En 2022, les recettes des détaillants suisses ont diminué de 2,6%, en dépit de la bonne santé du marché de l'emploi et de la hausse de l'immigration, selon l'étude annuelle Retail Outlook de Credit Suisse et de la société de conseil Fuhrer & Hotz.
Les ventes restent néanmoins supérieures à leurs niveaux d'avant la pandémie, en hausse de 5,7% par rapport à 2019.
Le secteur alimentaire a essuyé un repli de 4,5% des chiffres d'affaires, alors que les supermarchés avaient profité d'un surcroît d'activité exceptionnel pendant le Covid, tandis que le segment non alimentaire a mieux résisté, grâce à des effets de rattrapage, avec une baisse de 1,2% seulement.
L'alimentaire en force
L'année prochaine s'annonce sous de meilleurs auspices: la situation devrait en effet se stabiliser. Les auteurs de l'étude tablent sur une hausse des recettes aussi bien dans le secteur alimentaire (+2,1%) que dans le non-alimentaire (+0,8%). Toutefois, le moteur de cette croissance sera le renchérissement, alors que l'inflation est escomptée à 1,6% en 2023.
La consommation de rattrapage devrait continuer à ralentir dans le segment vêtements et chaussures. "Nous ne nous attendons pas à ce que les chiffres d'affaires de ce secteur renouent avec leurs niveaux prépandémiques", souligne l'étude.
A noter que tous les dirigeants travaillant dans l'alimentaire interrogés ont expliqué vouloir augmenter leurs surfaces de vente, principalement par de nouvelles ouvertures, en 2023. À l'opposé, la fermeture de certains sites est prévue dans le non alimentaire.
En 2022, la planification a été difficile pour les commerçants: la guerre en Ukraine, l'inflation, la crise énergétique, de nombreux facteurs ont compliqué cette tâche. Un sondage auprès des détaillants montre néanmoins que plus de la moitié d'entre eux sont parvenus à atteindre leurs objectifs de chiffre d'affaires.
Pour 2023, seuls 57% des participants à l'enquête anticipent une croissance de leur chiffre d'affaires en glissement annuel. C'est le segment alimentaire qui se montre ici le plus optimiste.
L'inflation rogne les marges
Les prix dans le commerce de détail ont augmenté de 1,8% environ en 2022, dans le sillage de l'inflation. Le secteur non alimentaire a enregistré une hausse plus marquée (+1,9%) que dans l'alimentaire (+1,6%), selon les estimations. Les chiffres d'affaires réels des détaillants devraient donc avoir baissé encore plus fortement que les valeurs nominales publiées.
L'envolée des prix de l'énergie et des intrants explique la hausse des prix enregistrée en 2022, que les détaillants n'ont d'ailleurs pas été en mesure de répercuter intégralement sur les consommateurs, "ce qui a eu un impact négatif sur les marges", selon les auteurs de l'étude.
A l'instar d'autres branches, le commerce de détail est confronté à une pénurie de main d'oeuvre. Le taux de chômage est très bas (2,2% en 2022) et le nombre de postes à pourvoir très élevé. Offrir de bonnes conditions de travail, par exemple avec des modèles flexibles et de la formation continue, permet aux employeurs de renforcer leur attractivité.
Alors qu'on aurait pu s'attendre à une explosion du tourisme d'achat stationnaire avec la fin des restrictions sanitaires et le renchérissement du franc, cela n'a pas été le cas. Les chiffres d'affaires ont certes recommencé à progresser mais pas explosé: "le renchérissement du trajet lié à la hausse des prix des carburants a sans doute joué un rôle, tout comme la modification de certains comportements d'achat dans le sillage de la pandémie", expliquent les auteurs du rapport.
Sara Carnazzi, responsable de l'analyse politico-économique chez Credit Suisse, a expliqué en conférence de presse tabler sur une hausse du tourisme d'achat en 2023, alors que le franc devrait rester sous la parité avec l'euro. Mais pour autant, "pas de forte flambée" attendue non plus, vu que l'inflation est plus forte dans les pays de l'Union européenne.
Enfin, le commerce en ligne devrait continuer à capter de plus en plus de parts de marché, bien que la croissance ait ralenti depuis la fin de la pandémie. En 2023, les recettes devraient avoisiner environ 13 milliards de francs dans le commerce en ligne, selon les estimations des économistes de Credit Suisse.