Mais pas les enseignes de l'association familiale Mulliez, pour qui l'activité en Russie semble incontournable malgré les critiques.

Ce qui est reproché aux enseignes françaises

"Renault, Auchan, Leroy Merlin et autres, ils doivent cesser d'être les sponsors de la machine de guerre de la Russie" en Ukraine, a tancé le président ukrainien devant le Parlement. "Tout le monde va se rappeler que les valeurs valent plus que les bénéfices."

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Des salariés de Leroy Merlin Ukraine avaient appelé lundi les enseignes de l'Association familiale Mulliez (AFM) qui contrôle Leroy Merlin, Auchan ou Decathlon à quitter la Russie après le bombardement d'un magasin Leroy Merlin à Kiev dimanche soir, estimant que l'enseigne était "un des dix plus gros contribuables pour le budget de l'Etat russe".

"Chaque rouble payé au budget de l'Etat russe sous forme de taxes aide l'agresseur à s'approvisionner en armement et à tuer davantage d'Ukrainiens", estimaient encore ces salariés, qui ont rassemblé plus de 15.000 signatures en ligne en quatre jours.

Ce que répondent les enseignes de l'AFM

Adeo, la holding de Leroy Merlin, est adepte d'une très grande discrétion. Jusqu'à jeudi, La Voix du Nord, quotidien du nord de la France où sont implantés les Mulliez, n'avait ainsi jamais réalisé d'entretien avec Philippe Zimmermann, son directeur général depuis 2017.

Mais mercredi, celui-ci a réagi à l'interpellation de Volodymyr Zelensky: fermer serait "considéré comme une faillite préméditée, donnant lieu à des expropriations", a-t-il déclaré au quotidien régional. "Ce serait faire un cadeau de l'entreprise et de ses actifs au régime russe, et renforcer la guerre".

En outre, Adeo avait déclaré avoir une "responsabilité d'employeur vis-à-vis de (ses) 45.000 collaborateurs et de leurs familles qui contribuent depuis 18 ans à la construction de Leroy Merlin Russie", où l'enseigne compte 113 magasins.

Quelles sont leurs motivations ?

Pour Leroy Merlin et Auchan, quitter la Russie serait un crève-coeur doublé d'un coup dur pour les finances. Les deux enseignes y sont présentes depuis très longtemps et installées dans les habitudes de consommation des Russes.

Si Philippe Zimmermann a assuré à la Voix du Nord que "le bénéfice en Russie est en chute libre", la présence de longue date des deux groupes leur confère, selon un bon connaisseur du secteur ayant requis l'anonymat, une position importante en terme de part de marché.

Au-delà même de leur activité en terme de ventes (10% des ventes mondiales pour Auchan, 18% pour Leroy Merlin), il estime que le réseau russe doit peser de manière significative dans la rentabilité globale des deux enseignes.

Le 25 février, Auchan s'était félicité du redressement de sa filiale en Russie "après plusieurs années de décroissance de son chiffre d'affaires": "Tous les indicateurs financiers sont repassés dans le vert en 2021", avait indiqué le groupe en publiant ses résultats annuels.

Qu'en pensent les salariés?

Rester en Russie est une position "qui va être compliquée à tenir au vu de ce qui se passe en Ukraine", soupèse Gilles Martin, délégué central CFDT Auchan France. Pour autant, un retrait du groupe Mulliez serait "dramatique" parce que "c'est une très grosse branche économique de l'arbre Auchan".

Un cadre d'Adeo estime lui, sous couvert d'anonymat, positif que les enseignes Mulliez n'aient "pas abandonné leurs employés, et laissé ouvert les magasins Auchan et Leroy Merlin pour les populations russes qui ont des besoins de première nécessité et n'ont pas voulu la guerre". Pour Decathlon, qui vend des articles de sport et qui est moins fortement implanté, "c'est peut-être plus dur à expliquer", nuance-t-il toutefois.

Est-ce tenable sur le long terme?

"Les choix de l'entreprise vont être compliqués parce que la situation va être de plus en plus tendue a priori", estime Gilles Martin.

Dans sa communication mercredi, Adeo s'est abrité derrière les sanctions internationales, qu'il dit appliquer dans leur "intégralité", et derrière la position du gouvernement français, dont il dit respecter "toutes les directives".

Jeudi, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie a abondé la position des enseignes, sur BFM/RMC. "S'il s'agit à la fin de partir et de faire cadeau de l'ensemble des dispositifs aux Russes pour les enrichir, vous n'arrivez pas à la finalité qui est la vôtre", a-t-il estimé. "Ce n'est pas le peuple russe que nous visons, c'est le circuit de décision".