L'accusé principal, basé à Hong Kong au moment des faits, a déployé une "énergie criminelle importante", a déclaré mardi la procureure Vanessa Guizzetti Piccirilli, devant le Tribunal criminel des Montagnes et du Val-de-Ruz (NE). Même s'il n'est que complice au sens de la loi, il peut être considéré comme instigateur, vu qu'il a remis des sommes importantes à trois prévenus, dont l'un est décédé.

La procureure a requis une peine de quatre ans de prison ferme, contre ce quinquagénaire qui habite désormais au Vietnam. Pour les deux autres accusés, elle a fixé la peine à respectivement deux ans de prison, avec sursis complet pendant deux ans, contre l'ex-employé de CK Watches et à trois ans de prison, dont un ferme, pour l'ex-employé de Tissot.

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Comme la procédure dure depuis plus de huit ans, les infractions de blanchiment d'argent et de corruption sont prescrites, mais les faits devront être appréhendés dans leur globalité, a précisé la procureure. La gestion déloyale aggravée est avérée car il y a eu un dessein d'enrichissement illégitime.

Pour le Ministère public, les prévenus n'ont jamais mentionné à leur employeur les montants reçus. Ces derniers sont considérables et se sont élevés à 13,2 millions de francs sur dix ans pour le sexagénaire, ex-employé chez Tissot, à 800'000 francs sur six ans pour le Français de 47 ans, ex-employé de CK Watches, et un peu plus d'un million pour l'ex-responsable qualité de Tissot, décédé le 24 décembre 2021.

Véritable montage

Pour la partie plaignante, un véritable montage a été mis en place entre les prévenus, qui avaient des relations amicales, pour se faire de l'argent au détriment du groupe horloger. L'accusé basé à Hong Kong, maîtrisant le chinois et le marché de la région, et le sexagénaire, responsable des achats chez Tissot, ont commencé leur collaboration en créant une entreprise chinoise, active dans les imprimés.

Même si les prix étaient plus chers, la société a recueilli au fil des années les commandes de la quasi-totalité des imprimés de Tissot. CK Watches devient aussi client, grâce à l'implication du troisième prévenu français, responsable des achats de la marque.

Ensuite, les deux compères initiaux ont senti "une immense opportunité" de se faire de l'argent en créant une nouvelle société dans le commerce des glaces saphir quand Comadur - société locloise du groupe - a fermé son antenne à Hong Kong en 2007. Le responsable des achats ne choisissait que les fabricants de boîtes qui commandaient chez cette société chinoise, même si les prix des glaces saphir y étaient surfaits.

Tissot mis en danger

Il a manipulé les commandes, au détriment de Comadur également, a noté Sven Engel, avocat de Swatch Group. Plusieurs firmes chinoises ont été créées dans ce montage. Les prévenus ont fait "croire qu'il y avait quatre fournisseurs distincts et concurrents, alors qu'il n'y avait qu'un seul fournisseur", a ajouté la partie plaignante.

Cette concentration a mis en péril la pérennité de l'approvisionnement et "a terriblement mis en danger" Tissot, a expliqué l'avocat de Swatch Group.

Pour blinder le système, les deux compères s'approchent de l'ex-responsable qualité de Tissot qui entre dans l'affaire. Les deux ex-employés de la marque étaient bien coordonnés entre eux, à l'insu des autres collaborateurs. "Leur choix pouvait difficilement être remis en cause", a ajouté Sven Engel.

Selon lui, le dommage est "colossal". Le groupe a donc chiffré ses conclusions civiles à plus de 60 millions de francs, en lien avec Tissot et à 500'000 francs en lien avec CK.