C’est un des exemples types des effets pervers qu’une loi peut engendrer. La fameuse Lex Weber de 2012 sur les résidences secondaires a passablement perturbé le marché romand de ce secteur, avant tout dans les cantons de Vaud et du Valais et dans les stations de montagne. Dans ce domaine, les autres régions ont en effet une offre considérée comme marginale.

Imposant aux communes une limitation de la construction des résidences secondaires à 20% des objets immobiliers, la loi fédérale est finalement entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Or, de 2012 à 2016, les constructions ont littéralement explosé, les promoteurs profitant de ce précieux moratoire. Dans les Alpes vaudoises, le phénomène a pris des proportions démesurées.

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Ensuite, les contingentements ont déployé leurs effets sur les régions concernées et les prix ont, depuis, stagné dans les communes. Mais le déséquilibre est passé par là et le marché, atone, en subit encore les conséquences. Selon les experts interrogés, l’offre et la demande pourraient pourtant se stabiliser à moyen terme, mais les incertitudes restent de mise lorsqu’il s’agit d’anticiper les prochaines tendances. Alors, quel est le réel avenir du marché des résidences secondaires romandes, quelles sont les spécificités des cantons et qui achète encore des biens?

Le sujet est d’actualité et les questionnements légitimes car, il y a plusieurs semaines, la Banque cantonale vaudoise (BCV) a quelque peu jeté un pavé dans la mare par le biais d’une publication immobilière sur les résidences secondaires. En se demandant si un rééquilibrage du marché est en vue, les auteurs reviennent d’abord sur les effets de la Lex Weber.

Flambée dans les PPE

On l’a vu, les demandes de permis de construire ont véritablement bondi dans le périmètre des Alpes vaudoises l’année de la votation. En termes de montants des travaux prévus, ceux-ci ont augmenté d’environ 170 millions de francs les années précédentes à 428 millions de francs en 2012 pour les nouvelles constructions. Le phénomène a pris l’ascenseur puisque, en 2014 et 2015, une hausse moyenne de 135% du nombre de nouvelles résidences secondaires mises sur le marché a été constatée par rapport aux années précédentes (soit 320 contre 240). Cette flambée des nouveaux objets immobiliers a notamment été très forte dans les appartements en propriété par étages (PPE).

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David Michaud, BCV.
© DR

Une envie moins forte de voyager pourrait stimuler la demande à l’avenir.

Le constat est identique dans les transformations et rénovations (de 28 millions à 44 millions). Les constructions ont ensuite chuté logiquement jusqu’à zéro les années suivantes. A supposer que la demande soit constante, huit années sont nécessaires pour absorber cette forte production, soit jusqu’à fin 2021, prédit la publication.

Les analystes de la banque se demandent notamment quels seront les effets de la pandémie sur le secteur. L’optimisme est relatif et les raisons sont connues. «Suite à l’entrée en vigueur de la loi, à quelques rares exceptions, la construction de nouvelles résidences secondaires est proscrite dans les communes qui affichent un taux supérieur à 20%. Ce constat est de nature à limiter l’offre. En ce qui concerne la demande, l’anticiper reste très compliqué. Toutefois, le développement du télétravail, une envie moins forte de voyager notamment pour diminuer son empreinte carbone, ainsi qu’une offre de loisirs diversifiée des stations de montagne pourraient stimuler cette demande à l’avenir», estime l’un des auteurs de l’étude, David Michaud. En 2020, dans le canton vaudois, on apprend ainsi que 28 communes (sur 309) sont concernées par l’interdiction de construire de nouvelles résidences, dont neuf dans les Alpes vaudoises. Mais ce sont les plus prisées pour les résidences secondaires, à l’image de Leysin, d’Ollon ou encore de Saint-Cergue.

Légère baisse en Valais

Qu’en est-il du Valais? Il faut savoir que près de la moitié des résidences secondaires romandes sont implantées dans ce canton (42%), avec un tourisme davantage orienté sur la période hivernale. «Bien que notre étude ne porte pas sur ce canton, on peut estimer que la dynamique des constructions a été conforme au périmètre Alpes vaudoises», ajoute David Michaud. Paul-André Roux, président de la Chambre immobilière valaisanne (CIV), dresse un portrait de la situation actuelle. Alors que toutes les communes valaisannes sont sous la coupe de la Lex Weber, le marché des résidences secondaires est différent des autres marchés immobiliers, selon lui. «L’offre est clairement plus forte que la demande. Et beaucoup de gens ont mis en vente leurs biens ces dernières années, notamment les étrangers.»

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Alexandre Baechler, Cardys-Sotheby's
© DR

Je constate un certain regain d’intérêt pour des endroits comme Villars-sur-Ollon ou Champex.

La crise en Europe et le franc fort semblent donner des explications à ces mouvements. «Les charges immobilières et les impôts représentent des sommes importantes lors du change en euros. Les Européens se séparent en priorité de leurs résidences secondaires lorsqu’ils doivent revoir leur patrimoine. En outre, les nouvelles générations ne veulent pas forcément faire comme leurs parents, elles sont moins sédentaires, elles préfèrent voyager», argumente Paul-André Roux. Mais les prix ne devraient pas s’effondrer pour autant, de l’avis du spécialiste de la CIV. Une légère baisse est prévisible et le marché recèle de bonnes occasions pour des acheteurs potentiels. «On ne peut plus construire, mais les ventes vont reprendre du poil de la bête ces prochaines années. Les propriétaires le savent, ils ne vont pas brader. En ce moment, des transactions ont lieu à des prix entre 500 000 francs et 1 million de francs.»

Phénomène post-covid-19

Dans ce contexte incertain, il était intéressant de connaître le point de vue d’un courtier en immobilier, quotidiennement sur le terrain et très au fait des dernières tendances. Alexandre Baechler est le directeur de la région Neuchâtel, Fribourg, Valais et Riviera de l’agence immobilière Cardis-Sotheby’s. Il considère pour sa part le marché des résidences secondaires comme intéressant car très varié d’une station à l’autre. «Des villages comme Verbier ou Zermatt sont encore très prisés par certains étrangers qui apprécient le luxe, le marché y fonctionne bien. Je constate aussi un certain regain d’intérêt pour des endroits comme Villars-sur-Ollon ou Champex, par exemple, qui attirent des personnes suisses des régions de Zurich et de Bâle. C’est un phénomène post-Covid-19.»

Pour ces derniers objets, le courtier immobilier remarque qu’il existe une sorte de barrière psychologique du prix, les ventes dépassant très rarement 1,5 ou 2 millions de francs. «Pour choisir une résidence secondaire en Suisse romande, je recommande avant tout de faire attention à l’emplacement de la commune, ainsi qu’à son dynamisme. Certains lieux ont perdu beaucoup de leur attrait suite à des désinvestissements ou des faillites d’infrastructures essentielles comme des hôtels, des bains ou des télécabines. Je pense par exemple à Charmey ou à Château-d’Oex», conclut Alexandre Baechler.


Deux périmètres distincts pour les résidences

L’étude de la BCV explique aussi que le regroupement des communes vaudoises dans lesquelles le seuil de 20% est franchi se démarque en deux périmètres, Alpes vaudoises et Lacs et Jura. Cela reflète évidemment des réalités touristiques différentes, davantage orientées sur le tourisme hivernal pour le premier périmètre que pour le second. «D’ailleurs, sur le plan suisse, la grande majorité des communes concernées par l’initiative Weber se situent dans les Alpes, les principales (par le nombre de résidences secondaires) portant des noms comme Crans-Montana, Davos, Bagnes, Nendaz ou Anniviers», ajoutent les auteurs.

L’autre différence entre les deux groupes réside dans la part moyenne de résidences secondaires; soit 56,5% dans les Alpes vaudoises et 22,8% dans le groupe Lacs et Jura. Le premier périmètre est donc logiquement plus affecté par la modification législative, ce qui équivaut en pratique à diviser par deux la construction de logements dans les Alpes.