Le Bibendum a commencé à se convertir à l'électrique en 2020 pour cette étape essentielle qui unit les gommes, métaux et tissus du pneu et lui donne sa forme.

13 millions d'unités sortent chaque année de cette usine ouverte en 1963 au pied des Alpes, à la frontière française, une fourmilière qui emploie 2.200 salariés et fonctionne 24H/24.

Les anciens fours à vapeur, chauffés au gaz par d'énormes chaudières, fonctionnent "comme une cocotte-minute", avec l'avantage d'une cuisson très homogène, expliquait mercredi un des chefs d'atelier, Alberto Faranta, lors d'une visite de presse.

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Au four électrique, la cuisson est plus compliquée et il y a un grand risque de faire un "pneu mollet", avec de la gomme dure à l'extérieur et encore liquide à l'intérieur, a expliqué Florent Menegaux, le président de Michelin. Mais elles consomment six à huit fois moins d'énergie.

Dans cette machine jaune, haute et étroite, de l'azote aide donc à répartir la chaleur, à 200 degrés pendant 10 minutes environ. Encore fumante, la pizza de gomme sort sur un tapis roulant et termine sa cuisson avant d'être vérifiée et stockée.

Comme dans les meilleurs adresses du guide Michelin, les lois de cuisson changent selon le produit, et sont jalousement gardées. Si ces fours sont utilisés par d'autres géants du pneu, Michelin ne s'épanche pas non plus sur les modifications qu'il y apporte.

Le N°1 mondial du pneu veut se passer du gaz pour faire des économies, sécuriser ses approvisionnements, et aussi décarboner sa production.

La situation est urgente: avec la guerre en Ukraine, la facture d'énergie des usines européennes est passée de 300 millions d'euros annuels en moyenne à un milliard d'euros prévus pour l'année 2022. Pour ne pas arrêter la production cet hiver, certaines des chaudières ont été converties au fioul, bien plus polluant.

Au total, les hausses des coûts des matières premières devraient coûter 2,5 milliards d'euros au groupe en 2022, même si le Bibendum a déjà passé plusieurs hausses de tarifs sur ses pneus depuis le début de la crise sanitaire en 2020.

Avec ces nouveaux fours, et en faisant la chasse aux économies d'énergie, le groupe espère consommer 37% d'énergie de moins qu'en 2010. En passant à l'électricité solaire ou éolienne, il veut aussi diviser par deux les émissions de C02 liées à sa production.

A Coni, 10% des près de 400 presses sont désormais électriques. Michelin a commencé à équiper sept autres usines en Europe et en Amérique du Nord, et 70% des presses devraient être électriques en 2050, avec un investissement de 100 millions d'euros par an.

Robot numéro 9

Coni est aussi une usine en pointe pour sa robotisation.

Au pied des fours électriques, dans le fracas des machines, le petit robot numéro 9 demande poliment à M. Menegaux de le laisser passer, alors que le PDG est en pleine séance photo.

A la place de la veste bleue à bandes jaunes des ouvriers, M. Numéro 9 a des petites lumières bleues et vertes qui indiquent la direction qu'il va prendre pour aller charger un pneu.

Au bout des tapis roulants, ce sont deux Iris, des robots développés depuis dix ans par Michelin, qui vérifient le produit fini, au millimètre près.

"La machine détecte 5 à 10% de plus d'erreurs que l'homme, et n'est jamais fatiguée", explique Pasquale Maiullari, responsable de l'atelier.

Cette robotisation a des conséquences sur l'emploi, mais pas à Coni: Michelin a déjà concentré sur l'usine la majorité de ses activités italiennes, après avoir fermé son usine de Trento (nord-est).

Le syndicat majoritaire à Coni, la CGIL, salue pour le moment ces changements qui "améliorent les conditions de travail", indique Gino Vennettillo, le responsable local. Des négociations sur les salaires doivent ouvrir bientôt pour faire face à l'inflation.

5% des pneus ne passent pas le test: des ouvriers (humains) décident de leur sort, avec une grande part de défauts acceptables et un cinquième de condamnations à la benne.

Les Iris, qui contrôleront bientôt tous les pneus produits, collectent les erreurs et les font remonter aux autres ateliers, mais aussi aux autres usines, pour traiter les problèmes dès les premiers assemblages.

A l'extérieur des grands bâtiments gris, les galettes sont ensuite transportées sur un kilomètre par des conteneurs autonomes, encore en test, jusqu'aux entrepôts de stockage.