Un lit double aux draps immaculés déposé sur une plateforme, deux tables de nuit surmontées par deux lampes de chevet, cette suite sans toit ni murs installée à Saillon pourrait ressembler à toutes les autres proposées par les deux artistes Frank et Patrik Riklin depuis 2016. Mais la chambre est coincée entre une station essence et la route cantonale. Ici, on ne dort que d'un oeil, tenu en éveil par le bruit et le décor si peu idyllique. La vision paraît irréelle.

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"Au vu de la situation mondiale actuelle, ce n'est pas le moment de dormir", expliquent les deux frères. Cette année, ils ont donc décidé de développer une suite "anti-idyllique". Qu'est-ce que la sécurité? Qu'est-ce que le luxe? Comment pouvons-nous préserver les ressources et réduire notre consommation d'énergie? Soit autant de questions que les artistes espèrent inspirer aux hôtes qui choisiront d'y dormir. "Plusieurs réservations ont déjà été faites", confirment jeudi à Keystone-ATS les acolytes.

"Cette suite anti-idyllique nous renvoie à nos doutes et incertitudes, j'espère qu'elle inspirera les hôtes à réfléchir et à partager leurs idées que nous compilerons pour développer des actions locales dans le futur", précise Charles-Henri Thurre, président de Saillon, cité dans un communiqué.

"Miroir de la société"

Les deux artistes et l'hôtelier Daniel Charbonnier veulent proposer des suites qui se font "le miroir de la société" qui l'interpelle sur ses contradictions et ses folies. "Il s'agit d'amener une vue critique et seul l'art permet de le faire aussi frontalement", estiment Frank et Patrik Riklin.

Les trois fondateurs n'en sont pas à leur coup d'essai. En 2009, un premier hôtel ouvre dans un abri antiatomique à Teufen (AR) en pleine crise financière et alors que les premiers hôtels 7 étoiles font leur apparition. Le concept est baptisé Null Stern - la seule étoile c'est vous.

En 2016, les trois partenaires proposent Null Stern en plein air dans le Safiental (GR) avec une suite sans toit ni murs alors que l'urgence climatique se fait entendre. Cette expérience est réitérée dans différentes régions de Suisse orientale comme un appel lancé à un retour à la nature, à la décroissance.

Cette nouvelle version à Saillon, leur première incursion en Suisse romande, "offre un espace de réflexion sur les incertitudes économiques, sociales ou environnementales du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui", relève Daniel Charbonnier. Elle est aussi une déclaration artistique sur l'urgence et la nécessité d'un changement radical dans la société afin d'éviter qu'il y ait à l'avenir davantage d'endroits anti-idylliques qu'idylliques, ajoutent les deux frères saint-gallois.

Aussi trois suites idylliques

Au total, cette année quatre suites zéro-immobilier ont été réalisées en complicité avec la commune de Saillon, dont trois en version idyllique, "au vu de la forte demande": la liste d'attente pour tester ces trois chambres compte plus de 6000 personnes. Les quatre sites sont ouverts du 1er juillet au 18 septembre. Une nuitée y compris le service d’un majordome coûte 325 francs.