L’ensemble du secteur investit des sommes colossales qui doivent répondre à de nombreux impératifs. Comme garantir un rendement attractif (qui joue le rôle du troisième cotisant après l’assuré et l’entreprise), assurer un risque maîtrisé à un moindre coût et ce, tout en étant durable. Toutes ces injonctions font le quotidien des caisses de pension en Suisse en évoluant dans un environnement d’inquiétude par rapport à la prévoyance vieillesse.
Quelle approche d’investissement? Concrètement, quelles actions peuvent entreprendre les caisses de pension afin d’investir de manière responsable? Selon la dernière étude de Swiss Sustainable Finance, les trois principales approches utilisées en Suisse sont l’intégration ESG, l’engagement ainsi que les exclusions.
L’intégration ESG est la prise en compte explicite de facteurs ESG parallèlement aux facteurs financiers traditionnels dans les processus d’investissement. Avec cette prise en considération, l’objectif est de répondre à la question suivante: quel est l’impact potentiel des aspects ESG sur les états financiers de la société? Il existe donc autant d’approches que de gérants. Il n’y a, à ce jour, pas encore de standards à ce niveau.
L’objectif ici est de valoriser les aspects extra-financiers ESG afin de les intégrer dans la valorisation future des sociétés. L’impact se fait ressentir uniquement au niveau des investissements, en sélectionnant des sociétés déjà sensibles à ces problématiques. A terme, ceci devrait permettre de diminuer le risque du portefeuille, voire d’améliorer sa rentabilité.
L’engagement, également appelé le dialogue actionnarial, est une activité exercée par les actionnaires dans le but de faire prendre conscience aux directions des entreprises de l’importance des critères ESG. La finalité de ces dialogues est d’insuffler des changements dans la stratégie et dans les processus d’une entreprise afin d’améliorer ses performances tout en réduisant les risques.
Ici, l’impact est plutôt au niveau de l’économie réelle, puisque les changements potentiels que les entreprises font auront des répercussions concrètes. Comme la diminution de la pollution, la réduction de l’utilisation des matières premières, l’amélioration des conditions de travail, le renforcement des compétences au sein du conseil d’administration, etc. Toutefois, ces dialogues demandent du temps et de la patience. Ils nécessitent des personnes compétentes pour les mener et des ressources financières. Ainsi, il est parfois difficile de mesurer, de manière tangible, les résultats.
Pour ce qui est de l’exclusion, cette approche a pour objectif de bannir les investissements spécifiques ou les catégories d’investissement tels que des entreprises, des secteurs ou des pays qui ne répondent pas aux critères ESG. Les critères dépendent des valeurs de l’investisseur (par exemple exclusion du secteur des énergies fossiles) et/ou du respect des conventions internationales. Si cette approche est l’une des stratégies préférées des investisseurs responsables, quel est son véritable impact?
Cette question a récemment fait l’objet d’un projet de recherche d’un pôle de compétence académique, la société E4S. Les auteurs confirment que l’exclusion peut réduire certains risques du portefeuille. Toutefois, l’impact sur la société exclue est moindre, tout comme sur l’économie en général et la rentabilité du portefeuille de l’investisseur.
En conclusion, être un investisseur responsable ne signifie pas suivre une voie toute tracée. Chaque caisse de pension doit le faire selon ses valeurs, ses moyens et ses objectifs. Mais attention à la voie de la simplicité qui n’aura pas forcément l’impact recherché. Par exemple, la vente d’une compagnie pétrolière comme l’américaine ExxonMobil permettra de décarboner ses investissements, mais ne réduira pas pour autant les émissions CO2. A contrario, la maintenir dans son portefeuille permettra de faire pression, en tant qu’investisseur, notamment par le dialogue. C’est pourquoi il est parfois nécessaire de maintenir des investissements lourds en carbone mais d’exercer son rôle d’investisseur responsable pour que l’entreprise se dote d’une stratégie climatique fiable et mesurable et de veiller à sa bonne gouvernance.