Loin de limiter la hausse des températures à 1,5°C ou 2°C, les deux chiffres phares du traité, les plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 193 parties signataires "pourraient mettre le monde sur la voie d'un réchauffement de 2,5°C d'ici la fin du siècle", avertit l'agence onusienne chargée du climat dans sa dernière synthèse des engagements reçus.
Et ce alors même qu'avec près de 1,2°C de réchauffement, le monde est déjà confronté aux impacts dévastateurs du changement climatique, comme l'a illustré le cortège catastrophique d'inondations, canicules, sécheresses ou méga-feux qui a marqué l'année 2022.
Très loin d'un monde à +1,5°
Lors de la dernière conférence mondiale sur le climat, la COP26 tenue il y a un an à Glasgow, les pays s'étaient pourtant engagés à rehausser chaque année leurs "contributions déterminées au niveau national" (NDC), au lieu de tous les cinq ans comme le prévoyait l'accord signé en 2015.
Mais au 23 septembre, date-limite pour qu'elles soient prises en compte avant la nouvelle conférence qui se tiendra du 6 au 18 novembre dans la ville égyptienne de Charm el-Cheikh, seuls 24 pays avaient soumis une NDC nouvelle ou renforcée. Un chiffre "décevant" a reconnu le patron de l'ONU Climat, Simon Stiell.
"Nous sommes très loin du niveau et de la rapidité de réduction d'émissions nécessaires pour nous mettre sur la voie d'un monde à +1,5°C", a-t-il souligné dans un commentaire écrit sur cette synthèse. "Pour maintenir cet objectif (de 1,5°C) en vie, les gouvernements doivent renforcer leurs plans maintenant et les mettre en oeuvre dans les huit prochaines années", a-t-il insisté.
L'objectif de "1,5 degré est en réanimation" a de son côté commenté le patron de l'ONU, Antonio Guterres pour qui "nous allons vers des développements catastrophiques". "Je dirai que nous avons deux ou trois ans pour changer de trajectoire", a-t-il dit sur la BBC.
Baisse de 45% d'ici 2030 nécessaire
Car selon les experts de l'ONU, les émissions mondiales doivent baisser de 45% d'ici 2030, par rapport aux niveaux de 2010, pour tenir cet objectif, fixé par rapport aux températures moyennes de l'ère-préindustrielle, quand l'humanité a commencé à utiliser massivement des énergies fossiles, produisant des gaz à effet de serre qui causent le réchauffement.
Très loin de la nouvelle synthèse des NDC, selon laquelle les engagements actuels mèneraient au contraire à une augmentation de 10,6% des émissions sur cette même période. Lueur d'espoir, bien tardive, ils permettraient une baisse des émissions après 2030, ce qui n'était pas le cas l'an dernier.
"Beaucoup" de plans "incertains"
Mais pour l'heure, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) a de son côté annoncé mercredi que la concentration de méthane, un puissant gaz à effet de serre, a fait un bond sans précédent dans l'atmosphère en 2021 pour atteindre un niveau record. Le CO2 et le protoxyde d'azote continuant également à battre des records.
Dans une étude séparée sur les stratégies à long terme vers la "neutralité carbone" publiée mercredi, l'ONU Climat calcule que les émissions des pays ayant adopté de tels plans pourraient baisser d'environ 68%, s'ils sont effectivement mis en oeuvre. Mais elle prévient aussitôt que "beaucoup" de ces plans sont "incertains" et sans application concrète.
"La COP27 est l'occasion pour les dirigeants du monde de relancer la lutte contre le changement climatique", a poursuivi M. Stiell. Et d'appeler à des actes qui "reflètent l'urgence, la gravité des menaces et le peu de temps qui nous reste pour éviter les conséquences dévastatrices d'un changement climatique hors de contrôle".
Peu de temps pour un avenir vivable
Le dernier rapport des experts climatiques de l'ONU (Giec), publié en 2021/22, a souligné le peu de temps restant pour assurer un "avenir vivable" à l'humanité. Mais les scientifiques rappellent que chaque fraction de degré de réchauffement évité compte et qu'il faut donc agir.
"Le rapport (sur les NDC) et celui du Giec sont d'utiles rappels", a abondé mercredi dans un communiqué le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, qui présidera la COP27. "Il est indispensable de relever les ambitions et de les mettre urgemment en oeuvre (...) pour nous protéger d'impacts climatiques sévères et de pertes et dommages dévastateurs", a-t-il souligné.
Selon l'Egypte, "plus de 90" dirigeants du monde entier devraient participer au sommet qui se tiendra dans les premiers jours de la conférence. Avec une délégation de huit jeunes, l'association Swiss Youth for Climate sera un des représentants de la société civile suisse.
L'association estime crucial de traiter le problème de la justice climatique, indique-t-elle dans un communiqué. Les pays en voie de développement sont les plus touchés par les catastrophes naturelles, mais n'ont généralement pas les moyens de limiter leurs effets.
Les pays riches, comme la Suisse, doivent donc rediriger les flux d'investissements internationaux pour leur venir en aide. Berne doit aussi en faire plus, notamment en matière de finance climatique, pour atteindre ses objectifs internes, comme la Stratégie énergétique 2050, pointe Swiss Youth for Climate.