Comment fidéliser les employés et les impliquer davantage dans la bonne marche des affaires de l’entreprise, sans pour autant les convertir en véritables actionnaires? En recourant à des phantom shares. Ces actions fictives ou «fantômes» sont un accord contractuel entre une société et des employés. Elles leur donnent droit à un paiement en espèces à une date convenue d’un montant lié à la valeur de marché d’un nombre équivalent d’actions de l’entreprise.

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A l’instar d’autres plans de rémunération à base d’actions, elles permettent d’aligner les intérêts des bénéficiaires et des propriétaires, encouragent la contribution à la valeur de l’entreprise et favorisent la rétention ou la participation des collaborateurs concernés. Point important: les collaborateurs ne peuvent détenir des actions fictives que pendant la durée de leur emploi au sein de la société.

Partage des résultats avec les employés clés

Ce système est souvent utilisé au sein des start-up, mais aussi parmi des entreprises établies de plus longue date. C’est le cas de la société genevoise NonStop Gym, qui propose ce système à ses employés bénéficiant d’une ancienneté d’au moins cinq ans. «C’est quelque chose que nous offrons depuis un certain temps, mais nous avons décidé de le formaliser cette année, souligne la cofondatrice Petra Posselius. L’entreprise ne fonctionne que grâce à nos collaborateurs. Le but est d’inclure un partage des résultats avec eux.»

Il s’agit donc à la fois de répartir les gains et de motiver les troupes. Et pourquoi opter pour des phantom shares et non des actions classiques? «Pour des raisons de simplicité et de flexibilité, explique la cofondatrice. Cela évite de devoir signer des dizaines de papiers et d’impliquer des avocats. Nous gardons ainsi la maîtrise du processus.»

Concrètement, les phantom shares sont liées aux actions réelles, mais découplées de celles-ci. Les propriétaires choisissent à qui ils en donnent et en quelles quantités. Chez NonStop Gym, l’employé les reçoit lorsqu’il signe le contrat, puis il peut les vendre au plus tôt après deux ans ou les garder tant qu’il reste au sein de l’entreprise et les céder ultérieurement. En revanche, s’il décide de partir avant les deux ans prévus, il doit les rendre sans en toucher la valeur. La personne perçoit aussi des dividendes, ce qui n’est pas toujours le cas.

Comme il s’agit d’un «cadeau» de l’entreprise, si la valeur baisse durant la période convenue, l’employé ne perd rien, puisqu’il n’a pas acheté les phantom shares. Au pire, il empoche moins que la somme initialement indiquée.

A la suite du départ à la retraite des anciens dirigeants, Anthony Gérard a racheté en 2022 la société vaudoise SmartYou, active depuis une vingtaine d’années dans les services IT. Il cherchait un modèle permettant de partager le succès de l’entreprise sur une base «win-win». «L’actionnariat classique tend à verrouiller les employés, dit-il. De plus, il faut sortir du cash et le frottement fiscal est important.»

Le nouveau propriétaire voulait éviter que quelque chose qu’il propose comme un cadeau ne puisse freiner les bénéficiaires, en l’occurrence quatre jeunes managers, dans leur établissement personnel. Après avoir consulté un cabinet d’avocat, il opte pour un plan d’actions fictives. Actuellement en cours de montage, il sera effectif en septembre. «De mon côté, cela m’évite de diluer mon capital et je n’ai pas besoin de créer un conseil d’administration, qui serait une sorte d’usine à gaz.»

Fiscalité et imposition

Le désavantage par rapport à des actions classiques – dont les gains de cours sont exonérés d’impôts en Suisse, contrairement à la distribution de dividende – est que les actions fictives sont taxées comme des primes. Elles augmentent par conséquent le revenu imposable. «Souvent, plutôt qu’une durée prédéterminée, on fixe dans le contrat des événements déclencheurs pour pouvoir toucher l’argent, comme une vente, une introduction en bourse, une fusion ou un rachat des actifs de la société», indique Yannick Bucher, avocat au sein de l’étude LEXR. Comme ces événements peuvent être relativement lointains et incertains, il est recommandé d’inclure des dividendes pour maintenir les actionnaires fantômes motivés.

Ces différentes modalités sont en principe définies dans un «phantom shares plan», qui est un document unilatéral non signé par les employés. A côté, on trouve des contrats spécifiques, appelés «allocation agreements», entre la société et chaque employé concerné fixant les différents détails, notamment le nombre d’actions fantômes que touche la personne.

Au-delà des considérations administratives et fiscales, la question est aussi symbolique et politique, puisque, en détenant de vraies actions, la personne dispose d’un droit de vote et, par conséquent, d’une influence sur le sort de la société. C’est pourquoi, pour éviter tout malentendu, il convient d’expliquer clairement le statut de l’actionnaire fantôme. «La plupart du temps, on observe dans la pratique que pour ne pas compliquer les choses, les sociétés partent sur des phantom shares, poursuit Yannick Bucher. Il peut par exemple s’agir d’entreprises actives dans la tech avec des employés éparpillés dans différents pays. Dans ce type de configuration, il peut se révéler compliqué de mettre en place un plan d’actionnariat salarié.»

Modèle favorisant la rétention des collaborateurs

Pour Angela Bucher, codirectrice Reward, People and Organisation chez PWC Suisse, les avantages des actions fictives peuvent effectivement être nombreux. Cela dépend de la philosophie et des projets de chaque entreprise. Certes, elles n’impliquent pas autant les collaborateurs dans la société que des actions réelles. Cependant, elles favorisent leur rétention par rapport à un paiement immédiat en espèces. Du point de vue de l’employeur, elles offrent, selon cette spécialiste, une plus grande flexibilité et une dilution moindre de la structure de propriété.

«D’après notre expérience, ce système n’est pas nécessairement lié à un secteur spécifique, dit-elle. Toutefois, les entreprises familiales ou celles disposant de peu d’actionnaires sont en général davantage soucieuses de maintenir un cercle restreint de propriétaires. En outre, dans de nombreux cas, la mise en œuvre de plans d’actions réelles est trop complexe d’un point de vue fiscal, en particulier si plusieurs pays sont concernés, car il existe des règles strictes et parfois contradictoires à appliquer lorsqu’il s’agit de déterminer la valeur imposable d’actions réelles.»

Comme évoqué, les actions fictives sont beaucoup plus souples en ce qui concerne leur mise en pratique. Mais elles nécessitent des liquidités suffisantes de la part de l’employeur afin qu’il puisse payer les avantages proposés dans le cadre du plan. C’est pourquoi, outre les efforts administratifs et les défis fiscaux, la stratégie de l’entreprise reste cruciale pour décider si des actions réelles ou fictives se révèlent le choix le plus judicieux. «Au final, cela dépend des circonstances actuelles et de l’objectif que l’entreprise souhaite atteindre», résume Angela Bucher.

Des implications fiscales multiples

En principe, les entreprises ont le choix entre trois variantes. Elles peuvent proposer des actions, des actions fantômes ou des stock-options. Chaque régime implique des conséquences fiscales propres. En ce qui concerne les actions, l’avocat Yannick Bucher pointe deux moments pertinents: leur allocation et leur vente. «L’inconvénient d’un plan d’actionnariat salarié est que l’employé qui reçoit des actions est imposé sur la différence entre le prix payé pour ces actions et la valeur fiscale desdites actions, et cela, à un moment où il n’a pas encore touché d’argent. L’avantage est que l’actionnaire domicilié en Suisse qui vend ses actions profite de l’exonération sur les gains en capitaux, sous réserve de quelques limitations.» A l’inverse, l’inconvénient d’un plan de participation fantôme est que l’argent touché par l’actionnaire fantôme est imposé comme du revenu. L’avantage est que, au moment de la taxation, il a effectivement touché de l’argent pour payer l’impôt.