Bien qu'il soit appelé communément "taxe carbone aux frontières", il ne s'agit pas d'une taxe proprement dite. Ce dispositif sans précédent à cette échelle consistera à appliquer aux importations des Vingt-Sept les critères du marché du carbone européen, où les industriels de l'UE sont tenus d'acheter des "droits à polluer".

Il visera les secteurs jugés les plus polluants (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité, mais aussi hydrogène), ont indiqué les institutions européennes dans deux communiqués distincts, après de longues négociations nocturnes conclues au petit matin.

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Avec l'envolée du prix de la tonne de CO2, l'idée est d'éviter un "dumping écologique", qui verrait les industriels délocaliser leur production hors d'Europe, tout en encourageant le reste du monde à adopter les standards européens.

"Un pilier crucial"

Ce dispositif d'"ajustement carbone aux frontières" (CBAM en anglais) "sera un pilier crucial des politiques climatiques européennes. C'est l'un des seuls mécanismes dont nous disposons pour inciter nos partenaires commerciaux à décarboner leur industrie", a expliqué l'eurodéputé Mohammed Chahim (S&D, sociaux-démocrates), négociateur pour le Parlement.

En pratique, l'importateur devra déclarer les émissions directement liées au processus de production et, si celles-ci dépassent le standard européen, acquérir un "certificat d'émission" au prix du CO2 dans l'UE. Si un marché carbone existe dans le pays exportateur, il paiera seulement la différence.

Selon l'accord, le dispositif tiendra compte des émissions "indirectes", celles générées par l'électricité utilisée pour la production des produits importés. Une période-test commencera en octobre 2023, durant laquelle les entreprises importatrices devront simplement rapporter leurs obligations.

Le calendrier de mise en oeuvre effective du dispositif, qui sera progressive, dépendra de pourparlers ultérieurs en fin de semaine sur le reste de la réforme du marché carbone de l'UE, au coeur du plan climat européen.

Quotas gratuits supprimés

Ainsi, à mesure que cet "ajustement aux frontières" montera en puissance, l'UE supprimera progressivement les quotas d'émission gratuits alloués jusqu'ici aux industriels européens pour leur permettre d'affronter la concurrence extra-européenne.

Le rythme de suppression de ces quotas gratuits et la possibilité d'aides alternatives aux exportateurs européens, pour ne pas les désavantager sur le marché mondial, font encore l'objet d'âpres discussions.

Les eurodéputés réclament une suppression très progressive des quotas gratuits à partir de 2027, avant leur disparition complète en 2032, date où le CBAM entrerait entièrement en vigueur. Les Etats défendent, eux, une élimination très graduelle entre 2026 et 2035.

Il s'agit d'un point crucial: en traitant à égalité importations et production locale, Bruxelles estime rester dans les clous des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et contrer les accusations de "protectionnisme".