"Malgré la complexité de nos relations, je peux dire avec une certaine confiance que nos délégations ont trouvé les discussions d'aujourd'hui utiles, franches et constructives", a déclaré M. Blinken après cinq heures d'entretiens avec M. Wang, au lendemain d'une réunion des chefs de la diplomatie du G20 à Bali.
Il a cependant noté que la pression militaire croissante de Pékin sur Taïwan, une île démocratique que la Chine considère comme une partie intégrante de son territoire et qu'elle s'est juré de reprendre un jour, restait un problème pour Washington.
Préoccupations américaines
"J'ai fait part des profondes préoccupations des États-Unis concernant la rhétorique et les activités de plus en plus provocantes de Pékin à l'égard de Taïwan et de l'importance vitale du maintien de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan", a souligné M. Blinken à l'issue de la rencontre.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a lui aussi jugé la rencontre satisfaisante. "Les deux parties, sur la base de la réciprocité et des bénéfices mutuels, ont atteint un consensus pour faire en sorte que le groupe de travail conjoint sino-américain atteigne davantage de résultats", a-t-il indiqué dans son compte-rendu.
M. Blinken a également demandé à son homologue chinois de prendre ses distances avec Moscou et de condamner "l'agression" russe contre l'Ukraine. "C'est vraiment le moment où nous devons tous nous lever, comme l'ont fait les pays du G20 les uns après les autres, pour condamner l'agression", a-t-il déclaré.
"Fort consensus"
La veille, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait claqué la porte de la réunion avec ses homologues du G20 après avoir essuyé un torrent de critiques concernant l'invasion russe de l'Ukraine.
"Il y avait un fort consensus et la Russie a été laissée isolée, comme elle l'a été à de nombreuses reprises depuis le début de cette guerre", a déclaré M. Blinken. "En fait, le ministre des affaires étrangères, M. Lavrov, a quitté la réunion plus tôt que prévu, peut-être parce que ce message avait été si clair et retentissant", a-t-il estimé.
Il a également annoncé que les États-Unis allaient fournir une aide supplémentaire de 360 millions de dollars (351 millions de francs) à l'Ukraine, notamment pour la nourriture, l'eau potable et les soins de santé d'urgence.
Eviter un conflit
L'objectif principal de la rencontre, la reprise d'un dialogue de haut niveau entre les États-Unis et la Chine, semble avoir été atteint.
Alors que l'Occident s'efforce d'isoler la Russie après l'invasion de l'Ukraine et que l'économie mondiale est en proie à des incertitudes croissantes, Pékin et Washington ont pris des mesures de précaution pour empêcher que leurs innombrables divergences ne dégénèrent en conflit incontrôlable.
Les États-Unis chercheront "à faire tout ce qui est possible pour empêcher toute erreur de calcul qui pourrait conduire par inadvertance à un conflit", a déclaré aux journalistes, avant la rencontre, le plus haut diplomate américain pour l'Asie de l'Est, Daniel Kritenbrink.
"La Chine et les États-Unis sont deux grands pays, il est donc nécessaire pour les deux pays de maintenir des échanges normaux", avait de son côté déclaré M. Wang avant la rencontre.
Ligne dure
Les tensions restent présentes. Outre la question de Taïwan, le président américain Joe Biden a largement conservé la substance de la ligne dure de son prédécesseur Donald Trump à l'égard de la Chine.
Mais dans un récent discours, il a clairement indiqué que son pays ne cherchait pas à déclencher une nouvelle "guerre froide", même s'il a maintenu ses critiques, notamment en accusant Pékin de génocide à l'encontre du peuple ouïghour, majoritairement musulman.
On s'attend à ce que l'administration Biden assouplisse prochainement certaines des surtaxes douanières imposées par M. Trump sur les produits chinois, ce qui pourrait atténuer l'inflation, devenue un handicap politique majeur aux États-Unis.
Les responsables américains sont parfaitement conscients que toute mini-lune de miel avec la Chine pourrait être éphémère.
Xi Jinping, le dirigeant le plus puissant de Chine depuis des décennies, devrait en effet remanier son équipe de politique étrangère au congrès du Parti communiste qui se tiendra plus tard cette année.
Mais Craig Singleton, qui suit l'évolution de la Chine au sein de la Fondation pour la défense des démocraties, basée à Washington, s'attend à ce que M. Xi nomme à nouveau des technocrates capables de travailler avec Washington.
"La raison en est simple : l'économie chinoise est confrontée à des vents contraires considérables et les décideurs chinois semblent désireux de reconnaître que la rhétorique agressive de la Chine s'est retournée contre elle", a-t-il estimé.