«Certains y verront un conte de fées. Il est vrai que notre histoire y ressemble furieusement. Je dis «notre», car elle est indissociable du trio que je forme avec mes associés: Lucas Martinez et Benjamin Philion, le Québécois de la bande, apprenti chez UBS à Genève pendant que Lucas et moi suivions la Haute Ecole de gestion. Perso, y a pas plus Fribourgeois que moi. Mes parents l’étaient, mes quatre grands-parents et mes huit arrière-grands-parents aussi! Mais j’ai grandi à Mies, près de Versoix.

Contenu Sponsorisé
 
 
 
 
 
 

Mon diplôme en poche, direction Londres, pour un stage dans un hedge fund. J’y suis finalement resté quatre ans. Aux premières loges de la crise financière, puisque j’ai intégré le fonds quatre mois avant la faillite de Lehman Brothers. Instructif. Mais lassant. A 26 ans, j’avais envie de créer. Benjamin était rentré chez lui. On a réfléchi et on a créé Vroum.ca, une plateforme spécialisée dans le transfert de bail automobile. En clair, vous ne pouvez plus ou vous ne désirez plus payer votre leasing, Vroum trouve un client pour reprendre votre contrat. Le concept cartonnait. Je bossais la journée pour le fund et la nuit pour le site. Sur place, Benjamin faisait tourner la boîte.

On gagnait 50 000 dollars par année. Qu’on a d’abord flingués pour nous amuser avant de les investir dans un autre projet, en 2011: Neuvoo.com. Une interface sur laquelle se côtoient des employeurs qui publient des offres d’emploi et des candidats qui y répondent. On a commencé modestement. J’ai mis les 20 000 francs que j’avais dans l’affaire et Benjamin se débrouillait avec des bouts de ficelle. Grâce aux candidats qui paient pour monter dans le moteur de recherche et aux entreprises qui nous versent quelques centimes à chaque fois qu’un candidat clique sur leur lien, le business model s’est vite révélé viable.

Mais il nous manquait le carburant pour le faire exploser. C’est alors que nous avons pu convaincre Lucas, qui est le meilleur vendeur du monde, de nous rejoindre. Parallèlement, alors que je faisais mon MBA à Madrid, j’allais taper aux portes pour trouver du financement. Deux investisseurs privés, une Espagnole et un Anglais, ont injecté 500 000 francs chacun.

Du coup, j’ai rejoint Benjamin à Montréal. Avec Vroum.ca, que nous avons revendu il y a deux ans, et nos modestes revenus, on joignait les deux bouts. D’autant que Neuvoo affichait une croissance de 50 à 100% par année. La plateforme, devenue Talent.com en 2020, a passé d’un chiffre d’affaires de 500 dollars en 2011 à 50 millions en 2019, année où nous avons levé 42 millions de francs suisses auprès de la Caisse de dépôt du Québec, qui gère 420 milliards de dollars. Un fonds genevois, Climb Ventures, est récemment entré dans le capital lors d’une nouvelle levée de fonds de 120 millions de dollars.

L’an dernier, Talent.com, qui vient de fermer sa succursale en Russie, était actif dans 77 pays. L’entreprise, dont le siège européen est à Lausanne, emploie 400 employés, dont 55 sont basés en Suisse, et a atteint 100 millions de dollars de chiffre d’affaires, ce qui la classe dans le top 5 mondial des sociétés de la branche. Environ 7 millions de personnes trouvent chaque année un emploi en passant par notre portail. Notre ambition est d’atteindre le statut de licorne ces prochaines années, puis d’être cotés au Nasdaq. Si j’osais une métaphore footballistique, je dirais que nous sommes partis de la 5e ligue et qu’aujourd’hui nous sommes qualifiés pour la Ligue des champions. Avant, pourquoi pas, de la remporter un jour…»