«Le seul regret que j’ai, c’est de ne pas m’être mis un coup de pied aux fesses avant d’avoir 50 ans! J’aurais dû quitter la tête d’OM Pharma plus tôt. J’avais fait le tour de la question, de la recherche fondamentale en biologie à la direction générale du groupe basé à Meyrin. Docteur en biologie et diplômé en management de HEC, je n’avais pourtant pas eu le cran de me lancer à mon compte, alors que j’en rêvais.
La vente du groupe à Vifor m’a permis de faire le pas. J’ai touché une indemnité de départ de plusieurs mois, ce qui aide quand on a quatre filles aux études. C’est d’ailleurs avec elles et ma femme qu’on a trouvé le nom de Pharmalp. Dorothée Sineux m’a rejoint dans l’aventure lorsqu’on a créé la SA, il y a dix ans à Conthey.
Notre approche est à l’opposé de beaucoup de start-up valorisant le résultat d’une recherche. Nous avons d’abord identifié un besoin, puis développé des solutions naturelles et locales pour y remédier. Il y avait un vrai manque pour la santé des femmes. Probablement que d’être entouré de filles a orienté ma réflexion.
Partant d’une page blanche, on a travaillé pour trouver des solutions contre les infections vaginales, urinaires et la carence en fer. Par la suite, on a aussi créé des comprimés à base de fleurs d’hibiscus et de baies d’aronia que je prends moi-même, car comme tout entrepreneur, avec le stress et l’âge, on génère de l’hypertension et parfois du cholestérol. Ce qui est fou, c’est qu’en Suisse les coûts de la santé représentent 83 milliards de francs par an et que seulement 2,2% sont utilisés pour la prévention des maladies.
J’ai convaincu une centaine d’actionnaires de se lancer avec moi. Je suis aussi allé à la rencontre des paysans bios des montagnes. Ce sont eux les druides, pas moi, eux qui connaissent les plantes comme personne. On a de l’or dans les Alpes. La mélisse, la rhodiole, sorte de ginseng helvétique, l’escholtzia, la reine-des-prés ou l’épilobe ont des principes actifs différents selon le moment de récolte. Pharmalp travaille avec une douzaine de plantes et fabrique en Suisse romande. Aujourd’hui, 1700 pharmacies et drogueries distribuent nos produits en Suisse. Au début, les groupes ne s’y intéressaient pas. Puis Sunstore, Amavita et Benu sont venus vers nous.
Plus étonnant, les Chinoises adorent nos produits naturels et «Swiss made». Présents dans quatre magasins à Interlaken, on s’est fait connaître auprès des touristes étrangers. Avec le covid, on a dû mettre en place de l’e-commerce pour cette clientèle internationale. Outre en Chine, on distribue notamment au Moyen-Orient et à Hongkong. Pour le marché suisse, notre croissance était de 30% en 2020, surtout pour les produits de défense immunitaire et de gestion du stress. En 2021, on a vu un recul. Mais c’est reparti à la hausse cette année.
Financièrement, après dix ans, ce n’est pas encore le jackpot, mais dans ma tête oui. J’ai ce sentiment de liberté, cette satisfaction de pouvoir exprimer et mettre à exécution mes idées. Il y a un mois, j’ai reçu une lettre d’une dame remerciant mon équipe alors qu’elle souffrait depuis trente ans de problèmes urinaires. Mon jackpot, c’est ça et c’est de vivre mon rêve à 63 ans. Je viens d’ailleurs de lancer une levée de fonds de 8 millions pour une nouvelle start-up, Ibex Therapeutics, qui développe une solution pour soulager les patients traités contre un cancer.»