Créé à Lucerne il y a 23 ans, PensExpert gère aujourd’hui 8 milliards de francs dans le domaine de la prévoyance professionnelle et privée. Les clients de cette société de 80 employés, qui compte également des bureaux à Lausanne, Bâle, Saint-Gall et Zurich, sont par conséquent aussi bien des entreprises que des particuliers. Alors que les Suisses devront voter dès l’année prochaine sur plusieurs sujets liés aux retraites, le responsable pour la Suisse romande Edric Speckert nous livre son point de vue sur la situation et les réformes nécessaires dans le 2e pilier.
Nous allons voter l’année prochaine sur la réforme de la LPP. Quels sont les principaux enjeux pour les salariés?
Nous avons voté l’année dernière sur la réforme de l’AVS, ce qui a permis d’assainir le 1er pilier. L’idée est désormais de s’attaquer à un deuxième chantier, qui consiste à réformer la LPP. Cette réforme permettrait notamment de mieux prendre en compte la situation des employés à temps partiel, des femmes et des travailleurs âgés. Concernant ces derniers, l’idée est de diminuer les charges sociales pour limiter les risques de licenciement sous prétexte que les seniors génèrent des coûts sociaux trop élevés. En résumé, on passerait du système actuel où les cotisations sont de 7% les dix premières années de vie active, 10% les dix suivantes, puis 15% et 18% à deux taux de cotisations: 9% les vingt premières années et 14% les vingt suivantes.
La baisse du taux de conversion prévue de 6,8 à 6% représente une perte importante de pouvoir d’achat. C’est l’un des principaux arguments mis en avant par des opposants à cette réforme. Que leur répondez-vous?
Effectivement, cela implique une baisse conséquente des rentes. Avec un capital de 100 000 francs, la rente annuelle serait de 6000 francs au lieu de 6800. Mais on est obligé d’adapter le taux de conversion aux réalités démographiques. La réforme de la LPP est nécessaire. L’argent ne tombe pas du ciel. L’espérance de vie se prolonge, il faut donc verser des rentes plus longtemps. D’où la nécessité de baisser le taux de conversion. Cela dit, c’est en partie compensé par une déduction de coordination plus favorable aux travailleurs à temps partiel.
C’est-à-dire?
Selon le système de prévoyance suisse, seules les prestations qui ne sont pas couvertes par le 1er pilier peuvent être assurées dans le 2e pilier. On applique donc au salaire brut une déduction de coordination qui s’élève à ⅞ de la rente maximale, soit 25 725 francs, ce qui pose aujourd’hui souvent problème aux petits salaires et aux travailleurs à temps partiel.
Quelles seraient les conséquences d’une acceptation de la réforme pour les PME?
Les entreprises qui emploient beaucoup de personnes à temps partiel pourront mieux couvrir ces assurés à l’avenir, ce qui représente un argument supplémentaire en termes d’attractivité en période de pénurie de l’emploi. En ce qui concerne les coûts pour les entreprises, le but de la réforme est de rester le plus neutre possible par rapport à la situation actuelle et de ne pas augmenter les charges salariales indirectes.
Deux autres votations sont dans le pipeline. L’initiative populaire des syndicats pour une 13e rente AVS et celle des Jeunes libéraux-radicaux, qui vise à augmenter l’âge de la retraite à 66 ans pour tous, avant de l’adapter automatiquement à l’espérance de vie. Qu’en dites-vous?
Ces sujets sont moins urgents. Notre système des trois piliers est très solide et envié dans le monde entier. En répartissant les rôles entre l’Etat pour l’AVS, les entreprises pour le 2e pilier et les individus pour le 3e, il permet de ne pas faire reposer tout le poids du financement des retraites sur un seul acteur comme c’est le cas en France, où tout dépend de l’Etat. Une 13e rente AVS coûterait environ 5 milliards de francs, ce qui représente le budget de l’armée. Pour ce qui est de l’initiative sur l’augmentation de l’âge de la retraite, elle peut faire sens, mais on vient de voter sur ce sujet, ce qui a permis d’assainir la situation pour quelques années. On ne peut pas faire des réformes tous les deux ans.
Quelles autres pistes pourraient être envisagées, selon vous, pour améliorer la situation dans le domaine de la LPP dans les années à venir?
On cotise aujourd’hui durant quarante ans de vie professionnelle, entre 25 et 65 ans. Il serait intéressant de pouvoir commencer plus tôt, par exemple dès 20 ou 18 ans. Cela permettrait de compenser une future baisse du taux de conversion. En ce qui concerne la votation à venir sur la LPP, il aurait peut-être été judicieux d’avoir dans un premier temps demandé l’avis du peuple sur les aspects techniques, tels que les taux de cotisation et la déduction de coordination, puis, dans un second temps, sur la baisse du taux de conversion. En mélangeant le tout, le risque est grand que beaucoup de gens refusent le paquet en raison de la baisse du taux de conversion de 6,8% à 6%. La bataille va être rude. Mais, quoi qu’il en soit, une réforme du système est inévitable.