Les transactions électroniques instantanées révolutionnent le fonctionnement des entreprises: achat de fournitures, vente de produits et même versement des salaires, ces nouveaux modes de paiement offrent un gain de temps considérable aux entrepreneurs. Mais la digitalisation des transactions financières est-elle indiquée pour toutes les PME?

«En premier lieu, il faut identifier les besoins de son entreprise», résume Romain Prieur, expert-comptable diplômé associé auprès de la fiduciaire Karpeo, à Genève. Pour choisir un système approprié, il faut en priorité analyser si le commerce est principalement physique ou en ligne et s’il compte opérer des transactions en francs suisses uniquement ou également en devises étrangères.

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Anticipation sur les étapes prévues

Une entreprise qui a uniquement besoin d’un terminal de paiement pour autoriser ses clients à faire leurs achats avec une carte bancaire va par exemple se tourner vers une solution comme SIX Payment. Mais pour une société qui développe une activité dans le secteur du digital ou qui fait de la vente en ligne, un système plus complet, comme Stripe, est clairement indiqué. Ces besoins doivent être envisagés avec une certaine anticipation sur les étapes prévues par le business plan. «Si, à terme, l’entreprise compte se développer à l’international, le choix d’une solution qui ne fonctionne qu’en Suisse n’est évidemment pas approprié.» Car une fois un système choisi, il est souvent difficile de revenir en arrière.

Adopter un système de paiement en ligne n’est pas anodin. Pour un entrepreneur qui n’est pas à l’aise avec l’informatique, passer à une solution digitale nécessitera sans doute d’engager un spécialiste pour mettre le système en place, puis d’en assurer le suivi sur la durée. Et ce soutien a un coût, de l’ordre de plusieurs centaines de francs pour la mise en place, montant qui peut être prévu chaque mois en cas de besoin d’accompagnement régulier. Et ce coût s’ajoute au prix du système lui-même.

Enfin, il ne faut pas négliger l’impact de ces applications sur la marge brute des ventes: des systèmes comme Stripe ou PayPal retiennent une commission sur chaque transaction effectuée. «Les petits centimes qui s’additionnent représentent souvent des montants importants en fin d’année, surtout lorsque les volumes de vente et d’achat sont conséquents», prévient Romain Prieur.

Bien paramétrer les outils

Dans le cas d’une entreprise qui propose un terminal de paiement dans ses locaux, il faudra encore s’assurer que les principales cartes de paiement utilisées en Suisse sont acceptées par l’appareil. En effet, il peut être frustrant pour un client de voir son commerçant refuser sa carte de paiement ou, pour un commerçant, de perdre une vente pour cette raison. Le système SIX Payment n’accepte par exemple pas la Postcard.

«Pour les boutiques de vente en ligne, il est crucial de pouvoir extraire des rapports mensuels clairs qui mentionnent le prix de vente hors taxe, la TVA, le montant TTC, la commission qui a été prélevée par le prestataire ainsi que certaines informations sur l’acheteur, comme son pays d’origine», souligne Romain Prieur. Car lors d’un contrôle TVA, chaque vente doit être justifiée par une facture. Il faut alors pouvoir prouver l’imposition (ou non) de la prestation de services ou de la vente de biens à la TVA. Il est donc crucial, en amont, de bien paramétrer son outil et de prendre en compte les différentes situations possibles (ventes en Suisse, à l’étranger, lieu de la prestation de services).

En fonction de leur activité, certaines PME peuvent être soumises à des règles liées à la protection des données lorsqu’elles adoptent un système digital, prévient de son côté Roxana Mihet, professeure de finance au Swiss Finance Institute de HEC Lausanne. Ces entreprises seront ainsi soumises au RGPD (règlement général sur la protection des données) si elles ont une activité commerciale hors des frontières de la Suisse ou des clients résidant dans un pays européen. Des recherches universitaires menées – entre autres – par la spécialiste montrent que les réglementations relatives à la protection des données des consommateurs imposent les coûts les plus élevés aux plus petites entreprises. Ce qui peut constituer un obstacle à leur entrée sur le marché.

Une question de génération

La professeure de finance estime néanmoins que les avantages d’un système de paiement en ligne l’emportent sur les coûts, «en particulier pour les PME disposant d’un savoir-faire en matière d’analyse de données». Car un système digital permet de conserver des traces des transactions effectuées – qui peuvent très bien être anonymisées. Il est alors possible d’analyser de manière précise ce que les consommateurs veulent et aiment, de manière à dégager des tendances hebdomadaires ou mensuelles.

Certains systèmes de paiement en ligne permettent également de gérer plus facilement son inventaire, de contrôler les stocks et de maintenir les étagères approvisionnées pour un commerce physique. «Il existe d’ailleurs une vaste littérature académique qui montre que les clients sont susceptibles de dépenser des montants plus élevés lorsqu’ils effectuent des paiements électroniques que lorsqu’ils paient en espèces, notamment pour des achats impulsifs», complète Roxana Mihet.

Effectuer ses transactions financières en ligne relève pour beaucoup d’une question de génération. Selon Romain Prieur, les entrepreneurs âgés de 25 à 40 ans ont aujourd’hui en majorité adopté un système comme Stripe ou Revolut. Dans les activités portées sur le digital, 80 à 90% des entreprises ont adopté des systèmes de ce type, qui se révèlent simples d’utilisation et parfaits pour être intégrés à un tunnel de vente.

La dernière enquête 2021 de la Banque nationale suisse (BNS) sur les moyens de paiement révèle qu’environ 40% des plus de 2000 entreprises interrogées n’effectuent que des paiements sans espèces, souligne Roxana Mihet. «De plus en plus de ménages préfèrent effectuer des paiements électroniques, notamment après la crise du coronavirus, et de plus en plus de PME proposent donc des moyens de paiement en ligne pour répondre aux souhaits de leurs clients.»