"Il est temps de payer un salaire juste au personnel soignant", "Les pénuries de personnels coûtent des vies", affirmaient jeudi des pancartes de grévistes rassemblés devant l'hôpital Saint-Thomas à Londres.
"Je suis dans le métier depuis des années. (...) J'ai moi-même constaté un déclin. J'aimerais que quelque chose soit fait", a dit à l'AFP Marsha Kerr, infirmière en soins intensifs.
Jusqu'à 100'000 infirmières participent à cette grève, la première dans les 106 ans d'histoire de leur syndicat, le Royal College of Nursing (RCN), jeudi puis le 20 décembre. Le mouvement concerne l'Angleterre, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord.
Il intervient dans une période de tensions sociales rares à l'approche de Noël. Des cheminots à la police aux frontières, de nombreuses catégories professionnelles seront en grève en cette fin d'année, bousculant les projets de certains Britanniques.
Le gouvernement conservateur, en difficulté dans les sondages, se montre implacable, promettant de légiférer pour réduire le pouvoir des syndicats et refusant de s'impliquer dans les négociations. Mais le mouvement des soignants constitue un défi car la sympathie de l'opinion est grande pour les employés du système de santé public gratuit, longtemps fierté nationale et lessivé par dix ans d'austérité puis la pandémie.
Les infirmières demandent une augmentation des salaires représentant un peu plus de 19% pour rattraper des années de disette qui se sont traduites, pour le RCN, par une baisse de leur pouvoir d'achat de 20% depuis 2010 et l'arrivée des conservateurs au pouvoir. Une demande jugée "inabordable" par le gouvernement.
"Nous sommes avec vous", titre jeudi le quotidien de gauche the Daily Mirror, faisant écho à une population britannique en majorité favorable au débrayage des infirmières selon les sondages.
Charge de travail
La secrétaire d'Etat à la Santé et ancienne infirmière Maria Caulfield a indiqué sur Sky News jeudi que quelque 70'000 rendez-vous médicaux et opérations allaient être perdus en Angleterre en raison de la grève.
"Je me suis réveillée ce matin avec le coeur brisé en tant qu'infirmière", a affirmé à l'agence PA la secrétaire générale de RCN, Pat Cullen, estimant qu'il était "tragique d'avoir dû mener la profession à la grève pour que nos voix soient entendues".
Dans un Royaume-Uni en pleine crise du coût de la vie, avec une inflation au-dessus de 10%, les représentantes des infirmières affirment que leurs membres sautent des repas, peinent à nourrir et habiller leurs familles et finissent par quitter en masse le NHS.
"Insigne de honte"
Les grévistes se plaignent également d'une charge de travail de plus en plus lourde en raison notamment de la pénurie de soignants.
"J'ai fait beaucoup de recrutements. (...) Ce que je remarque au fil des ans, c'est qu'il est plus difficile de recruter des infirmières. Alors qu'avant, quinze personnes postulaient pour un poste, aujourd'hui je dois parfois publier une annonce plusieurs fois avant de trouver quelqu'un", a dit à l'AFP Ian Henderson, infirmier en ophtalmologie.
Lors de la séance hebdomadaire des questions au Parlement mercredi, le chef de l'opposition travailliste, Keir Starmer, a qualifié "de marque de honte" la grève, appelant le Premier ministre Rishi Sunak à négocier pour que celle-ci soit annulée, ce qui permettrait à "tout le pays de souffler".
Ce à quoi M. Sunak a rétorqué que le gouvernement conservateur suivait les recommandations de l'organisme indépendant dans ses propositions d'augmentations, qualifiant les grèves de "cauchemar avant Noël" imputable au Labour en raison de ses liens avec les syndicats.