alentours d’avril 2019, détaille Bertrand Girod. Le plus difficile fut de fournir les justificatifs à certaines réponses. Dans une PME, tout n’est pas toujours parfaitement documenté. Il faut réussir à retrouver les informations à gauche et à droite, ce qui n’est pas toujours chose aisée.» Selon le directeur général, cette certification permet également à Serbeco d’intégrer une communauté d’entreprises certifiées qui sont attachées aux mêmes valeurs et avec lesquelles il est possible d’échanger. «Nous n’en sommes qu’au début mais nous croyons fermement au potentiel bénéfique de cette communauté, que ce soit à notre niveau, ou de manière plus large au niveau de la région, voire du pays», ajoute Bertrand Girod.

Enfin, preuve en est qu’une petite PME peut aussi bénéficier de cette certification. La brasserie 7Peaks de Morgins a été lancée comme une aventure en 2014 par Robby et Corinne Collins. Elle est désormais une entreprise certifiée B Corporation depuis octobre 2019. «C’est la première et seule brasserie certifiée en Europe continentale, signalent avec fierté les fondateurs. Nous apprécions le slogan de B Corp: ’Ne pas être la meilleure entreprise du monde, mais être la meilleure entreprise pour le monde.’ Pour devenir une entreprise certifiée, 7Peaks Brasserie a suivi une évaluation rigoureuse pour déterminer si nous remplissions les critères de performance nécessaires pour être retenus. Comment nous traitons nos employés, avec quels types de clients nous travaillons, quel impact nous avons sur l’environnement, quels fournisseurs nous sélectionnons et comment nous aidons notre communauté faisaient partie des rouages de la brasserie qui étaient évalués.»

Parmi les raisons qui leur ont permis d’obtenir ce label, le fait que Robby et Corinne Collins brassent leurs bières de façon artisanale et prennent soin de sélectionner des ingrédients de qualité issus de productions responsables. «Nous encourageons notre communauté à consommer le plus localement possible car c’est un cercle vertueux; cela améliore grandement l’économie locale, crée du lien social tout en limitant l’impact sur l’environnement en minimisant les transports.»


B Corp, c’est quoi?

Le label B Corp (pour Benefit Corporation) est né aux Etats-Unis, à Philadelphie, en 2006 sous l’impulsion de trois amis entrepreneurs, Bart Houlahan, Jay Coen Gilbert et Andrew Kassoy, dont l’idée était de certifier des entreprises sur des objectifs autres que financiers. Pour espérer pouvoir le décrocher, il faut répondre à 200 questions liées à cinq domaines: la gouvernance, les collaborateurs, les communautés, l’environnement et les clients. Si votre entreprise est prête, la prochaine étape consiste à modifier ses statuts constitutifs pour consacrer votre engagement à œuvrer dans l’intérêt public général.

Les labels sont nombreux dans le monde, à l’image de SO 26000, SD 21000, GRI de l’AFNOR, EcoVadis, Lucie, pour ne citer qu’eux. Mais le label B Corp est le seul à intégrer depuis sa création des notions très en vogue dans les entreprises aujourd’hui comme l’impact positif, l’entreprise à mission ou la raison d’être. En outre, l’évaluation est publique. Il est ainsi possible de comparer ses résultats avec ceux d’autres entreprises, partout dans le monde, et de faire partie d’une véritable communauté mondiale.