Lors de la ministérielle de juin, les 164 membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avaient arraché un consensus pour de telles exceptions pour les vaccins pour cinq ans. La Suisse, opposée parce qu'elle redoute des effets sur les possibilités d'innovation des entreprises pharmaceutiques, avait cédé avec d'autres pays. Notamment parce que la production de doses était devenue suffisante pour alimenter la demande.
Dans leur accord, les ministres avaient convenu de poursuivre le même objectif sur les autres technologies contre le coronavirus dans les six mois, dont les médicaments et les tests. Après l'échéance de ce délai samedi dernier, ils sont arrivés à un accord minimal, celui d'étendre les discussions, lors de la réunion du Conseil général, organe le plus élevé de l'organisation.
Mais l'incertitude subsiste sur la durée de ces négociations prolongées, qui devra être établie en mars prochain. Certains Etats en développement auraient souhaité qu'un nouveau délai de trois mois soit lancé. Une approche inacceptable pour les Etats-Unis.
Cette décision ne constitue pas une surprise. Après des mois de divisions, le président des négociations avait dû se résoudre à faire un rapport d'un paragraphe au Conseil général, tant les blocages restent importants. Certains pays en développement, les mêmes qui veulent un délai court, proposaient d'appliquer la même décision que sur les vaccins mais un groupe de pays, dont la Suisse, ont refusé.
Pas de pénuries, selon Berne
Il y a quelques semaines, les Etats-Unis avaient annoncé qu'ils soutiendraient une prolongation des discussions à Genève. Ces derniers mois, la Suisse ne s'est pas opposée vigoureusement, mais elle a fait remarquer que de nombreuses questions restaient sans réponse pour avancer davantage.
Elle n'est pas seule sur cette ligne. De nombreux Etats demandent davantage d'indications sur une thématique plus difficile à résoudre que celles des vaccins. Les Etats-Unis ont décidé de lancer une investigation pour en savoir davantage.
En revanche, les pays qui ont porté cette demande d'exceptions rétorquent toujours que l'accès aux autres technologies contre le coronavirus reste inéquitable. Pour la Suisse, il faut d'abord montrer qu'un problème systémique provoqué par la propriété intellectuelle est observé. Ensuite, des étapes pourraient être établies pour améliorer la situation et garantir un approvisionnement sans entraves.
Or aucune indication ne laisse penser à des pénuries, a affirmé récemment la Suisse, s'appuyant sur les données d'un cabinet britannique mandaté par la faîtière internationale des entreprises pharmaceutiques (IFPMA). Au contraire, il existerait plutôt un problème de demande. La Suisse appelle à une réponse plus large, en termes de financement comme de transfert de technologies.
Plus de 130 accords récents
Elle relève que plus de 130 accords de licences volontaires, couvrant près de 130 pays, ont été décidés avec les innovateurs. "Aucun ajustement du système de propriété intellectuelle ne semble requis", ajoute-t-elle dans une déclaration récemment.
Outre le dialogue à l'OMC, certains souhaiteraient voir la possibilité d'exceptions à la propriété intellectuelle faire partie d'un futur accord contraignant contre les pandémies à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Celui-ci, discuté de manière préliminaire jusqu'à présent, devrait faire l'objet de négociations dès fin février prochain.
Lors de la troisième réunion préparatoire récemment, les Etats-Unis ont clairement affirmé que cette question devait plutôt être réglée à l'OMC. Une approche qui pourrait éviter à la Suisse de se trouver exposée à de multiples fronts pour tenter de préserver l'industrie pharmaceutique.
A l'OMC, certains pays en développement souhaitaient également que l'OMS soit davantage associée en donnant des indications sur les stocks de médicaments et de tests. Là encore, les Etats riches ont refusé cette demande.