«Tout au long de ma vie, j’ai eu une énergie inébranlable. A partir d’un apprentissage de vendeur, j’ai gravi peu à peu les échelons pour finalement intégrer la direction commerciale de Nestlé Suisse. A côté, j’ai toujours été extrêmement actif, tant au niveau sportif qu’associatif. Mais, un jour, j’ai perdu pied. Je ne m’y attendais pas. On m’a demandé de réduire la voilure et j’ai été contraint de licencier une douzaine de collaborateurs avec lesquels je travaillais depuis des années. C’était des proches, dont je connaissais la situation et les familles. Cela a été extrêmement difficile. J’ai dû puiser au fond de mes ressources, mais ce n’était pas suffisant. Mes fondamentaux, mes croyances, mes valeurs ont été mises à mal. C’est l’un des paramètres qui favorisent le burn-out.

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Jusqu’à atteindre ce point sensible, je me croyais inépuisable. Je ne m’en suis pas rendu compte immédiatement. Un matin, sur une pente montagneuse, je me suis effondré en pleine séance de peau de phoque. Je me suis écroulé sur la neige en pleurant. Tout a lâché. Cependant, j’ai eu la chance d’être bien entouré. J’ai pu en parler avec ma hiérarchie, les ressources humaines et l’infirmière de l’entreprise. En entrant dans son bureau, j’ai de nouveau craqué. Je n’étais plus capable de parler, j’ai pleuré comme un gamin. Elle n’a pas essayé de me juger ou de me proposer des solutions, mais m’a posé deux bonnes questions. Elle m’a demandé d’estimer mon niveau de batterie et ce que je voulais en faire. J’ai considéré qu’il me restait entre 10 et 20% d’énergie. J’ai décidé d’aller au bout
du processus des licenciements, d’assumer mon rôle de leader. Puis j’ai donné ma démission pour vivre ce rêve que j’avais depuis plus de vingt ans: partir avec mon vélo, tout seul, avec un sac de couchage et une tente.

J’ai cherché une destination emblématique à une distance réalisable depuis chez moi, à Lutry (VD). J’ai choisi le cap Nord, en Norvège. Je suis parti en avril 2023. Le voyage a duré trois mois. Cela a été une véritable guérison. Cela m’a permis de me reposer et de prendre le temps de réfléchir. C’était extraordinaire, tant d’un point de vue géographique et des rencontres qu’au niveau intérieur. J’en ai tiré un film qui sortira au mois d’octobre, en même temps qu’un livre que j’ai écrit sur mon expérience.

J’ai tout filmé moi-même, à l’aide d’un drone et d’une caméra que j’ai embarqués dans mes affaires. L’un des moments clés montre l’entrée du tunnel reliant le continent à l’île du cap Nord. J’ai voulu exprimer que, dans la vie, on entre parfois dans un long tunnel, on ne sait pas quand on va toucher le fond, mais, tôt ou tard, on finit par remonter et voir la lumière. Selon les capacités de chacun, cela peut être plus ou moins long.

Le burn-out n’est pas une fatalité! Aujourd’hui, au sein des entreprises, on peut éviter que les gens ne rentrent dans ce tunnel. Il faut pour cela anticiper, prévenir et écouter. C’est une énorme économie de moyens, mais aussi d’émotions pour les collaborateurs. Désormais, à l’âge de 54 ans, je n’ai plus envie de travailler pour une société en attendant ma retraite. Je souhaite me consacrer à la prévention du burn-out, notamment par le biais de conférences, et je développe en parallèle une activité d’accompagnateur de montagne.»