Ces établissements accompagnent magnifiquement les écosystèmes des régions dans lesquelles ils opèrent. Leurs stratégies sont différenciées et reflètent les composantes dominantes des économies cantonales, campagnardes ou urbaines, industrielles ou tertiaires, locales ou internationales. Véritable trésor de guerre du pays et enjoliveurs des comptes publics, les banques cantonales ne sont toutefois pas des entreprises protégées. Elles sont confrontées aux évolutions rapides et disruptives de la technologie, des attentes de leur clientèle et de la structure concurrentielle. Leur futur dépend de deux prédispositions: leur vigueur individuelle, stratégique et opérationnelle, et la qualité des conditions-cadres qui les régissent.

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Les banques cantonales ne sont pas des régies publiques monopolistiques. Elles sont des entreprises actives dans un marché très compétitif constitué de multinationales bancaires suisses et étrangères. Pour faire face, elles doivent ajuster en continu leur modèle d’affaires et de gouvernance. Les atouts traditionnels de proximité, de préférence cantonale de la clientèle ou de garantie ne suffisent plus à assurer le futur. De plus, les affaires originelles comme l’épargne et le financement hypothécaire sont devenues des commodities qui souffrent d’une érosion irréversible des marges. Adjonction de nouveaux métiers, diversification, projection hors des frontières cantonales, internationalisation des prestations deviennent un peu partout des macro-tendances légitimes… et légitimées, si l’on en juge par la teneur très constructive des dernières assemblées générales. Il importe que l’actionnariat public garde conscience de cette nécessité d’autonomie et évite un misonéisme actionnarial qui viendrait affaiblir les modèles d’affaires.

Une réglementation qui viserait le risque zéro, autrement dit un hedge parfait, détruirait le système bancaire. On ne renonce pas aux autoroutes ou à construire des bâtiments en raison du risque d’accidents et d’incendies. Les sinistres sont analysés scientifiquement et des corrections très ciblées des standards de sécurité peuvent être apportées. Apparemment rien ne justifie un durcissement «par principe» des règles de capitalisation ou de couverture de liquidités. Il faut surtout consacrer les moyens de surveillance et d’intervention aux risques réellement majeurs et oser laisser le secteur se prendre en charge pour les risques secondaires et les enjeux immatériels. C’est le principe même de proportionnalité qui fait partie intégrante du droit des administrés, plus précisément des assujettis, pour respecter la terminologie suisse. Il convient de préserver l’avantage compétitif de la Suisse en s’inspirant des réglementations les plus simples et efficaces et éviter les brimades perfectionnistes allant au-delà des exigences internationales.

La fiscalité des entreprises s’est plutôt améliorée ces dernières années. Elle reste toutefois en sursis s’agissant des accords OCDE, avec un départ à 15%, certes, mais une menace de hausse ultérieure à 21%. Une perspective devenue moins improbable du fait de la non-participation à l’accord de la plus grande économie mondiale et de l’état de surendettement des pays occidentaux. Par ailleurs, la fiscalité transactionnelle de la place financière suisse reste discriminante en comparaison des places étrangères s’agissant de droits de timbre et d’impôt anticipé. Il faut persévérer à convaincre le plus grand nombre que la compétitivité fiscale de la place financière suisse constitue un bien commun et non un privilège sectoriel. Les banques cantonales qui opèrent un tiers du marché domestique sont directement concernées par l’intensité fiscale.

Considérées comme une espèce menacée au début du siècle, les banques cantonales se sont avérées déterminantes pour les économies régionales. Adresses de dépôt sûres, irrigatrices constantes de financements aux PME et partenaires personnalisés et présents sur tout le territoire, elles ont démenti les pronostics des grands cabinets de conseil. Cette forme de banque, sorte de curiosité intemporelle, est paradoxalement bien adaptée à une Suisse encore très fédéraliste, au concept d’économie circulaire et déglobalisée et à la déconcentration de l’industrie bancaire, récemment remise en valeur. Ne pas endommager cet actif économique stratégique suisse par des mesures technocratiques est sans nul doute une priorité publique.