Vous avez annoncé une baisse des primes cette année, pourquoi?
C’est d’abord le résultat de la pandémie car il y a eu des reports de prestations qui ont généré une diminution des coûts, vraisemblablement temporaire. C’est une bonne nouvelle pour les familles mais il ne faut pas se leurrer: si des mesures fortes ne sont pas prises, les coûts vont repartir à la hausse. Vous savez, on entend toujours dire que les assureurs augmentent encore les primes, mais ce n’est pas par plaisir; c’est plus facile pour moi d’annoncer 3,1% de baisse de la facture mensuelle de nos assurés cette année plutôt qu’une augmentation. Les hausses de primes sont le reflet de la hausse des coûts. Nous avons donc tout intérêt à ce que des mesures soient prises pour garantir le financement de notre système de santé et diminuer les factures.

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Où sont les sources d’économies principales?
En Suisse, il n’y a que 25% de médicaments génériques, contre 80% en Allemagne où ils coûtent moitié moins cher; c’est un problème important. Depuis des années, le parlement n’arrive pas à faire passer des mesures concrètes pour faire baisser ces prix alors que le potentiel d’économies est de l’ordre de 700 à 800 millions par an. Nous devons également transférer des prestations du stationnaire vers l’ambulatoire, ce qui permettrait de réaliser des économies, et faire en sorte que le financement soit adapté à cette pratique. Enfin, dans un petit pays comme la Suisse, la planification de la santé au niveau cantonal doit appartenir au passé. Il faut concentrer certains actes médicaux pour assurer un nombre de cas suffisant et une qualité des prestations. C’est ce qui doit primer.

Vous avez annoncé il y a deux ans 400 millions de remboursements aux assurés, pourquoi si tard?
Nous avons été les premiers à le faire lorsque nous avons retrouvé une capacité à rembourser. Il y a quatre ou cinq ans, nous avons dû augmenter nos primes car nous n’avions plus un niveau de réserves suffisant. Par la suite, la situation a changé et nous nous sommes retrouvés en sur-réserves. Pour nous, il était alors évident que l’excédent devait revenir aux assurés. Mais, attention, les réserves sont essentielles dans le système, comme les fonds propres d’une entreprise; elles permettent de surmonter les chocs. La pandémie le prouve, c’est environ 1 milliard de coûts pour notre industrie financés par nos réserves.

En matière de prévoyance professionnelle, que pensez-vous des réformes en cours de discussion?
Il faut impérativement que cette réforme se concrétise. Nous avons déjà perdu trop de temps avec le refus de Prévoyance 2020 et c’était une erreur. Le projet de loi actuel n’est certes pas parfait, mais il va dans la bonne direction. Il permet de mieux tenir compte des nouveaux modes de travail comme le temps partiel et de mieux couvrir la prévoyance des femmes et des plus faibles revenus. Ce projet agit aussi sur les aspects financiers, avec la baisse du taux de conversion pour la partie obligatoire. C’est un élément factuel du système: nous vivons plus longtemps, donc les taux de conversion ne peuvent plus être les mêmes qu’il y a quarante ans. Il vaut mieux une réforme imparfaite que pas de réforme du tout, nous avons déjà beaucoup trop tardé!

Cette réforme est quand même très loin de régler tous les problèmes…
C’est une première étape. Il y a des problèmes de financement et démographiques. Nul besoin d’être actuaire pour comprendre que, lorsque nous avons introduit la LPP, nous vivions à peu près quinze ans après l’âge de la retraite. Aujourd’hui c’est plutôt vingt ans. Il est logique qu’avec le même capital on ne puisse pas toucher la même rente. Les solutions sont soit de repousser l’âge de la retraite, soit d’augmenter les cotisations, soit de baisser le taux de conversion ou un mélange des trois. Nous devons aller vers une flexibilisation de l’âge de la retraite pour certaines professions et prendre en compte la durée des cotisations. Si une personne commence à travailler à 16 ans dans un métier difficile, elle doit pouvoir prendre une retraite plus tôt qu’un étudiant qui commencera à travailler à 25 ou 27 ans.

Vous ne parlez pas des entreprises.
J’allais y venir. Pour moi, la prévoyance professionnelle doit impérativement intégrer un aspect fondamental qui est celui de la responsabilité sociale de l’entreprise. Il faut veiller à ne pas économiser sur le dos des employés avec des plans de prévoyance au rabais, qui laissent le salarié dans une situation précaire à l’âge de la retraite. Je pense que les jeunes d’aujourd’hui sont beaucoup plus attentifs à ces questions lorsqu’ils signent un contrat de travail. Leur offrir de bonnes conditions de prévoyance professionnelle devient un réel facteur d’attractivité pour les talents. Et tant mieux si ça met un peu de pression sur les dirigeants. Il faut mettre fin à ce dumping sur la prévoyance professionnelle encore en cours dans certaines entreprises.

En tant que dirigeant d’une grande assurance, qu’est-ce qui vous frustre aujourd’hui?
Je viens de l’assurance privée et je trouve qu’en dirigeant une grande assurance maladie, on se rend compte à quel point la défense des intérêts particuliers ronge le système de santé. Il y a un corporatisme dans ce secteur que je n’ai jamais rencontré ailleurs. Il empêche d’avancer pour préserver ce système qui fonctionne encore bien. Au final, nous avons une perte de recherche du compromis, nous sommes toujours plus dans l’idéologie et les décisions sont très lentes. Le lobbying de la pharma, pour ne pas le citer, empêche toute réforme depuis des années sur la question du prix des médicaments. Ces pratiques pénalisent l’ensemble de la société.


600  millions grâce aux contrôles

Chaque année, les contrôles des factures permettent d’économiser 600 millions de francs. Pour Thomas Boyer, «il s’agit d’un point déterminant et d’une plus-value tangible de l’assureur dans le système de santé. Environ 10% des factures reçues sont corrigées et permettent d’économiser une somme qui dépasse nos frais de fonctionnement.»

«Nous générons ainsi plus de valeur avec nos contrôles que ce que nous coûtons. Je dois quand même préciser qu’il s’agit principalement d’erreurs involontaires à mettre en parallèle avec un système
de facturation très complexe.»