L'accusée, enceinte, a jusqu'au 27 avril pour débuter sa peine, a précisé le juge. Mme Holmes a été reconnue coupable en janvier d'avoir menti aux investisseurs sur les avancées réelles de son entreprise.
"Je prends, devant vous, mes responsabilités pour Theranos. J'ai adoré Theranos. C'était le travail de ma vie", a-t-elle déclaré à l'audience, en sanglotant, juste avant le prononcé de la sentence. "Je suis dévastée par mes échecs", a-t-elle ajouté. "Il ne s'est pas passé un jour ces dernières années sans que je ne sois profondément touchée par ce que les gens ont traversé à cause de mes erreurs", a-t-elle ajouté.
Semblant nerveuse à son arrivée au tribunal de San Jose, en Californie, l'ancienne dirigeante de 38 ans était accompagnée de ses parents et de son partenaire. Le parquet avait requis quinze ans de prison et voulait qu'elle restitue 800 millions de dollars à ses victimes. La défense avait plaidé pour une peine maximale d'un an et demi. Son avocat a indiqué vendredi qu'elle ferait appel.
"Manipulations et mensonges"
"La tragédie dans cette affaire est que Mme Holmes est brillante" et elle est parvenue à se faire une place dans un monde "dominé par les ego masculins", a relevé le juge. Mais il y a aussi eu suffisamment de preuves de "manipulations et de mensonges utilisés pour faire des affaires", a-t-il ajouté.
Le magistrat a expliqué ne pas avoir tenu compte de l'apparent mépris d'Elizabeth Holmes à l'égard des risques potentiels pour les patients, dans la mesure où elle a été acquittée des accusations de fraude envers eux. Il a aussi indiqué n'avoir pas pris en considération toutes les pertes générées par la chute de sa compagnie mais seulement une partie de celles encaissées par dix investisseurs, soit 121 millions de dollars.
Le montant qu'elle devra au final restituer aux investisseurs sera décidé à une date ultérieure, a indiqué le magistrat.
Le procureur Jeff Schenk a argué à l'audience que la peine devait refléter l'idée que "la fin ne justifie pas les moyens". Ce n'est pas "une punition pour le rêve de Mme Holmes", mais une sanction pour "la décision de tromper les investisseurs", a-t-il insisté.
Diagnostic sanguin rapide
L'avocat de la jeune femme Kevin Downey a rétorqué que sa cliente n'avait jamais été motivée par l'appât du gain: elle aurait pu devenir riche, mais n'a jamais vendu d'actions, utilisant l'argent pour construire sa technique. Elle représente "un danger minime pour la société", a-t-il affirmé.
Elizabeth Holmes a fondé Theranos en 2003, à 19 ans seulement, dans l'idée de fabriquer un outil de diagnostic sanguin rapide, indolore et moins cher que ceux des laboratoires traditionnels.
A l'aide d'un récit et d'une apparence très travaillés, elle était parvenue en quelques années à gagner la confiance de sommités et à lever des fonds auprès de prestigieux investisseurs attirés par le profil de cette jeune femme, une rareté dans le monde masculin des ingénieurs californiens.
"Je pensais que ce serait le prochain Apple", avait résumé pendant le procès Adam Rosendorff, qui fut un temps le directeur du laboratoire de l'entreprise.
Peur des piqûres
L'histoire était belle. Enfant, elle avait horreur des piqûres. Elle voulait donc inventer une machine qui réaliserait des centaines de diagnostics sanguins à partir d'une seule goutte de sang, prélevée sur le bout du doigt.
Le magnat des médias Rupert Murdoch, l'ancien secrétaire d'Etat Henry Kissinger et Jim Mattis, ministre de la défense de Donald Trump, ont un temps été convaincus par le projet d'Elizabeth Holmes.
A son apogée, l'entreprise était valorisée près de 10 milliards de dollars. Mais, en 2015, le scandale éclate au grand jour, lorsque le Wall Street Journal révèle que la machine n'a jamais fonctionné.
Ramesh "Sunny" Balwani, l'ancien compagnon d'Elizabeth Holmes et directeur des opérations de Theranos, a été jugé séparément. Il a également été reconnu coupable de fraude. Sa peine doit être prononcée le 7 décembre.