Le Bureau d'études de politique du travail et de politique sociale (BASS), qui a réalisé cette enquête diffusée dimanche sur mandat de l'ASLOCA, s'est posé la question de savoir quelle aurait été l'évolution des loyers si l'on avait pris en compte uniquement les facteurs de coûts pertinents selon le droit du bail.
Selon ces facteurs - évolution des taux hypothécaires, inflation et coûts d’entretien - une baisse des niveaux des loyers de 10,3% aurait dû être constatée entre 2006 et 2021. Or les loyers ont au contraire augmenté de 36,1%.
Cette évolution mène à une redistribution entre locataires et bailleurs d’un total de 78 milliards de francs durant cette période, soit presque 5 milliards par an, constate le BASS.
Phénomène en hausse
Et l'ampleur du phénomène ne cesse de croître. Rien que pour l’année 2021, le montant estimé payé en trop par les locataires atteint 10,4 milliards pour tout le pays. Cela signifie qu'un ménage locataire a payé en moyenne 370 francs par mois en trop, ou 26% de son loyer.
Le président de l’Association suisse des locataires (ASLOCA) Carlo Sommaruga voit la raison de cette augmentation massive des loyers dans la politique des bailleurs d'augmenter la facture à chaque changement de locataire.
"Il est montré que les bailleurs ajustent souvent le loyer vers le haut en cas de changement de locataire, même lorsque les coûts baissent", dit-il. "Durant les dernières années, la baisse du taux hypothécaire de référence n’a été répercutée partiellement que dans une relation de bail sur six", ajoute-t-il.
"Cela a permis aux bailleurs d'obtenir des rendements bien au-dessus de ce qui est défini dans le droit du bail."
Il est impératif de contrôler les loyers
Pour Carlo Sommaruga, "la situation est grave. Le ministre de l’économie et du logement Guy Parmelin, le Conseil fédéral et le Parlement doivent agir".
Concrètement, l'ASLOCA demande "urgemment" un contrôle effectif des loyers. Une proposition correspondante a été déposée en même temps au Conseil national et au Conseil des Etats en juin 2021 par Jacqueline Badran, membre du comité de l’ASLOCA, et Carlo Sommaruga. Elle est pendante.
Cette proposition devrait assurer qu’à l’avenir les loyers abusifs par des rendements trop élevés soient évités. "Pour les bailleurs qui louent trois logements ou plus, une révision périodique obligatoire devrait être introduite, afin de contrôler les rendements effectifs", explique Carlo Sommaruga.
Le PS monte au front
"La loi qui devrait protéger les locataires contre les loyers trop élevés n'est manifestement pas appliquée", constate également la conseillère nationale (PS/ZH) et co-présidente du parti socialiste Mattea Meyer.
"Les responsables sont les hommes de main des groupes immobiliers dans la Berne fédérale: le conseiller fédéral UDC Guy Parmelin et la majorité de droite au Parlement", accuse-t-elle dans un communiqué.
Le PS demande notamment la mise en oeuvre des initiatives déposées au Parlement par les membres de l'ASLOCA, une table ronde de toutes les parties prenantes, ainsi qu'un système de contrôle plus efficace. Il entend déposer lui-même plusieurs interventions lors de la prochaine session de printemps.