«Il s’est écrit et dit beaucoup de choses suite au dépôt de bilan de notre société, Bestmile, en juin 2021. Des articles empathiques et bienveillants ont paru, mettant du baume au cœur à toute l’équipe à défaut d’adoucir notre sentiment d’inachevé. Je ne reviendrai pas en détail sur les raisons de notre échec. Simplement préciser à celles et ceux qui n’auraient pas connaissance de notre parcours que Bestmile avait développé un logiciel de gestion en temps réel pour les flottes de véhicules autonomes ou conduits.
Une technologie prometteuse qui a connu un développement très positif entre 2013 et 2020, mais dont la mise en œuvre a été fortement perturbée par la crise du covid. Coup d’arrêt qui nous a contraints à vendre notre savoir-faire. Le problème, c’est que l’acheteur, le groupe automobile coréen Kia-Hyundai, y a renoncé à la toute dernière minute. Suite à ce désistement, il aurait fallu réinjecter au minimum 5 millions de francs dans la société afin de lui donner le temps nécessaire pour trouver d’autres solutions. Pas jouable en si peu de temps. La grosse vingtaine d’investisseurs, parmi lesquels une quinzaine de privés, avait déjà financé le projet à hauteur de 35 millions et poursuivre l’aventure avec une quarantaine de collaborateurs sans réelle visibilité n’était pas envisageable.
Le coup a été d’autant plus rude que nous y avions cru dur comme fer depuis le premier jour. De 2014 à 2016, les grands constructeurs automobiles ont investi des sommes colossales dans la conduite autonome. Et puis, peu à peu, la source s’est tarie jusqu’à se fermer à cause de la pandémie. Dans l’adversité, nous avons ensuite cru jusqu’au bout à la vente de notre affaire. Et pour cause, le contrat signé devait nous être retourné le 28 mai 2021. Mais ce jour-là, rien n’est arrivé. Nous avons alors tenté un coup de poker en abaissant drastiquement nos prétentions pour sauver la transaction. En vain. Preuve que ce sont bien des problèmes de politique interne de dernière minute au sein du groupe qui l’ont fait capoter. Cela a sonné le glas d’une belle aventure entrepreneuriale. On a beau savoir que 80% des start-up qui se créent en Suisse finissent par jeter l’éponge, et savoir qu’il faut posséder le bon projet au bon moment, l’échec est douloureux malgré tout.
Maintenant, je n’ai pas non plus fait une dépression et des insomnies pendant des mois. Le fait d’avoir pu régler les affaires au mieux des intérêts des salariés et des investisseurs et le sentiment de ne pas être la cause de cette fin brutale ont permis d’éviter la culpabilité et de nous morfondre dans des regrets éternels. En clair, de tourner plus facilement la page. Bien sûr, j’ai perdu mon emploi, le fruit de mon engagement et j’ai dû patienter plus de deux ans dans le cadre de la procédure de liquidation pour recevoir mes derniers mois de salaire. Mais j’ai 36 ans et d’autres projets en tête.
Avec mon épouse, nous avons déménagé dans la région zurichoise, où j’ai très récemment cofondé une autre start-up: Nuavo. Une plateforme de rapprochement entre les start-up et les PME, les premières étant souvent très sexys mais fragiles et les secondes résilientes, prospères mais moins performantes en termes de digitalisation, de séduction de talents. Pour un entrepreneur comme moi, la vie continue…»
Bio express
1987
Naissance à La Chaux-de-Fonds.
2014
Master en génie civil et fondation de Bestmile. Il déposera le bilan en 2021.