Lorsqu’une récession apparaît, les banques centrales œuvrent à alléger les coûts du crédit pour les ménages et les entreprises en abaissant les taux directeurs. A cela s’ajoute la défense d’un niveau supportable pour la devise domestique relativement aux monnaies des partenaires économiques et plus récemment l’enrayement de l’inflation. Les banques centrales ont des moyens illimités pour certaines actions macro, les grandes conditions-cadres. Elles sont en revanche plutôt désarmées face aux problématiques qui relèvent de la microéconomie. Ainsi, très efficaces pour injecter de la liquidité, influencer les taux ou réduire à court terme la volatilité des devises, les banques centrales peinent à agir sur le dynamisme conjoncturel. Ce n’est d’ailleurs pas leur rôle premier.

Contenu Sponsorisé
 
 
 
 
 
 

Les politiques de relance, décidées par les gouvernements, sont naturellement le fruit des différents équilibres politiques et modèles institutionnels. Les réalités font qu’elles se ressemblent finalement beaucoup. On décide traditionnellement d’engager de grands projets d’infrastructures, espérant ainsi déclencher une cascade vertueuse et un effet multiplicateur budgétaire, mais sans calculer le retour de croissance marginale de ceux-ci, ni mesurer le gain fiscal ultérieur. Rarement, on réduit la charge fiscale. Certains soutiens sectoriels soulagent le court terme, mais parfois retardent les adaptations structurelles d’une industrie. Les politiques de relance ont en général un effet positif brut, mais le calcul net, c’est-à-dire la prise en compte du coût effectif de ceux-ci, montre un bilan contrasté. L’Etat dispose plus d’un pouvoir économique correcteur ou frénateur qu’accélérateur. Il peut interdire, taxer, édicter des normes, surveiller le respect des règles. Il peine à entraîner et à inspirer. Ce n’est d’ailleurs pas non plus son rôle premier.

Alors pourquoi ces institutions sont-elles presque impuissantes à relancer efficacement une conjoncture? D’abord parce que ce sont les ménages et les entreprises qui décident de la consommation, de l’investissement et de l’emploi. Prenons l’emploi. Qui le crée? Essentiellement les PME. Environ 60% du total des emplois se trouvent dans des petites entreprises. Quels sont les facteurs décisifs? Des patrons vont engager de nouveaux collaborateurs avec une volonté d’expansion, un projet de croissance. Le facteur décisif pour eux est leur propension à supporter les contraintes administratives et la charge fiscale marginale consécutive. Travailler plus et remplir plus de formulaires pour gagner moins incite les petits patrons de certains de nos voisins à capituler, soit à gagner le nécessaire pour vivre, sans plus. C’est la loi des rendements décroissants de Keynes. «La productivité marginale du travail est simplement la production supplémentaire qui découlera, aux yeux d’une entreprise, de l’embauche d’une unité supplémentaire de travail.» En Suisse, les paramètres de la fiscalité et de la charge administrative ont été plutôt favorisants au siècle passé. Depuis quelques années, nous nous rapprochons toutefois des standards de nos voisins. Ce contexte a d’ailleurs provoqué une diminution de la taille des PME, ce qui tend à corroborer le découragement progressif face à la lourdeur administrative et réglementaire que seules les grandes entreprises peuvent assumer. Quant aux taux d’intérêt, aux cours des devises, ils n’ont pas d’impacts démontrés sur la propension à créer de nouvelles sociétés ou de nouveaux emplois.

La prospérité dépend en grande partie de la propension des acteurs privés à lancer des projets de croissance et d’expansion. En Suisse, ce sont ainsi 600 000 centres de décisions (nombre total d’entreprises) qui orientent l’emploi. Les gouvernements et la banque centrale n’ont pas de prise directe sur ce phénomène. L’emploi public (15% de l’emploi total en Suisse) réduit bien sûr le chômage mais constitue plutôt un jeu à somme nulle à long terme du fait de son financement en bonne partie par l’impôt. Les pouvoirs publics peuvent et doivent agir. Simplifier et alléger les conditions-cadres, créer un environnement réglementaire épuré, telle est probablement la politique la plus efficace pour activer le multiplicateur économique. Allumer la flamme, l’ignition, revient à l’entrepreneur animé d’un esprit de conquête, allant au-delà de la couverture de ses besoins vitaux. Une banalité dont il faut parfois se souvenir.

La version intégrale de ce texte est disponible sur www.bcge.ch