Les banques dominent sans conteste le marché hypothécaire: 95% des hypothèques sont négociées par le biais d’une banque. Un bon tiers de l’activité passe traditionnellement par les banques cantonales, un quart par les grandes banques UBS et Credit Suisse et 17% par les banques Raiffeisen (il y a dix ans, ce n’était que 14%).

Les assurances et les caisses de pension sont discrètement tapies dans l’ombre, quand bien même elles auraient de bonnes raisons de vanter un peu plus agressivement leur offre hypothécaire. Car leurs conditions sont souvent nettement plus avantageuses que celles des banques. C’est notamment le cas pour la demi-douzaine de caisses qui proposent des hypothèques tant à leurs assurés qu’à tout un chacun. Elles ne craignent pas non plus la comparaison avec les prestataires en ligne. Ces derniers sont souvent des filiales de banques qui, de cette manière, s’offrent un canal de distribution supplémentaire et veulent créer un accès pour une clientèle plus jeune et plus à l’aise sur internet.

Contenu Sponsorisé
 
 
 
 
 
 

La Poste bien classée

Mais à la différence de la plupart des banques en ligne, les caisses de pension proposent les meilleurs prix, non seulement pour les hypothèques de brève durée mais aussi quelle que soit cette durée. C’est ainsi que la caisse de pension de La Poste, par exemple, figure clairement parmi les cinq prestataires les moins chers pour des durées fixes de 2 à 15 ans – elle est même parfois au 2e ou 3e rang du classement. A titre de comparaison, Hypoclick.ch, la filiale en ligne de la banque BSU, occupe certes les tout premiers rangs pour les hypothèques à 3 ans mais, pour celles à 5 et 7 ans, elle traîne quelque part entre le 20e et le 30e rang. Ce n’est que pour les hypothèques à 10ans qu’elle retrouve le peloton de tête. On constate le même phénomène chez Swissquote, qui n’est vraiment bon marché que sur les brèves durées.

L’APK, caisse de pension des employés de l’Etat d’Argovie, et la BVK, caisse de pension des employés de l’Etat de Zurich, sont presque aussi avantageuses que celle de La Poste. Leurs hypothèques se trouvent presque toujours parmi les dix offres les plus attrayantes. En matière d’hypothèques de longue durée, l’APK figure même souvent en tête. Pour les propriétaires de maisons individuelles qui cherchent une solution bon marché sur le marché hypothécaire, il vaut la peine de jeter un coup d’œil sur la caisse de pension lucernoise, la caisse de prévoyance du personnel de la ville de Berne et la caisse de pension des CFF. Leurs conditions fluctuent souvent fortement mais soutiennent parfaitement la comparaison à certains moments et pour certaines durées.

Cela dit, parmi les caisses de pension, tous les bailleurs d’hypothèques à taux avantageux ne sont pas ouverts à tout un chacun. Par exemple, la BLVK, fondation de prévoyance des enseignants bernois, figure certes régulièrement parmi les prestataires les moins chers, mais elle ne distribue des hypothèques qu’à ses membres et à leurs proches. Mêmes restrictions chez Publica (employés de la Confédération) et chez PBK (caisse de pension bernoise).

Taux négatifs en guise de stimulus

La raison pour laquelle les caisses de pension peuvent souvent distribuer des hypothèques meilleur marché que les banques est évidente: elles investissent le capital de leurs assurés, tandis que les banques financent avant tout les hypothèques par du capital emprunté disponible à court terme, en particulier par des avoirs d’épargne.

De grands assureurs comme Allianz, Axa, Swiss Life, Vaudoise et Zurich exploitent également cet atout. La durée de leurs engagements, en moyenne 15 ans, leur permet de rivaliser notamment en matière d’hypothèques de durée moyenne à longue. C’est ainsi que la Zurich fait souvent partie des prestataires d’hypothèques les plus avantageux à partir d’une duration de 7 ans.

Pour les investisseurs institutionnels, la mise en œuvre des taux négatifs constitue une incitation ultérieure à distribuer des hypothèques. Bon nombre d’institutions de prévoyance sont fortement touchées. Selon une étude 2017 de Swisscanto sur les caisses de pension, 58% d’entre elles paient des taux négatifs ou des frais sur leurs avoirs. Il existe donc un intérêt à déplacer une partie de leurs positions à revenu fixe vers les hypothèques. En plus, une réglementation plus stricte a rendu les activités hypothécaires moins attrayantes, notamment pour les grandes banques. Les prescriptions de Bâle III en matière de fonds propres et de liquidités ont rendu plus coûteux le financement par les banques. Les investisseurs institutionnels, en revanche, sont moins touchés par la réglementation plus sévère dans ce domaine.

David contre Goliath

Bien des banques redoutent que les assureurs et les caisses de pension puissent, à l’avenir, leur dérober une plus grande part du gâteau hypothécaire: «Le fossé régulatoire entre banques et investisseurs institutionnels pourrait bien continuer de s’élargir», admet l’économiste d’UBS Elias Hafner.

Martin Scholl, CEO de la Banque cantonale de Zurich, considère la nouvelle concurrence d’un regard critique: «Nous observons notamment que des acteurs tels que les caisses de pension, des fondations de placement et des family offices offrent pour le remplacement d’hypothèques arrivant à échéance des conditions auxquelles nous ne pouvons pas répondre.» Dans de tels cas, la ZKB préfère rester sur la touche et apprend à patienter, disait-il au site spécialisé Finews. Avec raison: le David que sont les assureurs ne deviendra pas avant longtemps une vraie menace pour le Goliath qu’incarnent les banques hypothécaires.

Lire aussi: