Sa formation conservatrice Gerb a recueilli de 23 à 25% des suffrages, devant "Continuons le changement" de son rival centriste Kiril Petkov (19 à 20%), selon les projections publiées dans la soirée par deux instituts de sondage sur la base des premiers dépouillements.
Dans un Parlement fragmenté, aucune coalition franche ne se dessine. "La situation est la même, voire plus compliquée qu'après la dernière élection", a commenté sur la chaîne bTV Daniel Smilov, politologue du groupe de réflexion Centre de stratégies libérales.
C'est la quatrième fois en 18 mois que les Bulgares étaient appelés à élire leur parlement - une période d'instabilité politique sans précédent depuis la fin du communisme en 1989. Ils l'ont fait sans conviction - le taux de participation est historiquement bas (25% à 16h00), comme en novembre 2021 - et dans un climat morose, à l'approche d'un hiver assombri par la flambée des prix et la guerre en Ukraine.
Angoisse de l'inflation
Si la corruption endémique occupait les débats des derniers scrutins, l'insécurité économique a cette fois dominé la campagne, alors que l'inflation frôle les 20% dans ce pays des Balkans, le plus pauvre de l'Union européenne. A l'ouverture des bureaux de vote à Sofia, Krasimira Velkova, économiste de 64 ans, confiait ses peurs.
"Les gens s'inquiètent de l'inflation, du fait qu'un caddie coûte une fortune. Comment va-t-on traverser l'hiver, endurer le froid, payer nos factures ?", s'interroge-t-elle. Dans ce contexte anxiogène, M. Borissov, 63 ans, a brandi son expérience d'une décennie au pouvoir et promis tout au long de la campagne de vaincre "le chaos".
"Il faut des gens qui ont de la bouteille en ces temps troublés. Père Boïko, on peut lui reprocher des choses mais c'est un moindre mal", estime Bogomil Grouev, garagiste de 62 ans. Une autre électrice, Rada Mintcheva, dit apprécier le fait qu'il sait ménager à la fois les intérêts russes et occidentaux. "La guerre est tout près de chez nous, il vaut mieux ne provoquer personne", explique cette infirmière de 47 ans.
Vers un nouveau scrutin?
Mais l'image du colosse Borissov est ternie. Malmené à l'été 2020 par des manifestations massives contre la corruption, il est isolé et risque d'avoir du mal à trouver un partenaire politique, soulignent les analystes.
Dimanche, l'ex-dirigeant a de nouveau appelé les autres politiciens "à la raison", se disant "ouvert" à tous ceux qui défendent "la place de la Bulgarie dans l'UE et l'Otan". Son rival Kiril Petkov lui a aussitôt opposé une fin de non-recevoir. "Nous avons promis de ne pas nous allier à Gerb et nous tiendrons notre parole", a-t-il déclaré en prenant acte de sa défaite.
L'ancien entrepreneur de 42 ans formé à Harvard (Etats-Unis), qui a débarqué en 2021 sur la scène politique bulgare, avait été renversé en juin dernier par une motion de censure. Il a gouverné sept mois au total à la tête d'une coalition hétéroclite. Prêt à poursuivre le travail, M. Petkov avait exhorté ses concitoyens à confirmer leur choix "d'une Bulgarie nouvelle, prospère". Il n'aura pas été entendu.
"Longues négociations"
Reste pour Gerb la possibilité de s'allier avec le parti de la minorité turque MDL (15%), voire avec des mouvements prorusses montés en puissance depuis le lancement de l'offensive du Kremlin en Ukraine, dans un pays aux liens historiques, économiques et culturels forts avec Moscou.
La directrice de l'institut Alpha Research, Boriana Dimitrova, interrogée par l'AFP, prédit "de longues négociations". Et ne se montre guère optimiste sur la perspective d'une coalition stable, à l'image de la plupart des experts qui annoncent déjà de nouvelles élections.
Il y a pourtant urgence, car ces crises politiques en série bloquent les réformes, freinent la croissance et accélèrent l'exode des jeunes de ce pays qui a déjà perdu un dixième de sa population en une décennie.