Les grands de ce monde ont parfois de belles convictions qu’ils aiment partager. C’est le cas du prince de Galles, dont la démarche de longue date en faveur d’une économie durable a directement influencé la banque genevoise Lombard Odier, elle-même très investie dans ce domaine. Passant des bonnes paroles aux actes, l’établissement privé vient d’annoncer le lancement de sa stratégie Natural Capital.
Développée en partenariat avec le mouvement Circular Bioeconomy Alliance (dont la banque est membre fondateur), l’initiative vise une transition vers une économie plus saine en proposant aux investisseurs des solutions d’investissement durables, une bioéconomie circulaire et un modèle industriel plus efficient. Et le point d’orgue de ce mouvement ne manquera pas de susciter l’attention des investisseurs potentiels puisqu’il consiste en des placements dans des entreprises cotées qui mettent en avant le pouvoir régénérateur de la nature, c’est-à-dire le capital naturel.
Accent sur les PME cotées
Mais quels en sont les tenants et les aboutissants? «La nature est l’actif le plus productif de notre économie. Nous en tirons parti, directement et indirectement, dans de nombreux secteurs, dont ceux de la santé, de l’agriculture, de l’industrie, du tourisme et de l’immobilier», rappelle en premier lieu Christopher Kaminker, responsable de la recherche et stratégie en investissement durable de Lombard Odier Investment Managers (LOIM). «Avec 8 milliards d’habitants sur la planète, notre modèle économique linéaire du «prendre-utiliser-jeter» risque de complètement épuiser cet actif productif, qui finira par ne plus pouvoir se régénérer. Cela menace notre activité économique mondiale», ajoute-t-il.
Une partie du monde de la finance veut désormais en finir avec ce modèle périlleux pour tendre à une économie circulaire. Cela consiste, par exemple, à utiliser plus de biomatériaux ou des matériaux naturels. Cela passe également par la transformation des déchets en ressources, par les bioénergies et par diverses pratiques régénératrices en matière d’agriculture, de sylviculture et de pêche. A noter que Natural Capital est complémentaire à la stratégie déjà appliquée par la banque sur la transition climatique. Celle-ci considère que le passage à la bioéconomie circulaire et à l’économie zéro émission nette se renforce mutuellement.
Mais comment transformer ces bonnes volontés en retours sur investissement intéressants? Dans les faits purement financiers, Lombard Odier a donc créé un fonds d’actions mondiales unique basé sur la stratégie Natural Capital. Le portefeuille comprend entre 40 et 50 valeurs, avec un accent marqué sur le foyer d’innovation que représentent les PME cotées en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. La stratégie vise à identifier des entreprises qui sont déjà rentables et bien positionnées pour profiter des quatre opportunités de croissance inéluctables que sont la bioéconomie circulaire, une meilleure valorisation des ressources, la consommation responsable et le zéro déchet. Parmi les exemples cités par la banque: Advanced Drainage Systems, Hexagon, Groupe SEB ou encore Cascades.
Le retour du Lupin
Fait peu habituel dans le monde des fonds spécialisés, l’investisseur lambda est aussi le bienvenu, le ticket d’entrée pour participer au fonds étant en effet de 2000 euros. De plus, Lombard Odier s’engage à fournir aux investisseurs un rapport afin de démontrer l’impact écologique positif de l’investissement dans ces entreprises sur la société et la planète et de rendre compte des progrès réalisés en matière d’engagement actionnarial au sein du portefeuille.
Reste à savoir si les rendements sont au rendez-vous. «Aujourd’hui, certaines des opportunités de rendement les plus attrayantes sont liées à l’adoption d’un modèle économique plus durable, qui met la transition climatique et la nature au cœur de toutes les activités. Nous pensons que les entreprises du fonds vont dégager une forte croissance et seront les gagnantes de demain», considère Hubert Keller, associé-gérant du groupe Lombard Odier. Le fonds vise des rendements excédentaires par rapport à l’indice de base de 2,5 à 3% par an.
L’économie circulaire semble avoir le vent en poupe en Suisse. Autre exemple: le précurseur European Circular Bioeconomy Fund (ECBF). Vivek Dogra, un Venture Partner chez ECBF, est basé en Suisse et vise à travailler en étroite collaboration avec les investisseurs suisses. Ce fonds, explique-t-il, bénéficie notamment du soutien de la Banque européenne d’investissement avec un apport de 175 millions d’euros. L’ECBF vise maintenant un capital total de 250 millions d’euros pour accompagner des sociétés.
Les deux premiers investissements sont d’ailleurs connus, il s’agit du néerlandais PeelPioneers et de l’allemand Prolupin. PeelPioneers est le premier collecteur durable de pelures d’orange. La société transforme les écorces en ingrédients pour l’industrie alimentaire, au lieu de les incinérer. L’entreprise a ouvert la première usine de pelures d’orange au monde en 2018 à Son, aux Pays-Bas. Elle prévoit de s’étendre en Europe avec cinq nouvelles usines dans les années à venir. Quant à Prolupin, elle remet au goût du jour le lupin, une plante riche en protéines utilisée pendant des siècles pour nourrir les gens et le bétail et, en tant que culture, pour enrichir les sols. La société extrait des ingrédients à partir de graines de lupin qui sont destinés à la boulangerie et à la gastronomie, pour les saucisses ou les pâtes.