Au travers d’une cinquantaine de questions posées du 2 au 9 juin par l’institut de sondage M.I.S Trend à un échantillon de 1407 personnes âgées de 18 à 65 ans dans toute la Suisse – dont une majorité de Romands –, les réponses montrent que le système de prévoyance est bien perçu. Lorsqu’on considère chaque pilier séparément, le 3e pilier est celui auquel on accorde le plus de confiance, comme on peut le voir sur le graphique ci-contre, qui illustre les réponses à la question: «Le système de prévoyance retraite en Suisse est basé sur trois piliers. Pour chacun, veuillez indiquer votre niveau de confiance par rapport à sa solidité financière.»

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Le 3e pilier tire son épingle du jeu

On pourrait s’étonner d’une pareille divergence, qui s’est d’ailleurs accrue par rapport aux années précédentes. En effet, le 1er pilier devrait logiquement obtenir la confiance maximale puisqu’il s’agit du système garanti par l’Etat, et qui a en outre été renforcé par la dernière réforme acceptée récemment en votation populaire. En ce qui concerne le 2e pilier, c’est-à-dire l’ensemble des caisses de pension, le niveau de confiance global n’est peut-être pas très pertinent dans la mesure où, comme le rappelle Pasquale Zarra, CEO de Lemania Pension Hub, «la situation des caisses de pension n’est pas du tout uniforme».

En effet, on peut imaginer que les assurés auprès de la caisse de pension de Nestlé, par exemple, ne doivent guère s’inquiéter de la solidité de leur institution de prévoyance, alors que les salariés d’une PME un peu fragile peuvent s’interroger sur la santé de leur caisse de pension s’il s’agit d’une caisse autonome. Un autre élément qui doit sans doute jouer pour ébranler la confiance, c’est le niveau du taux de conversion appliqué pour la partie surobligatoire, qui a été fortement réduit dans la plupart des caisses de pension, entraînant la fonte des futures rentes.

Quant au 3e pilier, la confiance affichée laisse un peu perplexe. Tout d’abord, les répondants pensent-ils à la forme liée uniquement, celle qui permet de substantielles économies fiscales, ou à l’ensemble de l’épargne et toute autre forme d’investissement? C’est difficile de le savoir. Mais ce qui paraît assez évident, qu’il s’agisse de 3e pilier lié, sous la forme d’un compte de prévoyance ou d’une assurance vie qui peuvent être associés à des produits de placement, ou de 3e pilier libre, c’est qu’on parle de prévoyance individuelle. Chacun est donc libre de ses choix et prend ses risques en toute connaissance de cause – du moins il faut l’espérer –, notamment lorsqu’il ou elle investit sur des produits financiers, souvent très volatils. «Cette liberté donne sans doute le sentiment d’une plus grande sécurité par rapport à la participation à des assurances collectives», ajoute notre interlocuteur.

Barème confiance dans les trois piliers en Suisse
© Ricardo Moreira

Le retour de l’inflation inquiète

Dans les préoccupations nouvelles, l’inflation a pris toute sa place. A la question «Craignez-vous que l’inflation ait un impact sur les retraites?», près de 80% des sondés répondent positivement. S’il est facile de comprendre ce sentiment, il est intéressant d’essayer de voir s’il est justifié, en passant en revue l’effet de ce phénomène sur chacun des trois piliers.

Baromètre impact de l'inflation sur les retraites
© Ricardo Moreira

Pascal Vorlet, responsable de la planification financière auprès de la Banque cantonale de Fribourg, se livre ainsi à cet exercice: «Pour les rentes AVS, les nouvelles sont rassurantes puisqu’elles doivent être adaptées à l’indice suisse des prix à la consommation tous les deux ans. Il faut toutefois mettre un bémol, car certains postes de dépenses des ménages n’y sont pas intégrés, comme les primes d’assurance maladie. En outre, cet avantage s’avère limité puisque les rentes AVS ne représentent généralement qu’une part relativement faible des revenus à la retraite, la plus grande partie étant constituée par les rentes de la caisse de pension.»

Mais ces rentes de vieillesse du 2e pilier ne pourraient-elles pas être également revalorisées à l’avenir pour compenser l’inflation? «Les caisses de pension disposent sans doute de peu de marge de manœuvre pour se montrer plus généreuses, du moins dans l’immédiat, estime notre interlocuteur. D’autant plus que le taux de conversion des rentiers ou rentières les plus âgés s’avère relativement élevé et que l’espérance de vie s’allonge.» Dans un tel environnement, la personne qui s’approche de l’âge de la retraite aura avantage à retirer tout ou partie de son avoir de prévoyance, «de manière à saisir l’opportunité d’investir son capital afin de dégager un rendement supérieur au taux de l’inflation effective».

Pour les prestations du 3e pilier lié versées aux personnes à la retraite, à l’instar du 2e pilier, le choix des rentes viagères s’avère peu judicieux si elles ne sont pas adaptées à l’inflation. «Or, comme pour la caisse de pension, le calcul de la rente est basé sur un taux d’intérêt technique et sur une tabelle de mortalité, précise notre banquier. La composante «inflation» ne fait pas partie de l’équation. L’ajustement des rentes viagères pour compenser l’inflation est donc à oublier.» Il faut ainsi plutôt choisir un produit avec versement du capital. Capital qu’il faudra alors investir afin qu’il ne perde pas de sa valeur.

Capital ou rentes?

Paradoxalement, l’inflation, qui suscite la crainte de la plus grande partie des personnes interrogées, ne semble pas avoir eu tellement d’influence sur la réponse à la question portant sur le choix entre rentes et capital: «Pour votre retraite, si vous deviez choisir maintenant, opteriez-vous plutôt pour un capital de 1 million de francs ou plutôt pour une rente de 2e pilier de 4000 francs par mois jusqu’à votre décès?» Ce qui correspond à un taux de conversion de 4,8% (= CHF 4000 x 12/CHF 1 000 000). De manière un peu étonnante, une petite majorité préfère les rentes, sans différence notable par rapport aux trois exercices précédents. Ce qui paraît peu cohérent avec l’inquiétude manifestée par le retour de l’inflation.

Cependant, le mouvement haussier des prix n’est évidemment pas le seul critère qui doit entrer en ligne de compte face à cette alternative. En fait, la solution la plus pertinente est souvent le retrait partiel de son capital et la perception du solde sous forme de rentes, comme l’explique Pasquale Zarra: «Les rentes AVS et celles qui viennent du contrat de base LPP devront couvrir les dépenses fixes mensuelles – le loyer, les primes d’assurance maladie, les impôts, la nourriture, une partie des loisirs, etc. –, tandis que le capital retiré pourra être utilisé librement, par exemple pour rembourser en partie l’hypothèque et financer le train de vie de tous les jours par la suite.»

Allant dans le même sens, Pascal Vorlet inscrit cette stratégie dans une planification financière évolutive: «Les jeunes retraités pourront couvrir leurs dépenses variables par de la consommation de capital, tandis que les dépenses fixes seront prises en charge par des revenus fixes sous forme de rentes. De cette manière, lorsque ces jeunes retraités deviendront très âgés et n’auront quasiment plus que des dépenses fixes, leur budget sera toujours financé de manière sûre.»

Graphique capital ou rente mensuelle à la retraite?
© Ricardo Moreira
A retenir

Sondage
L’institut de sondage M.I.S Trend a interrogé 1407 personnes du 2 au 9 juin, dont 604 Romands. La marge d’erreur globale est de  +/-2,7%.

Forum Prévoyance
Cette 4e édition, organisée par Le Temps, en partenariat avec Groupe Mutuel, a lieu le 31 août 2023, de 9h à 12h30 à l’IMD Lausanne. PME est partenaire média de l’événement. Le thème de la matinée, «Tout changer pour que rien ne change», permettra de débattre notamment sur les trois votations à venir concernant la prévoyance.

LPP 21
Quatre Suisses sur dix ne savent pas ce qu’ils voteront lors du référendum lancé par la gauche sur la réforme de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP 21), selon ce sondage.

Durabilité
Si la priorité pour la majorité des sondés (52%) reste la solidité financière de la caisse, la durabilité progresse: 35% des Suisses en font une priorité (contre 26% en 2022).