Le projet entend imposer à 15% toutes les grandes entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse les 750 millions d’euros, pour s'aligner sur une réforme décidée par l'OCDE et le G20. "Berne a tout intérêt à la reprendre", a souligné Sophie Michaud Gigon (Vert-e-s/VD) pour la commission. Si un Etat ne joue pas le jeu, des impôts supplémentaires pourraient être exigés dans un autre pays.

L'impôt complémentaire en question n'est pas disputé. Tous les partis l'acceptent, même si c'est parfois à contre-coeur. C'est la répartition des potentielles recettes supplémentaires qui fait débat. L'administration les estime entre 1 et 2,5 milliards de francs. Le Conseil fédéral propose d'accorder 75% de l'enveloppe aux cantons et 25% à la Confédération. Les sénateurs ont suivi.

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Le National voit lui les choses différemment. Par 99 voix contre 89 et une abstention, il demande une répartition à parts égales. Les cantons auxquels sont rattachées fiscalement les entreprises bénéficieront des recettes supplémentaires. Les députés se sont éloignés sur ce point de leur commission. Cette dernière voulait introduire un plafond de 400 francs par habitant, le surplus étant réparti de façon égale entre les autres cantons.

Semblant de justice

"Une répartition 50/50 est totalement équilibrée", a plaidé Samuel Bendahan (PS/VD). Elle rétablit un semblant de justice. Elle est l'occasion de faire quelque chose pour la population, qui voit son pouvoir d'achat toujours diminuer, et non pas toujours pour les grandes entreprises. "Qui peut se vanter d'être imposé à moins de 15%?" a-t-il interrogé. Personne. "Les primes maladie à elles seules sont proches, voire dépassent, ce montant."

Avec une répartition 25/75, quelques cantons se tailleraient la part du lion au détriment des autres. "Quatre cantons, à savoir Argovie, Bâle-Ville, Zoug et Zurich, en profiteraient", a souligné Aline Trede (Vert-e-s/BE). Pour Samuel Bendahan, c'est inacceptable.

"Il ne faut pas alimenter davantage le dumping fiscal entre les cantons", a complété Balthasar Glättli (Vert-e-s/ZH). Au lieu d'utiliser cet argent supplémentaire pour créer de nouveaux privilèges fiscaux pour les grandes entreprises, mieux vaudrait l'utiliser pour répondre aux nombreux défis actuels, a jugé la Bernoise. Et les Vert-e-s d'aller jusqu'à plaider pour que la Confédération empoche la totalité de l'enveloppe. Sans succès.

Hausse générale d'impôt crainte

A l'inverse, le camp bourgeois a poussé pour se rallier à la version du Conseil des Etats. "C'est déjà une solution de compromis", a plaidé Olivier Feller (PLR/VD). "Il ne faut pas priver les cantons de ressources qui leur reviennent de droit."

La réforme entraîne une détérioration de leurs finances, a souligné Magdalena Martullo-Blocher (UDC/GR). Les cantons doivent disposer des moyens nécessaires pour compenser cela. "Si les grandes entreprises devaient quitter la Suisse, tous les cantons et la Confédération en souffriraient."

Quand une entreprise s'en va, ce sont des millions qui manquent dans les caisses de la Confédération et des cantons pour les infrastructures ou les transports, a également pointé le ministre des finances Ueli Maurer. "Il faut de bonnes conditions cadre pour que les entreprises restent en Suisse."

Thomas Aeschi (UDC/ZG) a quant à lui souligné qu'une répartition 50/50 mènerait les cantons, qui obtiendrait alors moins d'argent, à augmenter à 15% les impôts pour toutes les sociétés. "Les petites et moyennes entreprises en pâtiraient." Ils ont fait chou blanc.

Promotion économique controversée

L'affectation de la manne supplémentaire à la promotion de l'attrait économique de la Suisse a également fait des vagues. La gauche, les Vert'libéraux et quelques centristes ont tenté de mieux soutenir la main-d'oeuvre indigène, le passage à l'imposition individuelle ou encore le financement de l'accueil extrafamilial.

L'UDC a de son côté essayé de profiter du projet pour revoir entièrement le système d'imposition des personnes physiques. La droite a encore voulu réduire le champ d'application de la loi. Aucune des propositions n'est passée. Le projet repasse chez les sénateurs.

Vote populaire en juin 2023

Une modification de la Constitution est nécessaire pour appliquer l'imposition différenciée des entreprises. Après l'examen parlementaire, le projet devrait être soumis au peuple et aux cantons le 18 juin 2023.

Une ordonnance transitoire, déjà mise en consultation, doit ensuite garantir l’entrée en vigueur de l’imposition minimale le 1er janvier 2024. La loi correspondante sera adoptée ultérieurement.