Certains automobilistes l'auront peut-être remarqué, les espaces herbeux aux abords des autoroutes romandes ne sont plus aussi souvent fauchés comme d'habitude. Dans certains secteurs, les graminées poussent à foison et l'herbe est haute. Plus difficile est en revanche d'apercevoir le petit panneau blanc avec une fleur bleue au milieu fixé sur un piquet vert et blanc.

Cette nouvelle signalisation sert surtout au personnel d'entretien des routes pour pratiquer désormais un entretien différencié des bordures d'autoroutes. C'est l'un des grands objectifs de l'Office fédéral des routes (OFROU): freiner la perte de la biodiversité et la disparition de la faune et de la flore ainsi que lutter contre les plantes invasives dans ces lieux collés au bitume.

Contenu Sponsorisé
 
 
 
 
 
 

"Patrimoine vert colossal"

"Il y a de la vie là-dedans et il faut la préserver", a résumé mercredi à Lausanne Erwin Egger, chef de projet, référent biodiversité et zones vertes au Service intercantonal d'entretien du réseau autoroutier (SIERA) pour Vaud, Genève et Fribourg. Un réseau qui s'étend sur 302 km, avec donc quelque 600 km d'espaces verts.

"C'est un patrimoine écologique colossal. L'autoroute n'est pas juste un cordon bitumeux", souligne-t-il.

Depuis le lancement en 2012 de la Stratégie Biodiversité Suisse, une équipe de biologistes a fait le tour des autoroutes nationales en 2014 pour déterminer les meilleures zones possibles afin de favoriser cette biodiversité. Pour des questions notamment de ressources, c'est finalement en Suisse romande que le projet pilote visant à faire l'inventaire et l'analyse des secteurs précis à délimiter puis le test de nouvelles pratiques de fauchage est lancé.

Un quart en zone biodiversité

"Aujourd'hui en Suisse romande, environ un quart de l'ensemble des espaces verts aux abords des autoroutes a un potentiel de biodiversité. Pour Vaud, Genève et Fribourg, cela représente même quelque 166 hectares sur 500 hectares au total, soit un tiers", indique M. Egger. La Confédération exige un minimum de 20%.

"La nouvelle approche consiste à faucher tardivement, le moins possible et laisser au moins dix centimètres, à ne plus broyer l'herbe, à ne plus laisser la coupe sur place afin d'éviter le surengraissement du sol, à garder 10% de zone refuge à chaque fauchage pour préserver le cycle de vie de la faune et de la flore, et à lutter contre les espèces invasives, qu'elles soient indigènes et exotiques", énumère le chef de projet.

Terminé donc le fauchage systématique et les produits chimiques. Cet entretien différencié et ce ramassage sélectif implique de nouveaux réflexes, parfois même un arrachage à la main. "Il faut surtout former le personnel à être plus curieux et attentif à la biodiversité, à reconnaître les plantes invasives, tout en investissant dans des engins multifonctions de nouvelle génération, légers, autoportés ou encore à portée latérale", explique M. Egger.

Ambroisie et séneçon du Cap

S'agissant de la prolifération de ces "envahisseurs", il cite le chardon, l'ambroisie (très allergène) et le séneçon du Cap. Cousin du séneçon jacobée, ce dernier est 100 fois plus invasif. Arrivé autrefois dans nos contrées depuis l'Afrique du Sud, via le trafic de laine, il est toxique pour le bétail et les chevaux. Ils ont un coût économique pour la santé publique et l'agriculture, dit-il.

Pour freiner leur propagation, il faut par exemple nettoyer systématiquement et méticuleusement les machines et véhicules utilisés, car elles se collent facilement aux châssis ou aux pneus. Une coupe à 10 cm de hauteur, au lieu de faucher à ras le sol, plonge ces néophytes dans l'ombre et le manque de soleil empêche leur conquête. Autre espoir à terme: un puceron remontant depuis l'Espagne et s'attaquant à certaines plantes invasives.

Surveillance tous les cinq ans

L'OFROU, qui travaille en partenariat avec le SIERA pour ce projet pilote, a financé toute la phase d'inventaire et d'analyse des zones ainsi que le test des nouveaux engins, loués dans un premier temps. Le montant s'élève à environ un million de francs. Le SIERA se charge ensuite de l'achat des véhicules et de la formation.

Les deux partenaires ont tiré un bilan positif et encourageant de cette approche romande pionnière. "Nous apercevons le retour d'oiseaux nicheurs, de nouveaux insectes et d'une végétation plus variée". affirme M. Egger. Toutes les zones de biodiversité délimitée seront surveillées par des organismes indépendants tous les cinq ans, précise-t-il encore.