«J’ai commencé à programmer vers l’âge de 13 ans. A l’Université de Genève, j’ai choisi une filière qui me permette de vivre de cette passion, et j’ai donc entamé des études en technologies de l’information. Mon premier emploi était dans une start-up genevoise de développement d’applications qui a depuis, hélas, disparu. Quelques années plus tôt, j’avais commencé à coder en dilettante un jeu vidéo appelé Moonga, commercialisable sur smartphone. Je décide alors à cette époque de prendre une année sabbatique pour concrétiser ce jeu. J’avais alors 25 ans et j’ai fondé ma propre entreprise consacrée au développement de jeux vidéo, baptisée EverdreamSoft. J’ai réussi à constituer une petite communauté de joueurs, dont les achats d’items dans le jeu me permettaient de gagner un peu d’argent, mais pas suffisamment pour en vivre. L’entreprise stagne et les moyens manquent.
Je décide de partir au Japon en quête d’investisseurs. Avec Google Traduction pour seul interprète, je parviens à susciter l’intérêt d’une grande école de design de Tokyo pour développer le jeu en version japonaise. Fasciné par l’exotisme de l’univers Western Fantasy, le public nippon afflue et constitue rapidement 80% de mes revenus. Mais la concurrence est féroce. Pour rester compétitif, je négocie un contrat avec une grande firme japonaise, qui finit par tout annuler à la dernière minute. EverdreamSoft se retrouve ruinée. Contraint de me séparer de mes équipes, j’évite la faillite de justesse.
Quelques mois plus tard, je découvre la blockchain et j’entreprends d’intégrer cette technologie à Moonga – qui devient alors Spells of Genesis en 2015. Une fois opérationnel, le jeu permet d’échanger et de collectionner des cartes uniques et authentifiables. Nous avions conçu des biens numériques complètement nouveaux à l’époque, les premiers NFT! Depuis, nous créons une nouvelle carte chaque semaine, et ce encore aujourd’hui.
Dans les années suivantes, le marché de ces titres de propriété croît à un rythme effréné avant de s’essouffler en 2018. Mon affaire perd à nouveau des plumes, mais nous arrivons à reprendre deux ans plus tard lorsque des antiquaires NFT s’intéressent à plusieurs de mes créations. Ma vente la plus saillante: la Satoshi Card – l’une des cartes à collectionner dans Moonga – pour près de 500 000 dollars! En tout, EverdreamSoft engendre près de 2 millions de francs en vendant d’anciennes cartes devenues collectors. Aujourd’hui, EverdreamSoft emploie 12 personnes, dont des développeurs, des scénaristes et des spécialistes marketing.
Parallèlement, je me tourne vers le développement d’un nouveau protocole blockchain qui vise à améliorer les processus d’authentification: le proof of democracy. Pour l’élaborer, j’ai cofondé Wakweli avec deux associés en 2021 à Genève. Nous avons déjà levé près de 2 millions de dollars à ce jour et employons huit personnes au sein d’EverdreamSoft. Le projet sera bientôt entériné par la création d’une fondation dédiée. A presque 40 ans, j’ai aussi bien tutoyé les sommets que touché le fond, avant de rebondir encore plus haut. Tous ces aléas ont bien failli me pousser à renoncer et à me tourner vers un poste salarié qui serait sans doute bien mieux rémunéré, mais je préfère consacrer mon énergie à des projets dont je suis convaincu du sens et de l’utilité.»