C'est la première visite du prince héritier saoudien en Europe depuis l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat d'Arabie saoudite en Turquie il y a moins de quatre ans. Les services de renseignements américains ont pointé la responsabilité de Mohamed ben Salmane, qui dément avoir ordonné l'assassinat, même s'il a admis en porter la responsabilité en tant que dirigeant.
Cette rencontre signe un peu plus la "réhabilitation" du dirigeant de facto du royaume, moins de deux semaines après la visite du président américain Joe Biden en Arabie saoudite, qui a consacré le retour du prince héritier, surnommé MBS, sur la scène internationale, dans un contexte de guerre en Ukraine et de flambée des prix de l'énergie.
Plainte contre MBS
En réponse à la colère des défenseurs des droits fondamentaux, la présidence française a affirmé jeudi que M. Macron aborderait la "question des droits de l'homme comme il fait à chaque fois avec Mohammed ben Salmane". L'Elysée affirme que ce dîner est nécessaire, au regard de l'envolée des prix de l'énergie, de la crise alimentaire au Moyen-Orient et des inquiétudes liées au programme nucléaire iranien.
"Si l'on veut se confronter, s'attaquer aux conséquences de ces crises d'une part et peser dans la région au profit de tous, le seul moyen, c'est de parler avec tous les principaux acteurs", a fait savoir la présidence.
Jeudi, une plainte pour complicité de torture et de disparition forcée en lien avec l'assassinat de M. Khashoggi a été déposée à Paris contre le prince héritier, ont annoncé les ONG Democracy for the Arab World Now (DAWN), fondée par le journaliste saoudien, et l'ONG suisse Trial International.
Hatice Cengiz, la fiancée de M. Khashoggi, s'est dit "scandalisée et outrée qu'Emmanuel Macron reçoive avec tous les honneurs le bourreau de mon fiancé", dans un message en français adressé à l'AFP.
Le retour du "paria"
Chroniqueur du Washington Post, critique du pouvoir saoudien, le journaliste a été tué et démembré le 2 octobre 2018 dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul alors qu'il venait chercher des papiers nécessaires à son mariage.
Salué pour ses réformes, "MBS" est toutefois critiqué à cause de la répression menée contre les dissidents dans les milieux religieux, politiques, intellectuels, économiques et même au sein de la famille royale. Son image de réformateur avait été mondialement ternie par l'assassinat de M. Khashoggi.
Si le "fist bump", salut poing contre poing, échangé entre les deux hommes à Jeddah lors de la visite de M. Biden a scellé le retour du président américain sur sa promesse de campagne de traiter le royaume en "paria", le premier déplacement de MBS au sein de l'Union européenne passe mal chez les défenseurs des droits de l'homme.
Mais moins de quatre ans après l'affaire Khashoggi, l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février a provoqué un affolement des prix de l'énergie. Les pays occidentaux cherchent depuis à convaincre l'Arabie saoudite, le premier exportateur de brut, d'augmenter sa production afin de soulager les marchés et de limiter l'inflation.