Dans un entretien avec l'AFP en marge du congrès annuel à Rome de la branche européenne du Conseil international des aéroports (ACI Europe), son directeur général, Olivier Jankovec, défend aussi les hausses de redevances aéroportuaires dénoncées par les compagnies aériennes, et met en garde contre la capacité de ses membres, aux finances affaiblies par la pandémie de Covid-19, à remplir leurs objectifs environnementaux.
QUESTION: Plusieurs aéroports européens connaissent déjà de graves problèmes opérationnels, avec des passagers qui attendent des heures, avant même la pointe des mois de juillet et août. Quel est votre message aux voyageurs pour cet été?
REPONSE: Les aéroports, avec leurs partenaires, font tout leur possible pour traiter ce problème. Une reprise bien plus rapide (qu'attendu), combinée à un marché de l'emploi extrêmement tendu, provoquent beaucoup de problèmes dans tout l'écosystème de l'aviation, qu'il s'agisse des aéroports, des compagnies aériennes, des manutentionnaires au sol, des contrôles de police et aux frontières...
Mais il faut aussi souligner que le système ne s'est pas effondré. Nous rencontrons des difficultés dans certains aéroports, dans certains pays plus que d'autres, mais le système fonctionne toujours.
Pour les passagers, il est important qu'ils communiquent avec les compagnies en avance pour savoir à quel moment ils devraient arriver à l'aéroport, et se préparent à arriver plus tôt que d'habitude pour être certains d'avoir le temps de passer (les formalités), en particulier s'il leur faut enregistrer des bagages.
Les aéroports ont pris de nombreuses mesures et je pense qu'elles commenceront à produire leurs effets vers la mi-juillet. Des renforts en personnel arriveront, des installations et infrastructures seront reconfigurées.
Ce sera serré, il y aura des disruptions, des temps d'attente plus importants, mais dans une vaste majorité des aéroports, le trafic s'écoulera, les gens ne rateront pas leur avion et, je l'espère, tout le monde pourra arriver à destination comme prévu.
Q: Dans ce contexte, les compagnies aériennes, représentées par leur association internationale, l'Iata, dénoncent des hausses de redevances prévues dans de nombreux aéroports du Vieux continent...
R: Les compagnies aériennes sont en train d'augmenter partout leurs tarifs (...) les aéroports doivent faire face aux mêmes difficultés et pressions inflationnistes. Les compagnies aériennes doivent payer leur carburant plus cher, mais nous subissons aussi des coûts énergétiques et de personnel, qui représentent en tout 45% de nos budgets de fonctionnement. Et bien sûr, l'inflation fait augmenter le prix des matériaux. Aujourd'hui, nous avons des fournisseurs qui nous disent +désolé, mais le prix de vos travaux va augmenter de 50 ou 80%+.
On dirait que l'Iata croit que l'argent pousse sur les arbres dans les aéroports, ce n'est pas le cas. L'Europe a fait le choix de voir les aéroports être gérés comme des entreprises de plein droit, et cela veut dire qu'ils sont financés par leurs utilisateurs, c'est-à-dire les compagnies aériennes et les passagers. L'Iata rêve d'une époque où les aéroports servaient encore à subventionner indirectement les compagnies. Ce n'est plus la réalité dans laquelle nous vivons.
Q: Comme l'ensemble des entreprises européennes, vous vous êtes engagés dans la voie de la décarbonation, mais vous sortez très endettés de la pandémie. Votre capacité à financer cette transformation est-elle assurée?
R: Un point d'interrogation plane sur notre capacité à financer ces projets. Nous voulons y arriver, les équipes et les dirigeants des aéroports ont des objectifs très clairs, ils doivent en répondre aux actionnaires, il faut que nous ayons accès aux financements et ces objectifs (de réduction des émissions) font partie des conditions de ces financements.
Mais nous devons pouvoir financer notre transition d'un point de vue économique. Et nous ne recevons pas l'aide nécessaire de l'Europe. L'Union européenne a mis en place un plan de relance de 750 milliards d'euros pour aider les secteurs les plus touchés par la crise et qui doivent décarboner. Et cela a complètement exclu les aéroports européens, ce qui est très difficile à accepter.