Daniel Aegerter, 51 ans
Président Armada Investment, Zurich
Daniel Aegerter a une certaine propension aux expérimentations. Coproducteur du documentaire Chasing the Moon, il s’est aventuré sur un terrain tout nouveau. Et ça a marché: le film a été nominé aux Emmy Awards. Les sujets futuristes l’ont toujours fasciné et l’art de les deviner est à la base de sa fortune. A 25 ans déjà, il découvrait le potentiel du B2B sur la Toile. En 1995, il fonda USA Tradex, l’entreprise qui développa le premier marché B2B fonctionnel. En 1999, il vendit cette société à Ariba pour 1,86 milliard de dollars. Au moment de conclure, juste avant que n’éclate la bulle des dotcoms, le montant était même de 5,6 milliards. Jusqu’en 2004, la transaction passait pour la plus grande acquisition dans l’industrie des logiciels.
Depuis vingt ans, Daniel Aegerter gère sa fortune par le biais du family office Armada Investment, qui investit dans des start-up, l’immobilier et les entreprises liquides cotées en bourse. Il se focalise de nouveau sur des entreprises révolutionnaires: le constructeur allemand de taxis aériens autonomes Lilium, la première banque européenne intégralement et exclusivement sur smartphone N26, l’entreprise spatiale d’Elon Musk SpaceX en sont quelques exemples. «Nous soutenons des entreprises qui permettent un monde dans lequel nous avons tous envie de vivre.»
L’investisseur ne sait pas s’abstraire entièrement de l’entrepreneuriat. Petit à petit, il a fait de son family office un outil de gestion de fortune. Il y a trois ans, il a fondé Acoro Asset Management, sorte de spin-off du family office servant à gérer des fonds de tiers par le biais de hedge funds. Désormais doté de 120 millions de francs, ce fonds parie dans le monde entier sur les cours, à la hausse comme à la baisse. Grâce à cette stratégie, Acoro Asset Management s’est trouvée dans le vert même durant le mois boursier compliqué de mars. Daniel Aegerter emprunte maintenant le même chemin pour ses opérations immobilières avec Lakeward, fondé par un de ses anciens fidèles collaborateurs. Il est associé et membre du conseil d’administration. Lakeward met sur le marché un fonds qui investit majoritairement dans des projets immobiliers allemands.
Ariel Lüdi, 61 ans
Fondateur Hammer Team, Cham ZG
L’Argovien Ariel Lüdi est un bénéficiaire de la crise sanitaire en cours. Pas comme importateur de masques, mais parce qu’avec sa start-up financière Hammer Team, il s’est spécialisé dans les entreprises de logiciels B2B avec un accent sur l’e-commerce. «Pour la plupart de nos participations, la numérisation croissante apporte davantage d’activité.» L’homme sait bien apprécier les risques: dans ses jeunes années, il a gagné sa vie aux Etats-Unis comme cascadeur, se jetant d’un avion avec un piano.
Plus tard, il a appris à faire prospérer des entreprises. En 2004, il a pris des participations et le poste de patron dans la petite société de logiciels Hybris. Il a pu éviter trois fois le défaut de paiement, avec peine. Mais cinq ans plus tard, Hybris devenait leader mondial. Le nombre des collaborateurs est passé de 12 à plus de 700. En 2013, il vend la société pour 1,5 milliard de francs à SAP.
L’argent de cette transaction a été investi au fil des ans dans 23 start-up. Dans l’une ou l’autre, il n’avait pas d’autre ambition que de révolutionner le marketing. En plus de la perspective de gagner de l’argent, Ariel Lüdi entend faire progresser l’industrie suisse des logiciels au niveau international à l’aide de son réseau et de son savoir-faire.
Souvent, il soutient des start-up non seulement avec du capital-risque, mais aussi en matière de marketing. «Nous combinons l’ingénierie helvétique avec le marketing à l’américaine.» Des rudiments de marketing en matière de logiciels qu’il a appris chez Oracle et Salesforce et que son Hammer Team investit très directement. «Mes gars travaillent à plein temps dans les entreprises que nous voulons aider.»
Au fil des ans, Hammer Team s’est fait un nom. De sorte qu’Ariel Lüdi ne doit pas trop se fatiguer dans sa quête de participations riches de perspectives. Au QG de Cham, les projets se bousculent. C’est là qu’Ariel Lüdi a acquis, en 2013, le Hammer, un domaine de standing avec jardins à l’anglaise et écuries. Les jeunes entreprises y vont et viennent. Souvent des jeunes pousses, certes très riches de perspectives mais qui sont trop petites pour que de grandes sociétés de capital-risque y investissent 5 à 10 millions. «Pour ces entreprises, nous sommes comme une serre, nous les faisons croître.»
Après sept ans dans les prises de participation, les premières semblent prêtes pour la vendange, notamment les plus anciennes du portefeuille, comme Scandit et Beekeeper. L’exit par le biais d’une vente est plus fréquent que l’IPO. Selon Ariel Lüdi, 90% pensent plutôt à des fusions et acquisitions. Il arrive souvent qu’une entreprise soit vendue peu avant son entrée en bourse. La fin est un recommencement, l’argent gagné est réinvesti. «C’est un cycle sans fin.»
Neil Rimer, 57 ans
Fondateur Index Ventures, Genève, Londres
Au début des années 1980, Neil Rimer était étudiant en médecine à l’Université Stanford. Lorsqu’il aida un de ses amis à résumer des business plans pour une société de capital-risque, il comprit qu’il voulait travailler avec des fondateurs d’entreprises. En 1996, avec son frère Danny et Giuseppe Zocco, il fonda Index Ventures à Genève. L’idée était d’injecter du capital-risque en Europe dans le style de la Silicon Valley. Aujourd’hui, Index Ventures est devenue une des plus grandes et une des plus actives entreprises du secteur.
De Genève, ils ont rapidement essaimé à Londres, puis outre-Atlantique à San Francisco. Avec plus de 7 milliards de dollars, ils ont participé à 760 tours de financement, dont 48% en phase précoce des entreprises. Des anonymes sont devenus de grands noms: parmi eux, Facebook, Slack, Deliveroo, TransferWise et Revolut. Actuellement, Index Ventures est investi dans plus de 210 entreprises. En 2020 s’y est notamment ajoutée la start-up suisse Taxfix. La vogue des actions technologiques facilite la sortie d’un investissement: le site de la branche Crunchbase a comptabilisé pour Index Ventures 177 exits.
Pendant cette pandémie, les start-up aux belles perspectives restent très demandées par Neil Rimer. En avril, au beau milieu de la première vague, Index Ventures a déployé deux nouveaux fonds de capital-risque, le 15e et le 16e de l’histoire de la société. A fin juin, les deux véhicules étaient tapissés de 2 milliards de dollars: 800 millions sont investis par le biais du fonds «early-stage» Index Ventures X et 1,2 milliard dans le fonds Index Ventures Growth V, qui se concentre sur des entreprises plus mûres. Des montants que l’on voit rarement parmi les acteurs européens. Les investissements vont aux industries les plus diverses. «La cible, ce sont les start-up qui transforment fondamentalement la manière de vivre et de travailler», professe Index Ventures.
Neil Rimer ne se laisse pas impressionner par la crise. Beaucoup de success stories sont nées en des temps agités. Le portefeuille a donné naissance au prestataire cloud Dropbox, à l’entreprise de hi-fi sans fil Sonos et au prestataire de paiements Adyen. La crise du Covid-19 tracasse pas mal de start-up. Elles ne sont pas toutes des gagnantes de la numérisation. Celles qui, après cette crise globale, créent une nouvelle entreprise «affronteront peut-être de plus grands défis encore que leurs prédécesseures», pense-t-on chez Index Ventures.
Cornelius Boersch, 52 ans
Fondateur et président Mountain Partners, Saint-Gall
On ne gagne pas d’argent avec le capital-risque classique!» Entendre cela de la bouche d’un investisseur dans la tech est plutôt étonnant. Mais Cornelius «Conny» Boersch n’est pas un novice: il a fait des études dans ce domaine et enseigné comme professeur honoraire. «Quand on n’est pas dans la Silicon Valley, on immobilise trop de capital sur une durée trop longue avec un risque trop élevé», assure-t-il. Pour sa part, il a jeté les bases de sa fortune avec les deux licornes ACG et Smartrac, qu’il a développées depuis le milieu des années 1990 et placées en bourse à Francfort. Depuis lors, il s’active comme business angel et a investi au total dans 380 start-up. Son groupe d’investissement Mountain Partners et sa société Conny & Co., réservée à un cercle plus restreint, gèrent quelque 450 millions d’actifs.
Contrairement à ce qu’il proclame, ce natif de Hanovre installé à Zurich a du succès en tant qu’investisseur dans les start-up, car il ne se borne pas à mettre de l’argent dans des entreprises mais leur apporte aussi son savoir-faire et des contacts. «Si bien que j’obtiens de meilleures conditions», commente-t-il. Ce faisant, il agit à la fois comme investisseur et comme entrepreneur. Et les conflits d’intérêts qui en résultent font toujours l’objet de discussions.
Cornelius Boersch est actif dans 14 pays. En Suisse, il a notamment investi dans WeFox et GuestReady. En ce moment, c’est au Mexique qu’il réussit le mieux, avec plus de de 30 investissements, dont le fonds le plus prospère de l’histoire au Mexique. Avec trois mises en bourse, 2020 aura été sa meilleure année. Il ne regrette que deux deals manqués: il y a des années, il avait renoncé à investir dans Uber et Tencent.
Lars Förberg, 54 ans
Cofondateur et Managing Partner Cevian Capital, Zurich, Stockholm
Les investisseurs activistes comme Lars Förberg n’ont pas bonne réputation. En exerçant une pression constante sur leurs participations, il leur arrive de faire mal. Selon eux, les activités à faible rendement doivent être détachées et vendues, les dirigeants peu créatifs changés contre des hommes forts, visionnaires.
En Europe, Cevian Capital est au nombre des grands acteurs. L’entreprise, fondée en 2002 à Stockholm par Lars Förberg et Christer Gardell, gère une fortune de quelque 13 milliards de francs dans un portefeuille concentré. Caisses de pension, fondations, fonds souverains et autres font partie des investisseurs. En Suisse, le Suédois, qui vit avec sa famille sur les bords du lac de Zurich, tend aussi à faire le ménage.
Chez ABB, il a incité le conseil d’administration non seulement à changer le chef, mais aussi à vendre à Hitachi la division de transport de courant Power Systems, dont les marges étaient faibles. Sous la pression de Lars Förberg, Panalpina a fusionné avec le groupe de logistique DSV. En Allemagne, une restructuration en cours depuis 2013 au sein de ThyssenKrupp s’accélère: au début de l’année, la vente du département ascenseurs, exigée par Cevian, a abouti.
Gregor Greber, 53 ans
Cofondateur et CEO Veraison Capital, Zurich
On voit apparaître très régulièrement l’investisseur activiste Gregor Greber sur la place financière helvétique. Via son fonds d’investissement Veraison, doté de 240 millions de francs, le Zurichois s’octroie beaucoup de participations dans des entreprises et pose ses conditions. Ces dernières comprennent en général l’abandon des domaines d’activité peu prospères qui ne font pas partie du cœur de compétences.
Il essaie aussi souvent, comme chez Ascom, de renouveler la direction. Sa stratégie fonctionne parfois bien, parfois moins bien. Si son engagement est trop maigre par rapport à la capitalisation de marché de la participation, comme récemment chez Swatch Group, l’échec est programmé. Mais chez le producteur de produits de boulangerie Aryzta, sa stratégie semble marcher. Avec Cobas, actionnaire d’Aryzta, il a réassorti le conseil d’administration de l’entreprise chancelante avec un président et deux membres de son choix, obtenant ainsi la rupture des négociations de vente entre Aryzta et Elliott Advisors.
Pour Gregor Greber, la voie est désormais dégagée pour mettre en œuvre à sa guise ses plans de restructuration du groupe. Veraison possède également des participations chez Calida, Zehnder et Comax.
Klaus Hommels, 53 ans
Fondateur Lakestar, Zurich
Rares sont les Suisses dotés d’un si bon nez pour les futures licornes que Klaus Hommels. L’Allemand d’origine, qui vit en Suisse depuis trente-deux ans et en possède le passeport, est associé à de grandes opérations. Avec des investissements dans des entreprises comme Facebook, Airbnb et Skype, il a créé le socle de sa fortune. Et sa réputation. Il investit surtout dans des start-up suisses et européennes, notamment dans Teralytics, Auterion et GetYourGuide. Pour soutenir l’écosystème helvétique, il a mis sur pied l’an dernier, avec 700 millions de francs, un des plus grands fonds de capital-risque européens.
L’écart avec les Etats-Unis et la Chine demeure certes immense, mais Klaus Hommels juge que l’évolution est sur la bonne voie: «L’an passé, il y a eu autant de licornes en Europe que le total de 2008 à 2013.» Klaus Hommels, qui a aidé le gouvernement allemand, durant la crise, à élaborer un paquet de sauvetage pour les start-up, estime que la crise sanitaire ne nuit pas aux start-up prometteuses. «Celles qui sont bonnes et occupent une position forte empochent de l’argent dans cette phase.»
Carolina Müller-Möhl, 52 ans
Fondatrice et présidente du Müller-Möhl Group et de la Müller-Möhl Foundation, Zurich
Comme présidente du Müller-Möhl Group, elle a le privilège de mettre l’accent sur les domaines qui l’intéressent particulièrement pour les investissements de son family office. L’idée de se concentrer sur la gestion numérique de la santé lui est venue il y a cinq ans en Californie. Avec la «Digital Health», elle tombait à point nommé en pleine crise sanitaire. Parmi les investissements, American Well, spécialisé en télémédecine, sort du lot. Le family office de Carolina Müller-Möhl y avait acheté des parts longtemps avant que l’entreprise n’entre en bourse en octobre.
Dès que la Zurichoise a une idée d’investissement, elle l’approfondit avec son équipe de cinq personnes. Les investissements passent par des placements directs, des actions, des fonds actifs ou passifs, des véhicules de private equity ou des banques privées. Pour cette manageuse, la durabilité était une évidence bien avant qu’elle ne soit en vogue dans l’allocation d’actifs. Il y a quelques années, elle a constitué son propre portefeuille d’impact investing. «Outre le rendement financier, il s’agit de ne pas négliger le rendement social», insiste-t-elle.
Markus Schröcksnadel, 55 ans
Propriétaire remontées mécaniques de Saas-Fee et Savognin, Innsbruck, Saas-Fee, Savognin
En achetant les Savognin Bergbahnen en 2010, Markus Schröcksnadel laissait son nom dans l’histoire. Il était ainsi le premier investisseur autrichien à reprendre la majorité d’un domaine skiable helvétique. En 2018, avec son père Peter Schröcksnadel, président de la Fédération autrichienne de ski, il sauva les remontées mécaniques de Saas-Fee. Depuis un an, ils en détiennent la majorité.
Le Tyrolien se sent bien en Suisse, en tant qu’investisseur. «Nous avons des affinités en tant que voisins et on a été bien accueillis ici.» Comparés aux régions autrichiennes, les deux domaines skiables suisses se distinguent par une plus grande part de touristes indigènes. Un avantage qui se fait décisif en temps de pandémie. Cela dit, la saison n’est pas simple pour autant. «Mais nous misons sur l’avenir.» En dépit de la crise, des investissements de plus d’une dizaine de millions ont été consentis dans des canons à neige et une station de pompage. Outre les remontées mécaniques, Markus Schröcksnadel est actif en Suisse depuis 2000 avec son entreprise Feratel Media Technologies. Feratel Suisse a son siège à Rotkreuz (ZG). L’entreprise distribue des films panoramiques et est un leader du marché en matière de gestion numérique des destinations. L’entreprise Sitour, elle, propose des panneaux publicitaires dans un millier de stations de ski.
Viktor Vekselberg, 63 ans
Propriétaire Renova, Zoug, Moscou
En dépit de ses yachts et de ses villas en bord de mer, la vie de l’oligarque est parfois compliquée. Depuis avril 2018, il figure à nouveau sur la liste des sanctions américaine. En cette période de crise sanitaire, l’interdiction de se rendre aux Etats-Unis est plus facile à digérer. Ce qui est plus difficile, c’est que les entreprises américaines ne peuvent pas commercer avec lui, ni avec les entreprises qu’il contrôle. Ne pas avoir d’accès au plus grand marché du monde est un problème.
En Suisse aussi, les sanctions américaines ne lui simplifient pas la vie: les banques suisses laissent Vikto Vekselberg à la porte et l’homme se bat devant la justice pour avoir un compte privé chez PostFinance. Sa société de participations Renova, qui fête son 30e anniversaire, a d’ailleurs failli couler. Les investissements du groupe, ces dernières années, ont été sous pression. Les performances des participations suisses Sulzer, OC Oerlikon et Swiss Steel ont été affectées par quelques pertes. Les investissements de Renova sur les marchés privés, de la Sibérie à l’Afrique du Sud en passant par la Californie, ont également perdu des centaines de millions. Le centre de gravité reste la Russie: métallurgie, télécoms et aéroports, notamment.
Watchlist - Investisseurs
Leda Braga, 53 ans
CEO Systematica, Genève
La CEO du hedge fund Systematica Investments domicilié à Genève, passe pour une des femmes les plus influentes de l’industrie financière européenne. Ses fonds continuent à prospérer à l’aide d’algorithmes.
Mike Baur, 44 ans
Fondateur Swiss Startup Factory, Zurich
Le patron de la plus grande plateforme de capital-risque de Suisse quitte l’activité de capital-risque d’entreprise. En revanche, l’activité d’investissement sera renforcée et un nouveau fonds destiné aux start-up mis sur le marché.
Hansjörg Wyss, 85 ans
Milliardaire de la pharma, Berne-USA
Hansjörg Wyss s’est fait remarquer dernièrement en entrant dans le Bellevue Group. Pour le reste, le pionnier de la medtech s’est préoccupé de dépenser avec bon sens les milliards qu’il a gagnés. Il figure désormais parmi les plus grands philanthropes de la planète.
Marius Nacht, 58 ans
Fondateur de Check Point Software, Israël
Le grand investisseur israélien a pris des participations dans Sophia Genetics par le biais de son fonds Amoon. A ce jour, c’est son plus grand investissement en Suisse. Il entend faire de la start-up de l’EPFL un deuxième Check Point dans le domaine de la santé.
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